Cosmopolitan (France)

STÉFI CELMA, UNE INVITATION AU RÊVE

« Rêver, toujours rêver, on n’a jamais fini de rêver », chante Stéfi Celma dans un morceau encore inédit. En l’écoutant raconter son parcours, on comprend à quel point ces mots s’appliquent à elle.

- PAR HÉLÈNE FAURE

L’interview se fait par téléphone : Stéfi Celma est à La Réunion, sur le tournage du Petit Piaf. Réalisé par Gérard Jugnot, ce conte retrace l’histoire d’un petit garçon qui rêve de chanter – sa mère, femme de ménage dans un hôtel, en rêvait déjà avant lui…

« Le rêve, c’est ce qui guide ma vie », admet la comédienne. « Peut-être parce que l’idée même de devenir comédienne et chanteuse a longtemps été, pour moi, totalement inaccessib­le. » Au point qu’elle ne s’autorisait même pas à y penser : quand la petite Stéfi, 4 ans et demi, participe à L’École des fans, elle répond à Jacques Martin – qui lui demande si elle fera un jour de la chanson, du théâtre ou du cinéma – qu’elle deviendra coiffeuse. Et pourtant : à 8 ans, Stéfi Celma s’inscrit au conservato­ire, elle y apprend le solfège, le piano, elle prend des cours de danse et de chant, elle compose ses premières chansons – sans jamais cesser de jouer la comédie, pour sa famille d’abord, avant de monter sur les planches en vrai.

DE LA COMÉDIE…

Le rêve, c’est le thème qui revient en filigrane de tous ses projets. Elle est ainsi découverte en 2008 dans la comédie musicale Je m’voyais déjà, dont la direction artistique est assurée par Katia Aznavour : l’histoire de six refoulés des castings qui décident de se battre pour réussir. « C’est ce qui me permet de mettre un pied dans la comédie », raconte Stéfi Celma. Qui fait ses classes avec succès : une directrice de casting assiste au spectacle, « elle me propose de faire ce métier ». La récompense d’un travail acharné. « C’est un métier de galères, il y a eu des hauts et des bas. J’ai eu mes périodes de pâtes et de pommes de terre à l’eau. À un moment j’ai dû envisager autre chose : j’avais deux années de sciences éco au compteur, je me suis demandé s’il fallait me réinscrire en formation… Heureuseme­nt je suis bien entourée, mon agent n’a rien lâché et m’a dit : “Garde le cap.” » « Le projet qui m’a ouvert les portes, c’est Dix pour cent, poursuit-elle. C’est là que j’ai commencé à me dire : c’est mon métier. » Dans la série, elle joue Sofia, l’hôtesse d’accueil : celle-ci met tout en oeuvre pour réaliser son rêve… devenir comédienne. L’actrice est très attachée à ce personnage, dont elle apprend beaucoup : « Sofia est spontanée, elle dit les choses sans réfléchir – moi parfois, par suréducati­on ou surdiploma­tie, je réfléchis trop, je perds du temps. Sofia s’exprime de façon très honnête, pour cette raison on ne lui en veut pas : je trouve ça très juste. » En juillet, Stéfi Celma était à l’affiche de Tout simplement noir, de Jean-Pascal Zadi et John Wax, qui « reprend tous les stéréotype­s sur la représenta­tion des Noirs pour les retourner dans tous les sens. C’est brillant ». La comédienne d’origine martiniqua­ise a elle-même, « comme beaucoup », été confrontée aux clichés d’identité et de genre. « Je reçois des projets – encore récemment – avec des personnage­s très stéréotypé­s. Tout de suite, je me dis : c’est mort. À l’inverse, au début de ma carrière, je me présentais à des castings dont on me recalait d’emblée : “On ne cherche pas de Noire.” Ah bon, mais le descriptif dit juste “Une femme de 25 ans” et il n’y a rien là-dessus dans le scénario… C’est un peu violent. » La comédienne est toutefois optimiste : « Pour moi la tendance s’est inversée assez tôt. J’ai rencontré beaucoup de gens pour qui mes origines n’étaient pas un sujet, au contraire. D’ailleurs c’est quand j’ai décidé d’assumer mes cheveux naturels que j’ai le plus travaillé. Je ne les avais pas vus depuis mes 10 ans – à ce moment-là, le défrisage, c’était le Graal ! Aujourd’hui il y a le mouvement “nappy”, plein de femmes qui arborent leurs cheveux frisés… C’est magnifique. Mais ce sont des choix individuel­s bien sûr, libre à chacun de se défriser ou non. » La comédienne constate dans la même logique que « de plus en plus de réalisateu­rs veulent aller vers des personnage­s qui ressemblen­t à la société dans laquelle on vit : Ladj Ly avec Les Misérables, Maïmouna Doucouré avec Mignonnes… » Pour elle, « c’est une nouvelle génération, qui propose des choses. Il y a encore du chemin, mais j’ai envie d’y croire. » Et nous, on a envie d’y croire avec elle. On retrouve aujourd’hui Stéfi Celma dans le film Miss de Ruben Alves, l’histoire d’un jeune homme qui rêve de devenir miss France. « Il y avait une telle humanité dans le scénario que je me suis dit : j’ai envie d’en être. » La comédienne n’a pas regretté son intuition : « Pendant la tournée de promotion, j’ai vu une petite fille aller vers le réalisateu­r pour lui dire “Grâce à votre film, j’ai compris qu’il fallait croire en mes rêves”… Même les papas, même les gens plus âgés avaient les larmes aux yeux devant le film ! »

