Cosmopolitan (France)

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Célébrité, fortune, amour... Elle a tout eu, tout perdu. Et maintenant ? Elle se reconstrui­t.

- Par Katie Mulloy. Photos Matthew Eades. Traduction Mathilde Effosse.

Cheveux roses, ongles orange, grands yeux de chats qui illuminent un petit visage : dans son studio d’enregistre­ment londonien, Lily Allen semble tout droit sortie d’un manga. En allumant une cigarette, elle avoue qu’elle a peur. Dans son autobiogra­phie très personnell­e, « My Thoughts Exactly », sortie fin septembre 2018 en Angleterre, elle raconte tout de sa vie, de ses frasques sexuelles à son expérience avec les drogues en passant par sa dépression… « Ça m’angoisse un peu. Mais c’est le jeu. » La chanteuse à la langue bien pendue assume. « Pendant huit ans, la presse people m’a présentée comme “la princesse de la pop mal élevée”. Les gens m’ont demandé de me taire et d’arrêter de me plaindre. On me disait que je n’avais pas le droit d’être triste parce que j’étais riche et célèbre. » Aujourd’hui, elle a 33 ans, elle est maman, compositri­ce, business woman. Et elle dit ce qu’elle veut.

Il était une fois…

La fille de l’acteur Keith Allen et de la productric­e de cinéma Alison Owen n’a pas eu une enfance dorée. Son père est souvent absent, et quand il est dans les parages, elle le voit peu : « C’était des annulation­s, des excuses nulles et des déceptions », se souvient Lily. Sa mère quant à elle est occupée, travaille ou prend de la drogue avec des amis. Lily ne compte plus les fois où elle a été oubliée à la sortie de l’école. À 18 ans, soit deux ans avant de sortir « Smile », le premier single qui la rendra célèbre, Lily se fait hospitalis­er au Priory (centre de rehab pour stars) pour la première fois. C’est en 2004, la faute à une dépression et une overdose de paracétamo­l après une rupture compliquée. Une fois là-bas, tout ce que je voulais, c’était sortir. Ça ne m’a rien appris. Je n’avais pas spécialeme­nt envie de devenir “clean”. »

La phase célébrité

En 2006, « Smile » se propulse au top des ventes, et son premier album, « Alright, Still », est applaudi par le monde entier. Depuis, il a dépassé les deux millions de ventes. « Je cherchais de l’attention depuis toujours, et quand on m’a enfin remarquée… c’était trop d’un coup. » Considérée comme une “drama-queen bourgeoise”, connue pour ses sautes d’humeur, la nouvelle star devient rapidement la cible des tabloïds. Gros titres agressifs, attaques sur le Net, paparazzis jour et nuit : Lily n’arrive plus à gérer. « C’était oppressant, mentalemen­t et physiqueme­nt. Il y avait entre vingt et trente mecs devant mon immeuble tous les matins… J’avais l’impression d’être en prison. J’ai commencé à boire et à me droguer pour m’échapper. » Pendant quelques années, elle arrive à conjuguer ce mode de vie et son travail. « J’ai toujours honoré mes rendezvous, je n’ai jamais été en retard. Je faisais la fête, mais si j’avais un avion à 7 heures, je ne le loupais pas. » En 2009, ça dérape. Pourtant, son deuxième album, « It’s Not Me, It’s You » est numéro 1 des ventes… Mais les mois passent dans le flou de l’alcool et des drogues. Les revers de la célébrité commencent à affecter Lily. Elle qui n’a jamais aimé son corps s’enfonce dans l’autodestru­ction. « Pour la promo du deuxième album, j’ai arrêté de manger. Je pensais aux shootings photos, aux tapis rouges… Quand

JE CHERCHAIS DE L’ATTENTION DEPUIS TOUJOURS, ET QUAND ON M’A ENFIN REMARQUÉE... C’ÉTAIT TROP D’UN COUP.

ça allait, je prenais un repas par jour. Quand ça n’allait pas, je me faisais vomir. Je me sentais ridicule et énorme. »

La phase stabilité

Enfin, une lueur d’espoir. Il s’appelle Sam Cooper, il gère sa boîte de constructi­on, il est inconnu du grand public. « Je me suis dit : c’est lui. On va se marier, vivre à la campagne et avoir des enfants. » C’est la première fois que Lily est avec un homme stable, en qui elle peut avoir confiance. Quelque temps après, elle annonce qu’elle arrête la musique. « En réalité je n’ai jamais vraiment voulu arrêter. Mais je pensais que si je le disais, on me laisserait au moins avoir des enfants tranquille. » Le plan semble parfait, mais la vie en décide autrement. Un an après que Lily et Sam emménagent ensemble, Lily perd son bébé à six mois de grossesse. Huit mois plus tard, ils se marient. Puis leur fille, Ethel, voit le jour. En janvier 2013, Lily accouche d’une deuxième fille, Marnie.

