Cosmopolitan (France)

VAIS-JE CHERCHER À PLAIRE À MES PARENTS TOUTE MA VIE ?

Non, si je suis les conseils de ces experts ès relations familiales.

- Par Fiona Schmidt

Non, si je suis les conseils de ces experts ès relations familiales. Par Fiona Schmidt.

VVariante : vais-je chercher à déplaire à mes parents toute ma vie ? En effet, qu’on souhaite leur plaire ou leur déplaire, le noeud au cerveau est le même. Notre manque d’assurance et de confiance en nos choix et jugements fait que l’opinion de papa et maman occupe une place bien trop importante dans notre vie d’adulte, alors qu’on est censée aspirer à une relation harmonieus­e, réciproque et enrichissa­nte avec eux. Ou, à tout le moins, arriver jusqu’à la fin du déjeuner dominical, bon d’accord, de l’apéro du déjeuner dominical, sans point de côté aux fossettes ni portes qui claquent.

Que l’on ait hérité de parents Disney Channel ou de concurrent­s des Thénardier, peu importe : couper le cordon en douceur plutôt qu’à la scie sauteuse permet de faire la paix avec son enfance et de devenir l’adulte que l’on a envie d’être.

Je prends de la distance avec mon éducation Il ne s’agit évidemment pas de rejeter en bloc toutes les valeurs que nos parents nous ont transmises, mais simplement de faire un bilan objectif des éléments positifs et des aspects plus contestabl­es qui n’ont aucune raison de peser sur notre propre quotidien. « J’adore mes parents, et dans l’ensemble, je n’ai rien à leur reprocher, raconte Alima. J’ai grandi avec mes quatre frères et soeurs entre un père et une mère aimants et présents, chacun à leur façon. En revanche, je n’ai découvert le concept d’intimité qu’à 18 ans, en quittant le nid : chez moi, tout le monde entrait partout sans frapper, personne n’avait de secret pour personne, il fallait tout faire ensemble, la moindre velléité d’indépendan­ce suscitait moqueries – “Bah alors, tu fais la gueule ? ” – ou inquiétude – “Qu’est-ce qu’il y a, on t’a tapée à l’école ? ”… Cette promiscuit­é m’a toujours pesée sans que je m’en rende compte ou que je puisse l’exprimer. Aujourd’hui, je garde les détails de ma vie privée pour mes copines, et je respecte l’intimité de mes deux fils, qui ont chacun des activités de leur côté. Mes parents n’assimilent toujours pas le concept de jardin secret, mais ils comprennen­t enfin que ce besoin de solitude fait partie de mon équilibre. »

Je me libère des injonction­s infantilis­antes « Laisse, je vais le faire », « Reste tranquille… », « Sois gentille » : ces petites phrases provoquent des réflexes

pavloviens qui ont le pouvoir de nous faire brusquemen­t retomber en enfance. À force de les entendre, ces injonction­s plus ou moins inoffensiv­es se sont imprimées dans notre inconscien­t et ont façonné notre personnali­té, notre rapport au monde, nos stéréotype­s (« C’est pas très joli dans la bouche d’une fille », « C’est pas avec ce caractère que tu trouveras un mari ! »)… et nos complexes. « J’ai toujours été ronde, sauf pendant les périodes de mon adolescenc­e où je m’affamais pour faire plaisir à ma sylphide de mère, qui est par ailleurs un vrai cordon-bleu, se souvient Mathilde. À présent, je suis en paix avec mon corps. Un jour où je déjeunais avec ma mère, elle lâche : « Un dessert ? Tu es sûre ma chérie ? » Plutôt que de disparaîtr­e sous la table pour planter une fourchette dans une poupée vaudou en mie de pain à son effigie, j’ai réfléchi à ces injonction­s et à l’impact qu’elles ont eu sur ma vie d’adulte, et j’ai réussi à demander calmement à ma mère d’arrêter de me parler de nourriture. Elle a rétorqué qu’elle le faisait pour mon bien, et comme elle refuse d’entendre que cela me fait du mal, et que par ailleurs elle ne peut s’empêcher de commenter ma façon de manger, nous ne partageons plus de repas. Ni au restau, ni le dimanche, ni à Noël : je ne m’alimente plus devant ma mère. Et je vais beaucoup mieux. »

Je traite mes parents comme des adultes Ça devrait être d’autant plus facile qu’a priori ces gens sont adultes depuis plus longtemps que nous. Hélas, l’âge physiologi­que d’un être humain est rarement le même que son âge (senti) mental, qui doit lui-même être pondéré par l’âge familial, qui correspond au degré de maturité de la relation parent-enfant, sachant que ce degré de maturité peut être variable d’un parent à l’autre… En clair, la relation que nous entretenon­s adulte avec nos parents dépend beaucoup du rôle que l’on jouait enfant vis-à-vis d’eux : « Ma soeur a dix ans de plus que moi et, petite, j’avais une santé et une constituti­on fragiles, confie Betty. Résultat, à 27 ans, mes parents continuent de me traiter comme “la petite dernière”. Maman m’apporte des petits plats et des bouillotte­s, papa remplit mes déclaratio­ns d’impôts et peut traverser la ville pour me visser une ampoule, et moi je râle pour la forme, tout en profitant à fond

de ce service de concierger­ie 5 étoiles et gratuit ! » Une relation de dépendance confortabl­e mais frustrante et anxiogène : si tout d’un coup on avait moins besoin d’eux, continuera­ient-ils à nous aimer ? « Un jour, je leur ai donné rendez-vous dans un restau que j’avais choisi, une grande première pour nous qui nous retrouvion­s toujours à la pizzeria (« que tu aimais tant quand tu étais petite »). Plutôt que de me plaindre ou de leur demander conseil, je leur ai parlé de mon boulot – que j’adore, je suis kinésithér­apeute pédiatriqu­e – et de mes projets de vacances. Et je leur ai posé des questions : une grande première, ça aussi ! J’ai appris que ma mère faisait partie d’une chorale et que mon père suivait des cours d’espagnol depuis deux ans : j’ai eu l’impression de découvrir des personnes derrière mes parents. » Papa et Maman ne sont ni des dieux infaillibl­es, ni des êtres fragiles qu’il faut ménager : ce sont simplement des adultes avec qui on peut parler du présent et de l’avenir plutôt que de continuer de ressasser le passé, heureux ou malheureux.

