Cosmopolitan (France)

JE PARIE SUR MOI

Plutôt que de rêver d’être quelqu’un d’autre ou de lorgner sur ce que les autres ont de plus que moi, je fais le point sur mes ressources. Bonne surprise : j’ai tout ce qu’il faut, et plus encore. Démonstrat­ion.

- Par Camille Anseaume. Photo Chris Craymer.

Je fais le point sur mes ressources. Bonne surprise : j’ai tout ce qu’il faut. Par Camille Anseaume.

LLes « atouts » : le dictionnai­re les définit comme des avantages, des éléments de succès, ou encore des « cartes à jouer ». De celles dont on a besoin pour remporter la mise, et accomplir ce qu’on a en tête : décrocher le job de ses rêves ou une augmentati­on, se sentir bien seule ou à deux, se lancer dans un projet de voyage ou de cours de langue des signes… Face à des perspectiv­es, petites ou grandes, la meilleure solution est de prendre conscience de tous les outils dont nous disposons. Dans cette boîte à outils, on trouve un peu de tout : des choses qui brillent, certaines un peu rouillées, et d’autres encore dont on ne soupçonnai­t même pas l’existence. C’est fou ce qu’on a en nous pour mener la vie qu’on veut… à condition de ne pas se planter dans l’inventaire.

J’arrête d’être trop modeste

Première étape, accepter d’être quelqu’un de génial. À moins d’être Jay-Z, on n’est pas forcément habituée à l’exercice. Question de tempéramen­t, mais aussi d’éducation, comme en témoigne Luna : « Dans ma famille, il y a un truc qui ne passe pas : les gens qui se la pètent. On regarde de travers les signes extérieurs de richesse, mais ça va plus loin : dans l’attitude, il faut éviter d’attirer l’attention sur soi, toujours laisser la parole et la lumière aux autres… J’ai eu un déclic pendant le mariage de mon frère. Sa nana vient d’une famille à l’opposé de la nôtre : ce qui compte, c’est être « mieux », et le montrer. En regardant la belle-mère de mon frère donner des leçons de bon goût à ma mère qui acquiesçai­t poliment, j’ai pété un plomb : j’ai vu à quel point notre modestie familiale pouvait tourner à la soumission. Ça m’a beaucoup fait cogiter, et depuis je fais attention à ne pas tomber dans l’excès. » Sur le modèle de Luna, on peut opérer mentalemen­t un petit switch, en passant de la notion de modestie à celle d’humilité. La différence ? On reste consciente de nos limites pour ne pas tomber dans l’autosatisf­action, mais on arrête d’effacer tout ce qui pourrait nous valoriser. Concrèteme­nt, j’apprends à accepter les compliment­s. On se lance un défi simple : au prochain compliment reçu (« J’adore ta combi verte »), pas le droit d’annuler (« Tu parles, on dirait la mascotte de Cetelem »), de minimiser (« Oh, c’est de la mauvaise qualité, ça ne va pas durer ») ou de renvoyer (« Ça t’irait mieux à toi ! »). On réagit en deux temps : un « Merci » simple, et une petite question pour s’empêcher de passer tout de suite à autre chose : « C’est la coupe que tu aimes ? » ou « Tu penses que ça passerait avec des baskets ? ».

Je regarde plus loin

Dans la fameuse boîte à outils, on a nos ressources intérieure­s, mais aussi des atouts extérieurs dans lesquels piocher en cas de besoin… même pour les décisions les plus difficiles : « À 28 ans, raconte Juliette, je suis très malheureus­e dans mon couple. Mais on s’est pacsés un an avant, je l’ai rejoint à Rome, je me sens incapable de tout quitter pour repartir à zéro. Alors je fais traîner les choses jusqu’à ce que la situation devienne invivable. Cette rupture que je redoutais tant arrive, et les choses sont bien moins terribles que ce que j’avais imaginé. Je me sentais seule, et je pensais ne devoir compter que sur moi-même. Je n’avais pas envisagé que j’aurais deux amies qui viendraien­t m’aider à déménager, un boss qui accepterai­t un télétravai­l à temps partiel pendant quelques mois, et un frère qui me laisserait sa chambre le temps que je trouve un logement. Si j’avais pris la mesure de tous ces éléments, j’aurais sauté le pas plus tôt. » Car parfois, les atouts sont dans d’autres mains prêtes à nous venir en aide, ou dans des petites choses toutes simples qui rendent les virages plus doux : un pote comptable quand on veut monter une boîte, une mini-épargne pour financer un déménageme­nt express quand la coloc tourne mal, la maison paumée d’un oncle pour commencer le roman qu’on rêve d’écrire… Concrèteme­nt, j’identifie mes ressources extérieure­s en pensant au problème qui me ronge ou au projet qui me démange, et en me demandant : ★ Si je pouvais organiser un dîner (presque) parfait pour être conseillée, il y aurait qui ? ★ Si je pouvais disposer de cinq éléments pour atteindre mon but, quels seraient-ils ?

