CAP SUR LE CLITO !
Où est-il ? Comment fonctionne-t-il ? En route pour cette zone 100 % érogène. Par Sophie Billaud.
Dès les dix premières minutes du spectacle « Sexpowerment », adapté du livre éponyme, Claire Assali et Lisa Wisznia nous lancent un défi : dessiner un sexe féminin. Papier et crayon en main, le public essaye d’esquisser les grandes et petites lèvres, le clitoris, l’urètre, les poils pubiens… Gong de fin, on rend les copies. Aïe ! Certains regorgent d’imagination : alien ou smiley, on hésite… Et vous ? Sauriez-vous dessiner votre propre sexe ? Car un pénis, tout le monde sait le dessiner. C’est le coeur du combat de Julia Pietri (auteure du « Petit Guide de la masturbation féminine ») et de son collectif, @gangduclito, qui militent pour la fin de l’« analphabétisme sexuel ». Quand on apprend qu’un quart des jeunes filles ne savent pas qu’elles possèdent un clitoris et qu’un seul manuel de SVT sur huit le présente correctement, ça fait réfléchir. Pour lutter contre cette ignorance, le collectif a mis en ligne sur son site (itsnotabretzel.com) des affiches à télécharger librement et à afficher ou à partager sur les réseaux sociaux. Plus que jamais, le clitoris est sur
toutes les lèvres. Dans son mini-documentaire animé, « Le Clitoris », la Québécoise Lori Malépart-Traversy nous apprend que le gland, cette petite proéminence externe, n’en constitue en fait que la partie visible. Et que cet organe plus grand qu’il n’y paraît serait le seul appareil du corps humain dédié uniquement au plaisir. C’est dire si ça vaut le coup de s’y intéresser de près. De très près, même.
On l’observe
« C’est un organe 100 % destiné à notre plaisir, mais qui a longtemps été malmené. Aujourd’hui encore, on pense que le clitoris se réduit au gland, alors que ce n’est que la partie émergée. J’aime le comparer à un joli petit poulpe dont le gland serait la tête, le bulbe le corps, et les racines les tentacules entourant le vagin », explique Alexandra Hubin, docteure en psychologie, sexologue et co-auteure d’un livre sur le sujet*. Elle précise : « Il mesure en tout entre 9 et 11 cm, et le gland, en moyenne 1 cm. Ce dernier est recouvert d’un petit capuchon qui le couvre plus ou moins. Chaque femme possède sa propre forme de gland et de vulve, comme chacune a sa propre morphologie corporelle. » Donc, pas la peine de comparer sa vulve à celle des copines, de se dire qu’on n’est pas dans la norme, que notre gland est trop imposant ou nos lèvres trop grosses. Dans son ouvrage**, Julie Azan insiste sur le fait que « le clitoris, comme la zone buccale et les seins, est une zone érogène de l’organisme. Ces zones sont nommées ainsi car elles sont capables de produire des sensations de plaisir érotique et mènent à l’excitation sexuelle ».
On le comprend
« Comme le pénis, le clitoris entre en érection. Il se gonfle de sang en réponse aux stimulations sexuelles tactiles (caresses internes ou externes) ou mentales (pensées ou fantasmes). Le gland possède beaucoup plus de petits nerfs que le reste du corps, ce qui explique qu’il soit aussi érogène, rappelle Alexandra Hubin. Il ne faut pas se mettre dans la case “externe” ou “interne”, car on peut partir à la recherche des deux plaisirs en redevenant exploratrice de son corps et de son clitoris. » Fini le mythe de l’orgasme vaginal : c’est toujours le clitoris qui entraîne l’orgasme. Pendant une pénétration, la partie interne du clitoris est stimulée au même titre que
le vagin. Mais comment en prendre conscience et attiser le plaisir ? « Pas en enfonçant un doigt de façon mécanique. Si on n’est pas excitée ou stimulée, on ne sentira rien du tout », intervient Alexandra Hubin. Avant de se focaliser sur le plaisir sexuel, il faut reprendre conscience de son corps dans sa totalité, se reconnecter à ses cinq sens et à la notion de sensorialité. Sous la douche par exemple, on se concentre sur la température, le bruit de l’eau, la sensation des gouttes sur la peau, l’odeur du savon… » Autant de détails qui vont éveiller notre conscience. « Le massage permet aussi un bel apprentissage des stimuli sexuels qui mènent à l’éveil corporel total », conclut-elle.
