Cosmopolitan (France)

T’EN AS PAS MARRE DE RÂLER ?

C’est décidé, je ne me laisse plus gâcher la vie par les grincheux qui m’entourent.

- PAR CHLOÉ PLANCOULAI­NE. PHOTO MARCELO KRASILCIC.

C’est décidé, je ne me laisse plus gâcher la vie par les grincheux. Par Chloé Plancoulai­ne

MA BELLE-MÈRE REMONTÉE CONTRE LES NOUVELLES TECHNOLOGI­ES

Belle-maman mène un combat personnel contre Waze. Elle bougonne tout le long du trajet, et le doute s’intensifie lorsqu’on s’approche de lieux qu’elle a fréquentés jadis avec sa carte Michelin : « C’est quand même pas un robot qui va nous faire croire qu’il faut prendre à gauche, alors que ça fait cinquante ans que je prends à droite ! »

Dans ma tête : Y a pas que ta carte Michelin qui aurait besoin d’une bonne mise à jour. Et pourtant… Je ne veux pas la vexer : « OK pour la droite alors. » Et OK pour les bouchons sur 50 km.

Nouvelle tactique : « Tu vas voir, c’est génial ! », je lui assure en tournant à gauche. « Tu vois : personne sur la route ! Waze nous évite l’embouteill­age du siècle. » Après s’être inquiétée deux, trois fois : « Mais on est où, là ? », « Faudrait quand même penser à rejoindre la nationale, non ? », « J’ai un plan dans le coffre si jamais… », je monte le son de la radio et elle finit par prendre goût à la visite de villages inconnus. À l’arrivée, elle regarde sa montre. Elle ne dit rien, par fierté, mais je sais ce qu’elle pense : « Trois heures quarante-cinq contre quatre heures trente habituelle­ment, pas si nul le robot. »

LE RELOU 2.0

Ça ne lui suffit pas de ronchonner auprès de ses proches, il a besoin de le faire à grande échelle sur Facebook. Ce friend me fait profiter un matin sur deux du retard de ses trains, en postant une photo du tableau d’affichage SNCF accompagné d’un message vénère : « Et c’est reparti pour la galère… » Dans ma tête : Conduis, déménage ou change de taf !

Et pourtant… Je suis clémente : je balance un petit like d’encouragem­ent.

Nouvelle tactique : Un commentair­e, une fois, pour lui envoyer un lien vers cet article. Avec un smiley souriant. Après, je clique sur la petite flèche en haut à droite de son nom et je demande à masquer ses publicatio­ns.

MON VOISIN D’ASCENSEUR EN MANQUE DE COMMUNICAT­ION

Je monte au cinquième, lui au sixième, ça laisse le temps à un silence pesant de s’installer. Alors, vite, mon voisin dégaine la carte de la conversati­on météorolog­ique. Quel que soit le temps, il l’adapte sur un ton plaintif : après avoir lancé dix fois cet hiver « vivement le retour des beaux jours », il tourne désormais en boucle sur « quelle chaleur ! ». Et conclut par : « Vous ne trouvez pas ? »

Dans ma tête : Si tu mettais du déo, on le vivrait mieux, déjà.

Et pourtant… Je joue le jeu : « Une vraie étuve… »

Nouvelle tactique : « Moi, j’adore ce temps ! C’est drôle d’observer comment les gens se comportent sous le soleil, ceux qui rasent les murs, ceux qui ralentisse­nt, ceux qui s’affirment… » Mon voisin, décontenan­cé, rit : « C’est bien de voir la vie comme ça ! Vous avez de la poésie dans l’oeil ! » Cette phrase, c’est la plus belle que l’on m’ait dite dans un ascenseur.

À LIRE :

LA PETITE VOIX INTÉRIEURE QUI ME FAIT CULPABILIS­ER

« Putain ! Chloé, mais pourquoi t’as lâché un truc pareil ! Tu peux pas réfléchir avant de parler ? Qu’est-ce que tu peux être conne… » Dans ma tête : « Putain Chloé… » Bon, ça va, on a compris !

Et pourtant… Je remets ça : « Tu vas t’attirer des ennuis et tu l’auras bien mérité. » Nouvelle tactique : « Sois pas si dure avec toi-même. C’est si grave ? Si oui, tu peux toujours aller t’excuser. Sinon, t’es humaine, c’est tout, respire baby, t’es au top. T’es au TOP ! C’est bon, ça va mieux ? OK, ma poule, on peut reprendre le cours de notre vie. »

UN CONDUCTEUR À CRAN

Agrippé à son volant, il dégaine les gros mots comme des balles par la fenêtre : « Bordel, mais c’est ça, double, connasse ! »

Dans ma tête : Je vais pas me gêner, connard !

Et pourtant… En voiture comme sur Twitter, tout est permis :

« Je vais pas me gêner, connard ! »

Nouvelle tactique : Un grand sourire, sincère (je le plains d’être si mal), accompagné d’un merci de la main. Mon voisin de route est tellement surpris qu’il me remercie à son tour de le doubler. Je vous en prie.

Christine Lewicki, ex-râleuse, s’est donné trois semaines pour abandonner sa mauvaise habitude. En vrai, cela lui a pris quatre mois et demi. Et ça a changé sa vie. Elle le raconte dans son livre J’arrête de râler (éd. Eyrolles).

MON MEC QUI RÂLE CONTRE MOI

« Sérieux Chloé, ça fait deux jours qu’on est rentrés et ta valise est toujours au milieu de l’entrée, c’est chiant, quoi. »

Dans ma tête : Gna gna gna…

Et pourtant… Je me défends : « Déjà, elle n’est pas au milieu de l’entrée, elle tient dans un tout petit coin. Ensuite, oui, ça ne fait QUE deux jours qu’on est rentrés. Et j’ai fait plein d’autres choses que tu ne sembles pas avoir remarquées : mettre tes caleçons à la machine, changer nos draps, concocter des salades de ouf à tous les repas… Je m’arrête là ou je continue ? » Et j’en remets une couche jusqu’au bout de la nuit.

Nouvelle tactique : « Oui, j’avoue, j’avais trop la flemme. Tu m’aides ? » Désarçonné par tant d’honnêteté, il se marre : « T’abuses ! » Mais il prend plaisir à replier mes petites culottes. Et la fois d’après, au lieu de fulminer, il avise ma valise et me dit avec le sourire : « Je t’aide ? »

MA COLLÈGUE COLLECTION­NEUSE DE MAUVAISES NOUVELLES

Comme d’hab, quand je lui demande « Quoi de neuf ? », Isa me fait la liste de ses dernières galères : un arrière-papy décédé, un oncle malade, sa trottinett­e volée dans la cage d’escalier et la copine d’un pote du voisin qui s’est fait tabasser dans la rue… « On a appris ça le premier jour des vacances, ça nous a plombés le séjour en Sicile ! »

Dans ma tête : La dernière fois, c’était l’otite de ton neveu, le cancer de ta vieille maîtresse d’école et ton mec qui perd ses cheveux. T’as décidé t’appliquer un filtre VDM sur ta life, en fait ?

Et pourtant… Je la plains : « Oh ma pauvre… C’est pas de bol. » Nouvelle tactique : « Mais sinon, toi, ça va ? T’as l’air en forme !

Et tu pars bientôt en vacances, non ? » Quand elle me répond :

« Pas avant trois semaines… », je la reprends : « Dans trois semaines, déjà, c’est génial ! Chanceuse ! » À force de râler dans le vent, elle abdique. Mieux : quand je m’extasie sur les photos de sa fille trop choupette, elle reconnaît : « J’ai de la chance quand même. »

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