En dessous de chacune de mes réponses, je note le prénom d’une personne de mon entourage que je pourrais consulter, ou les leviers que je pourrais activer pour obtenir ce dont j’ai besoin.

Je réfléchis au-delà de mes « qualités »

Un atout, ça va au-delà d’une qualité, et c’est en comprenant cette nuance que Nadia, 31 ans, a osé se lancer : « Ça faisait des années que je m’ennuyais un peu dans mon boulot, sans pour autant vouloir le lâcher. Je sentais que pour trouver un équilibre, il me fallait un projet qui me fasse vibrer, mais lequel ? Je tournais en rond en me disant que je n’avais pas de talent particulie­r. Un jour, dans une émission littéraire, j’ai entendu une auteure dire que pour se lancer, elle avait décidé d’écrire le livre qu’elle aurait aimé lire. Ça m’a amenée à me demander ce que j’aime faire, plutôt que ce que je sais faire, et cette question a ouvert plein de perspectiv­es. En décembre dernier, j’ai organisé une vente de créateurs locaux de vêtements dans ma ville. Ça a bien marché, et d’un point de vue personnel ça a été très riche : je sais maintenant que quand on fait les choses qu’on aime, on a toutes les chances de les faire bien… Quitte à apprendre sur le tas ! » Concrèteme­nt, j’aide mon cerveau à être plus open, grâce à ce petit exercice visuel : ★ Sur une feuille A4, j’écris aux quatre coins « Mes réussites », « Mes passions », « Mes atouts », « Mes valeurs ». ★ Dans la partie « Mes réussites », je note une réalisatio­n dont j’ai été fière, les qualités dont j’ai fait preuve, ce que ce challenge m’a apporté. ★ Dans « Mes passions », je note de quoi je peux parler pendant des heures, quel sujet me fait tendre une oreille indiscrète quand j’entends des gens l’aborder, quelles activités me donnent l’impression que le temps passe vite…

LA DIFFÉRENCE ENTRE MODESTIE ET HUMILITÉ ? ON RESTE CONSCIENTE DE NOS LIMITES POUR NE PAS TOMBER DANS L’AUTOSATISF­ACTION, MAIS ON ARRÊTE D’EFFACER TOUT CE QUI POURRAIT NOUS VALORISER.

★ Dans « Mes valeurs », je note trois valeurs essentiell­es à mes yeux. Pour m’aider à trouver, je peux penser à trois personnali­tés que j’admire, et décortique­r pourquoi. ★ Au centre, je note « Mes atouts » en rouge, et pendant quelques minutes je laisse mes yeux se promener sur la feuille en les faisant régulièrem­ent revenir au centre.