On l’apprivoise seule…
« Beaucoup de femmes découvrent l’existence de leur clitoris par le plus grand des hasards, avec la pression de l’eau du pommeau de douche sur leur sexe par exemple. Dès que les petites filles se questionnent sur leur anatomie, on devrait leur tendre un miroir pour qu’elles puissent voir par elles-mêmes comment elles sont faites. Ça ne devrait pas être un tabou », explique la sexologue et psychologue Stella Tiendrebeogo. Apprendre à connaître son corps et à lui donner du plaisir est essentiel. Au point que certains comptes Insta comme @jouissanceclub en ont fait le coeur de leurs publications. On y découvre des dessins audacieux, avec des mots qui nous invitent à l’auto-érotisme : « Avec un doigt ou deux, on fait de longs va-et-vient du gland du clitoris jusqu’à l’entrée du vagin. Attention à ne pas rentrer tout de suite et à faire en sorte que ton doigt étale la cyprine sur son passage. » Sur la masturbation, Stella Tiendrebeogo reprend : « Certaines femmes préfèrent des caresses circulaires sur le clitoris, d’autres de haut en bas, par pression, par frottements… Certaines utilisent des sex-toys, d’autres des coussins ou des serviettes roulées en boule. La façon de se toucher est souvent routinière parce qu’on sait ce qui marche pour nous. Cependant, il ne faut pas hésiter à redécouvrir son corps et partir à la recherche de nouvelles sensations. » La sexologue revient sur l’importance de travailler sa bibliothèque érotique, les images que nous avons en tête et qui nous excitent. Elle conseille de se tourner vers des lectures de romans, BD, romans-photo érotiques, car ce qu’on aime lire en dit long sur nos envies. Et les sex-toys ? Il en existe tellement qu’on ne sait pas toujours vers lequel se tourner.
… ou à deux
« Il ne faut pas hésiter à se caresser le clitoris pendant la pénétration. On peut aussi demander à son partenaire de le faire pour nous. Inviter l’autre dans la découverte de soi est un honneur, insiste Stella Tiendrebeogo. N’ayez pas peur de communiquer vos envies à votre partenaire, il sera ravi de participer. La sexualité doit rester un jeu et une découverte incessante de l’autre. C’est quand l’acte devient un enjeu, avec des objectifs, des performances, que les choses se compliquent. Et si l’on veut inviter un sex-toy et que l’autre est réticent, il faut le présenter comme une fantaisie. N’oubliez pas qu’il existe aussi des sex-toys pour homme et qu’il n’y a pas que des objets sexuels pénétrants. » Une fois encore, la sexologue revient sur l’importance de la curiosité. Un point sur lequel Alexandra Hubin la rejoint totalement : « N’ayez jamais peur d’apprendre à mieux connaître votre corps et vos envies. »
100 % DES FEMMES SONT CLITORIDIENNES. IL Y A FORCÉMENT UNE STIMULATION DU CLITORIS (INTERNE ET/OU EXTERNE) LORS D’UN RAPPORT SEXUEL. « Le mieux, c’est de tester et d’être curieuse. Avec le temps, nos envies changent. La rencontre avec soi-même se poursuit toute la vie ! » 8 000 C’EST LE NOMBRE DE TERMINAISONS NERVEUSES SUR LE GLAND DU CLITORIS, SOIT DEUX FOIS PLUS QUE SUR LE GLAND D’UN PÉNIS. 90 % DU CLITORIS EST INVISIBLE PUISQU’IL ENCERCLE LE VAGIN ET L’URÈTRE VIA DEUX RACINES. LE GLAND NE REPRÉSENTE QUE 10 % DU CLITORIS.