Cosmopolitan (France)

MOI ET… LA TROTTINETT­E ÉLECTRIQUE

Vu que c’est la mode, j’ai tenté.

- PAR MATHILDE EFFOSSE

La dernière fois que j’ai fait de la trottinett­e, j’avais 10 ans. Je me souviens de deux choses : elle était dorée, et se la prendre dans la cheville, ça faisait vachement mal. Je pensais que ça faisait partie des affaires classées, mais non. Elle est revenue. À 25 km/heure.

C’est non !

Depuis quelques jours, mon mec me répète qu’il essaierait bien. De mon côté, je ne vois pas l’intérêt. Quitte à me déplacer en engin sans permis, je préfère encore être assise – un vélo, c’est très bien. En plus, j’ai l’impression de ne voir que deux sortes d’adultes sur une trottinett­e : le mec en costard qui va au taf, cou tendu, et la mère de famille chargée qui s’arrête toutes les deux secondes pour checker sa progénitur­e qui patine en zigzag derrière elle – alors que c’est interdit. D’après un décret : « tout comporteme­nt dangereux mettant délibéréme­nt la vie d’autrui en danger peut être puni d’un an d’emprisonne­ment et de 15 000 euros d’amende. » Vous vous imaginez discuter avec vos colocs de cellule : « Moi, j’ai braqué une banque. Et toi, t’as fait quoi ? », « De la trottinett­e sur le trottoir. » D’ailleurs, malgré les apparences, interdit aussi de s’y garer : on risque une amende de 49 euros. « Maiiis c’est non-polluant et ça désengorge les centres-villes », plaide mon mec. Ouais, ouais, ce que tu oublies, c’est qu’elles marchent avec des batteries au lithium, et que l’extraction de ce métal pose de graves problèmes environnem­entaux. Et en Europe, seules 5 % de ces batteries sont recyclées, alors, ton équerre à roulettes green, pouet pouet.

J’ai dit non !

23 heures, on rentre de soirée, on est à trente minutes à pied de chez nous – « Dix en trottinett­e », glisse mon mec qui checke l’appli ad hoc. Il y en a une juste là. Il la débloque. Je calcule mentalemen­t combien ça me coûterait de le quitter. « Monte avec moi ! » Je me glisse devant lui parce qu’un déménageme­nt, ce serait cher. On a zéro place, j’ai les coudes plaqués au nombril et mon sac nous fait pencher vers la gauche. « C’est nul ! » je hurle en me dégageant. D’un coup de talon, mon mec démarre et file.

Bon, pourquoi pas…

De son côté, Uber me propose un retour à 15 balles… Ma flemme et mon compte en banque se font un high five et désignent une trottinett­e à quelques mètres. Je capitule et, grognon, je réveille ma Trott’ au bois dormant. J’ai l’air ridicule, droite comme un piquet sur mon ver de terre de course. Mon mec hilare me fait un signe du bout de la rue, je lui fais bien comprendre que ce soir, faudra rien me demander, et je démarre. Hey, ça va vite ! Comment on freine ??? De mon temps, c’était sur la roue arrière… Ah, c’est sur la poignée… OK. Merde, je suis vieille.

En fait, non.

C’est sympa, quand même, de rouler sans efforts. Idéal pour le flemmard de mauvaise foi : j’en fous pas une, mais je suis debout. Moi qui suis une flemmarde de bonne foi, je préférerai­s avoir le séant calé. La joue granuleuse du macadam vibre dans mes bras, et on sent grave le vent. Je repense à moi petite, essayant de sauter du trottoir sur mon bolide. Dix minutes plus tard, on arrive. « C’était pas si terrible, si ? » Je gare mon engin en admettant : « Bon, j’avoue, c’était pas si… » Clang ! La dernière fois que je fais de la trottinett­e, c’est aujourd’hui. Je me souviendra­i de deux choses : son frein est devant, et se la prendre dans la cheville, ça fait vachement mal.

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