Cosmopolitan (France)

Rares sont ceux qui considèren­t le célibat comme une chance. Ils ne savent pas ce qu’ils ratent.

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À la maison, les embrouille­s sont rares. Il faut dire que je ne me prends jamais la tête pour le choix du programme télé (« Mets Top Chef ! » « Non, le docu sur Pinochet ! »), ou la destinatio­n des prochaines vacances (« Je veux aller en Savoie. » « Et moi au Bouthan. »). Si je retrouve des chaussette­s en boule sous mon lit, c’est souvent les miennes. Idem pour les Dragibus écrasés sous la table basse. Et puis je me sens rarement jugée, épiée ou de trop. Le matin, sous la douche, si j’interprète les plus grands tubes de M.Pokora, personne ne rouspète, ni me reproche de chanter trop fort. Ou trop faux. La nuit, si je rentre en fanfare, pompette et que je m’enfile un kebab dans mon lit, personne ne se plaint de l’odeur des frites. Ni de la tache de sauce samouraï sur l’oreiller. My bed, my rules.

Dans mon studio parisien, un centimètre carré est une denrée rare, non sécable, ni partageabl­e avec autrui. Et comme je ne roulotte pas mes jeans et encore moins mes torchons comme Marie Kondo, j’ai besoin de place. Dans mon dressing, pas de négo pour la coloc. Tout a été pensé et optimisé par un archi d’intérieur (moi) pour que les robes ne touchent pas les pulls et que le bleu de mes jeans ne se mélange pas au blanc de mes teeshirts. J’occupe aussi toute la superficie du lit, puisque je dors en diagonale, les jambes et les bras écartés. Et de temps en temps, je pratique « la quesadilla », une position qui consiste à s’enrouler dans la couette façon garniture. Et y a jamais personne pour chuter du sommier et perturber mon sommeil en s’écrasant au sol.

J’en ai un peu marre de répondre poliment quand on me demande : « Alors darling, toujours pas trouvé ta half one ? » Partir à la recherche de « sa moitié », c’est long (imagine qu’elle se trouve à Singapour), ça prend du temps (12 heures de vol) et ça coûte super cher (600 balles les billets d’avion). À la place, j’économise cette énergie pour me regarder le nombril et mettre le doigt sur l’évidence : je suis une personne entière et je ne veux pas d’une relation basée sur la codépendan­ce affective. Chez moi, zéro craquelure, fissure ou cassure qui mériterait d’être comblée au mastic par une tierce personne. Évidemment, si quelqu’un toque à ma porte dans l’espoir que nous partagions nos complétude­s et regardions dans la même direction, je l’inviterais volontiers à entrer. Surtout si elle s’est cogné de la route pour me trouver !

Mon mec appuyait sur mon clitoris comme sur ses manettes de PlayStatio­n, nerveux à l’idée de perdre la partie. Mon coiffeur, horrifié par la texture de mes longueurs, me suggérait de couper 15 cm. J’ai largué les deux ! Depuis, j’ai découvert que les pointes des cheveux passées sur mon cou étaient la plus merveilleu­se des caresses et que la pulpe de mes doigts sur mon clitoris pouvait être le plus beau des cadeaux. J’ai souscrit à un abonnement illimité à la découverte de mon propre corps et je le rentabilis­e vachement.

Monter un meuble. Repeindre les murs. Remplir ma feuille d’imposition. Changer d’appart. Remettre le monsieur grossier et sexiste à sa place. Organiser mes vacances à l’étranger. Allumer le barbecue. Faire les bons choix pour moi… Ça demande du temps, de l’énergie, je tombe des gouttes de sueur, je me ronge les ongles de stress mais le résultat est là : j’ai réussi toute seule et j’en suis fière.

des Françaises sont célibatair­es*.

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