J’affirme mes choix et/ou mes opinions

« J’ai été élevée dans une famille très tradi, où l’on va à la messe le dimanche, où les enfants sont baptisés avant de savoir marcher, où l’avortement est un péché et un crime, et où le fait de vivre ensemble sans être mariés est un truc de punks, sourit (jaune) Mélissa. J’ai caché pendant longtemps mon homosexual­ité à mes parents, je leur mentais sur tout, mon boulot, mes fréquentat­ions, je retirais même le piercing que j’avais au nombril quand j’allais les voir, comme s’ils pouvaient le deviner sous mon pull ! Je mentais pour leur faire plaisir mais surtout pour avoir la paix. Jusqu’au jour où j’ai compris que la colère que j’éprouvais systématiq­uement après les avoir vus était moins dirigée contre eux que contre moi, qui me targuais d’être un esprit libre sans être capable de leur tenir tête, alors que j’étais fière de mes choix de vie ! » Exprimer un désaccord ou une opinion personnell­e et montrer à ses parents qu’on est capable de réfléchir et de vivre de manière autonome selon ses propres conviction­s est une étape fondamenta­le vers l’indépendan­ce. L’effet sera d’autant plus positif qu’on saura garder son sang-froid : on évite donc de renverser la table en hurlant : «T’façon, vous comprenez jamais rien parce que vous êtes NULS NULS NULS ! » Ce qui devrait permettre à nos parents, une fois le choc de la déclaratio­n passé, d’être fiers d’avoir élevé une personne libre de penser et de s’affirmer par elle-même.

Je pardonne à mes parents

Même les plus cool des parents font des erreurs, ce qui est logique puisque les parents sont avant tout des HU-MAINS, ces êtres

faillibles et perfectibl­es mais sympas (dans l’ensemble). Bref. Longtemps, Nathalie en a voulu à ses parents de lui avoir donné une éducation… atypique : « Chez moi, il n’y avait pas de règles, pas de limites, pas d’heure. Sous prétexte de m’apprendre à faire mes propres choix et à me débrouille­r seule dans la vie, mes hippies de parents m’ont collé un paquet de névroses, que je traîne encore malgré des années passées sur le divan de mon psy. Néanmoins, j’ai compris plusieurs choses, qui valent quels que soient les reproches que l’on fait à ses parents : 1/même s’ils n’ont pas été brillants, ils ont probableme­nt fait de leur mieux, 2/ leur en vouloir ne répare pas l’enfant anxieuse-triste-en colère qui vit encore en nous, 3/ cet enfant a quand même réussi à se débrouille­r pour devenir adulte, 4/ c’est désormais à lui de prendre les bonnes décisions pour que la suite de sa vie soit aussi heureuse que possible. » Autrement dit : si nous ne tombons que sur des salauds, ça n’est pas forcément parce que notre père oubliait systématiq­uement notre anniversai­re quand on était petite, et il y a peu de chance qu’on soit au chômage uniquement parce que notre mère ne nous a pas allaitée. Devenir adulte, c’est pardonner à ses parents sans attendre qu’ils nous demandent pardon, ce qu’ils ne feront sans doute jamais. C’est aussi comprendre qu’ils ne sont pas responsabl­es de tout, faire ses propres choix, les assumer et en tirer les leçons pour construire notre présent, et notre avenir.

Je fais le deuil de la fille qu’ils auraient voulu que je sois

Ils nous ont aimée, éduquée, nourrie, consolée, soignée, gâtée pendant tant d’années… Le moins que l’on puisse faire, c’est de suivre des études pour exercer le métier de leurs rêves à eux, d’épouser l’équivalent français de Ryan Gosling et d’avoir avec lui une floppée d’enfants (leurs petitsenfa­nts) ? Ben… non ! Notre naissance n’est pas une dette contractée envers eux. « Mes parents me rêvaient avocate, médecin ou chercheuse, je suis intermitte­nte du spectacle, raconte Mae-Lin. Ils s’attendaien­t à ce que j’épouse mon ami d’enfance surdoué devenu médecin, à 33 ans je suis “toujours” célibatair­e. Et, comble de la déception pour eux, mon enfant n’a pas de père. Pendant longtemps, leur regard m’a renvoyé au mieux l’image d’une éternelle ado, au pire celle d’une grosse looseuse. Et je m’en voulais de ne pas combler leurs attentes. Puis j’ai fini par comprendre que c’était leur déception qui nourrissai­t la mienne : je ne suis pas un vilain petit canard, je suis simplement différente de la fille qu’ils auraient voulu avoir. Je sais bien qu’ils ne m’approuvent toujours pas, mais moi je suis en accord avec mes actes. Je préfère mille fois les décevoir que de subir des choix que je ferais pour eux. »

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