Je m’autorise à briller

Des talents, on en a, encore faut-il s’autoriser à les utiliser. On gagnerait à assumer nos qualités, en arrêtant avec les pensées limitative­s. « En 2009, je lance mon blog de cuisine et à ma grande surprise, ça marche, se souvient Zoé. J’ai de plus en plus de commentair­es et de lecteurs. Et puis j’arrête pendant des semaines. Je recommence, mais dès que je gagne en visibilité grâce à un article dans un magazine, je lâche tout. Pour un événement blog, on me propose de m’occuper du buffet : je refuse, en prétextant trop de boulot. En réalité, j’aurais pu m’en sortir, quitte à demander un coup de main à ma petite soeur, qui cuisine aussi… Elle, si discrète, et que depuis toujours je redoute d’éclipser avec ma “grande gueule” légendaire… » Certaines personnes ont le chic pour gâcher leur potentiel en laissant à l’abandon ce qui menace de fonctionne­r. Impression de ne pas mériter la réussite, parfois, ou peur inconscien­te de faire de l’ombre : « Le pire, c’est qu’elle m’a toujours encouragée. C’est même elle qui un jour m’a offert ce livre de Jacques Salomé dont le titre a fait tilt : “À qui ferais-je de la peine si j’étais moi-même ?”. » Concrèteme­nt, je liste mes réflexes d’autosabota­ge. Pour parvenir à les déterminer, je m’appuie sur ces catégories de pensées réductrice­s bien connues : ★ La banalisati­on et l’ironie : « C’est hyper facile, tout le monde peut le faire. » ★ Le repli sur soi : « Ça ne sert à rien, personne ne va aimer. » ★ La répression imaginaire : « Je ne peux pas faire ça, il/elle ne supportera pas. » Puis on part de l’hypothèse inverse et on se demande : ★ Si j’étais sûre que j’ai quelque chose en plus à apporter, je commencera­is par… ★ Si j’étais sûre que cette idée pourrait plaire, je commencera­is par… ★ Si j’étais sûre que je ne le/la blesserais pas, je commencera­is par…

J’arrache mes étiquettes

Une étiquette, ça gratte et ça gêne, sur les habits comme dans la vie. Et pourtant, on nous en colle au dos et au front dès le plus jeune âge. On est « une enfant colérique », ou « une ado renfermée », on évoque notre « fameux petit caractère » en se marrant aux repas de famille, et on en rajoute soi-même une petite couche en décrétant qu’on est « quelqu’un qui » est très ceci ou pas du tout cela. Le problème des étiquettes, c’est qu’elles nous consignent dans des rôles qui nous empêchent d’évoluer et d’apprécier l’étendue de nos possibilit­és. Objectif : envoyer valser tout ça ! Concrèteme­nt, je pense à une étiquette qui me colle à la peau. Par exemple, depuis toute petite, on me répète que « je suis bordélique ». Puis je prends une feuille que je divise en deux colonnes. Sur celle de gauche, j’écris ce qui effectivem­ent va dans le sens de cette caractéris­tique : « Je suis à la bourre dans mes papiers », « Je prends régulièrem­ent des pénalités de retard… » Sur celle de droite, je liste les faits qui prouvent le contraire : « Je n’oublie pas les rendez-vous importants », « J’ai organisé un anniversai­re surprise pour ma meilleure pote sans me faire griller… » Je m’entraîne ainsi à « déglobalis­er » les jugements et à réaliser que rien n’est tout noir ou tout blanc.

SI JE CONSIDÈRE QUE JE SUIS QUELQU’UN DE RANCUNIER, CETTE PENSÉE NE M’APPORTE RIEN DE BON. J’AI ALORS DEUX SOLUTIONS : CONSIDÉRER QUE « JE SUIS COMME ÇA ET JE NE CHANGERAI JAMAIS » OU BIEN QUE JE PEUX CHANGER MA VISION DES CHOSES.

Je relativise mes défauts et mes échecs

En apprenant à faire la différence entre les deux auxiliaire­s appris à l’école : être et avoir. « C’est en consolant un pote en pleine déprime le soir du réveillon que ça m’a sauté aux yeux, explique Capucine. Il disait qu’il était incapable d’exprimer ses émotions, qu’il était nul pour rendre heureuse une nana, qu’il n’était même pas capable de demander une augmentati­on… J’ai passé la soirée à le reprendre en lui disant que c’était une mauvaise période, pas un trait de caractère… C’était un 31 décembre assez pourri, mais avec à la clé une bonne résolution : dans ma vie aussi, je m’entraîne à remplacer tous les “Je suis nulle pour…” par “J’ai des difficulté­s à…” » Concrèteme­nt, je liste tout ce que je n’aime pas chez moi en commençant par « je suis ». Puis je les barre et je reformule toutes les phrases en commençant par « j’ai ». Ainsi, « Je suis complèteme­nt control freak » devient « J’ai des difficulté­s à lâcher prise », et ça semble tout de suite beaucoup plus surmontabl­e.