La phase folie

« Quand Ethel est née, il y a eu des complicati­ons. Elle avait des problèmes pour se nourrir et respirer. J’ai tout de suite été terrorisée à l’idée qu’elle meure, je ne pouvais pas revivre ça. Je ne voulais pas m’attacher, j’ai mis une barrière entre nous. » Lily commence alors une tournée mondiale pour son album « Sheezus », qu’elle n’aime pas et qui a reçu un accueil mitigé. « Je voulais partir faire le tour du monde avec mes enfants, mais Sam a refusé. Il disait que ce n’était pas un environnem­ent sain et stable pour eux. » Elle lui en veut : « C’était égoïste de sa part. Il restait tranquille à la maison, avec mes enfants, et moi je devais partir gagner de l’argent. Quand vous vous réveillez dans un endroit où vous ne connaissez personne et que vous avez seize heures à tuer, vous n’avez pas beaucoup de choix. » L’un d’eux, c’est l’alcool. L’autre, le sexe. Lily commence à tromper Sam, parfois avec des femmes qu’elle paye pour venir dans sa chambre d’hôtel. Elle vit une sorte de renaissanc­e sexuelle… et son premier orgasme. « Le sexe, c’est avant tout une connexion avec l’autre et avec soi-même. Je n’étais pas bien dans mon corps, et j’ai compris que c’était à moi que je devais faire plaisir en premier. » S’est-elle posé des questions sur sa sexualité ? « Avec les hommes, je ne m’éclatais pas. J’avais l’impression d’attendre que ça se passe. Je ne me sentais pas attirée par les femmes, mais j’étais en mission pour réveiller ma libido, alors j’essayais tout. » Aujourd’hui, tout va bien avec DJ Daniel London, son copain depuis trois ans. Parce qu’elle a compris : « Il faut trouver quelqu’un avec qui on est en confiance, et à qui on n’essaie pas de faire plaisir tout le temps. »

La phase déprime

Depuis « Sheezus », la vie de Lily n’est pas un long fleuve tranquille. Juste après son divorce, Alex Gray, un stalker, entre par effraction chez elle alors qu’elle est au lit. Daniel London doit lutter pour le faire sortir. En novembre 2016, son ex-mari se met en couple, et Lily perd les pédales. « C’est la goutte qui a fait déborder le vase. » Pourtant, ils ne sont plus ensemble depuis longtemps, et elle est amoureuse de Daniel. Mais elle a l’impression que son ex lui a menti. Elle part dans un délire psychotiqu­e et est hospitalis­ée : « Le personnel me tenait au sol. J’ai balancé une fontaine d’eau par la fenêtre. Il a fallu six infirmière­s pour me tenir, elles étaient prêtes à me mettre sous sédatifs. Si ça arrive, on est interné direct. Daniel a dû les convaincre de ne pas le faire. » Puis elle prend un traitement antipsycho­tique. Mais sa carrière, ses enfants et Daniel l’aident à se relever. Aujourd’hui, elle consulte un thérapeute une fois par semaine, elle a arrêté les antidépres­seurs il y a moins d’un an… mais elle est encore fragile. « J’ai fait une crise d’angoisse dans l’avion. Le clip de “Trigger Bang” venait de sortir, et j’étais terrorisée à l’idée de revenir dans le monde de la musique. »

La phase guérison

« Ma vie n’est pas comme les autres. La drogue et l’alcool n’ont pas aidé. Mais peut-être que tout ce que je suis a toujours été enfoui en moi, et que si je n’avais pas pris tout ça, j’aurais touché le fond un peu plus tard, c’est tout. » Lily est honnête, Lily dit ce qu’elle pense. Dans cette vie d’excès, d’erreurs, il y a une petite fille fragile, pleine de failles, qui cherche le bonheur au mauvais endroit. Alors on veut lui poser une dernière question : est-ce qu’elle est heureuse, maintenant ? Elle reste silencieus­e un instant. « Je suis très heureuse dans mon couple, j’aime mes enfants plus que tout, je fais de la musique que j’adore… Je ne pourrais pas demander plus. » Nous non plus, Lily.

IL FAUT TROUVER QUELQU’UN AVEC QUI ON EST EN CONFIANCE, ET À QUI ON N’ESSAIE PAS DE FAIRE PLAISIR TOUT LE TEMPS.

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