… À LA MUSIQUE

Et maintenant, quels sont ses projets ? « J’ai la chance de beaucoup jouer, mais dans la comédie, par définition, on joue un rôle. Après un long parcours de recherche, j’ai besoin de me dévoiler le plus sincèremen­t possible. Et mon moyen d’expression, c’est la musique. Aujourd’hui, je sens que c’est le moment », explique-t-elle. Avant d’ajouter : « Dans ma tête, je voulais devenir chanteuse. » L’actrice revient sur un parcours musical semé d’embûches : « J’ai rencontré des gens talentueux, j’ai fait un premier passage en maison de disque, mais ça ne s’est pas bien passé, on m’orientait vers quelque chose de trop commer

cial. Je fais de la musique de manière désintéres­sée. Quand on y met de la stratégie, on me perd. »

Elle traverse alors des moments difficiles : « J’ai été baladée, j’ai eu de vraies pertes de confiance… Mais je me suis dit “Ça va aller, tu vas bosser, tu vas rencontrer les bonnes personnes et ça va payer un jour.” » C’est ainsi qu’elle décide d’autoprodui­re sa première chanson, Maison de terre, qui sort en octobre. « Cette chanson est née pendant le confinemen­t : j’ai travaillé dans mon studio à la maison. J’ai pu réunir des gens avec qui j’avais collaboré sur de grosses production­s, qui se sont eux aussi mis en mode “homemade” parce qu’ils avaient été touchés par le projet : je jouais les instrument­s, le texte a été écrit par Camille Yembe, j’ai composé et réalisé avec Imani Assumani, on a posé la chanson ensemble. Le clip a été réalisé par Ruben Alves, avec qui j’avais tourné Miss. On a tous travaillé de manière totalement libre, sans enjeu. On y est allés à l’énergie ! » Résultat : un titre dont les accents de chanson française et de bossa se mêlent aux impulsions urbaines, pour raconter l’histoire d’une femme libre de ton et de mouvement. « Une femme qui fait des rencontres sans porter de jugement, qui avance et s’enrichit… C’est une chanson qui me ressemble. » Chanson, cinéma, théâtre : comme Jacques Martin l’avait pressenti, la musicienne aura été au bout de ses rêves. « Ça fait douze ans que je travaille dans ces métiers et je me dis : quelle chance. » La conversati­on se termine, il ne nous reste plus qu’à remercier Stéfi Celma et à raccrocher… Quand, cinq minutes plus tard, la comédienne nous rappelle : « Cette envie de rêver est liée à mon histoire. Déjà, je n’étais pas destinée à avoir accès à ces métiers : je suis la fille de deux fonctionna­ires martiniqua­is, arrivés en banlieue parisienne pour soigner ma soeur handicapée, qui n’est plus là aujourd’hui. Ensuite, ce positivism­e, j’en avais besoin au quotidien, avec ma soeur malade, mes parents à l’hôpital pour l’accompagne­r. La musique, le jeu me permettaie­nt de communique­r avec elle : je faisais mes sketchs pour la faire rire, je jouais du piano pour la calmer. Cette envie de distraire est très liée à elle. J’en ai vu dans mon entourage qui perdaient cette énergie, cette capacité à rêver… Pour moi, c’est une question de survie. » Stéfi Celma, artiste multitalen­ts et femme inspirante.

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Photo Guillaume Malheiro/ Charlette Studio. Stylisme Karolyne Leibovici. Maquillage et coiffure Harold James. Pull Mango, jean H&M, collier Tiffany.

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