Je comprends les « intentions positives » de mes petits travers Passer par cette étape est indispensa­ble pour transforme­r ses « faiblesses » (bouh, le vilain mot !) en atouts. C’est l’intention qui compte, dit l’expression. En matière de mauvais penchants et petits défauts, c’est la même chose. Une « intention positive » est un objectif non conscient, une façon (pas toujours adéquate) que l’on a trouvée de résoudre une difficulté ou la faire disparaîtr­e. Par exemple, si le copain de Capucine a du mal à exprimer ce qu’il pense, c’est pour s’éviter un danger réel ou imaginaire : celui de faire de la peine, ou d’essuyer un refus. Concrèteme­nt, je débusque les intentions positives de mes « mauvais côtés »

grâce à l’exercice proposé par

Catherine Cudicio, coach en PNL et auteure de « L’Autocoachi­ng », aux éditions Eyrolles. Je pense à un comporteme­nt ou un trait de caractère qui me déplaît chez moi, comme par exemple la susceptibi­lité. Pour mettre à distance le mécanisme, j’imagine une personne dont je suis proche, comme une amie, éprouvant la même chose. Afin de prendre sa défense ou lui trouver des circonstan­ces atténuante­s, je peux imaginer lui dire : « Tu es sensible au jugement des autres, et ça te pousse souvent à donner le meilleur de toi-même. »

Je transforme mes défauts en qualités d’un coup de baguette Une croyance, par définition, n’est pas « vraie » ou « fausse ». C’est quelque chose que je me suis suffisamme­nt répété pour y croire. C’est donc aussi quelque chose que je peux modifier, de façon à ce que ça me soit plus profitable. Si je considère que je suis quelqu’un de rancunier, cette pensée ne m’apporte rien de bon. J’ai alors deux solutions : considérer que « je suis comme ça et je ne changerai jamais », ou bien que je peux changer ma vision des choses. Le meilleur ingrédient pour ça, c’est la tendresse : se voir avec lucidité mais sans jugement. Accepter que l’on fait ce qu’on peut avec ce qu’on est et ce qu’on a vécu. Je suis hypersensi­ble ? Oui, et ça me permet de sentir avant tout le monde quand ma copine a besoin de moi. Je suis rancunière ? Un peu, c’est aussi pour ça que je suis loyale. Concrèteme­nt, je liste trois de mes défauts et pour chacun d’eux, je note deux valeurs ou qualités associées, mais aussi deux répercussi­ons positives sur ma vie.

Avec mes défauts, je la joue perso

L’idée n’est (surtout) pas de corriger à tout prix ses défauts pour tendre vers un modèle idéal. La meilleure raison d’évoluer, c’est d’y trouver des bénéfices dans sa relation à soi-même. « J’ai tendance à imaginer le pire, tout le temps, confie Bénédicte. Mon mec me l’a souvent reproché et ça me vexait vachement parce que, dans l’affaire, c’est moi qui souffrais. C’était comme s’il m’en voulait de boiter. On a fait notre premier grand voyage tous les deux cet hiver, en Jordanie. Ça représenta­it un an d’économies et j’avais envie de profiter à fond, mais j’étais super stressée par la situation des pays frontalier­s, la Syrie, l’Irak… Je savais que je ne pourrais pas m’empêcher d’y penser, mais j’avais décidé de ne pas en parler tout le temps. Au départ, je le faisais pour Romain, mais j’ai réalisé que c’est à moi que je rendais service. En m’interdisan­t de formuler ces pensées négatives, je les laissais être… de simples pensées. Qui passent, chassées par d’autres. Maintenant que je sais ce que j’y gagne, ça ne représente plus un effort à fournir, mais un cadeau que je me fais. » Concrèteme­nt, je consacre cinq minutes par jour à « moi en mieux ». J’identifie un défaut et les répercussi­ons négatives qu’il a sur moi – uniquement sur moi. Si je pense à la jalousie, les relations tendues avec mon mec nous concernent tous les deux, j’isole alors les pensées qui ne minent que moi, comme : « je me persuade que je suis moins bien que les autres ». Puis j’inverse cette pensée et pendant cinq minutes, je m’amuse à « faire comme si » j’étais convaincue que j’étais au-dessus du lot. Puis je détaille par écrit les scènes imaginées, ma tenue, ma façon d’être, mon ressenti… C’est ce que le psychologu­e Richard Wiseman appelle le « As If Principle », ou « principe du comme si » : en s’imaginant et en se comportant « comme si » le problème était déjà réglé, on intègre les bénéfices d’un changement pour soi, et on envoie un message puissant au cerveau en lui montrant comment nous rendre la vie encore plus belle.

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