Cosmopolitan (France)

HISTOIRE VRAIE : ENCEINTE, JE NE SUIS PAS SÛRE QUE MON MEC SOIT LE PÈRE

Il a fallu neuf mois à Mazarine pour se faire à l’idée.

- PROPOS RECUEILLIS PAR HÉLÈNE FAURE. ILLUSTRATI­ON DELPHINE CAULY.

Il a fallu neuf mois à Mazarine pour se faire à l’idée.

C« C’est en terminale ES de mon lycée parisien que je rencontre Arthur. Très vite, on sort ensemble… et on reste ensemble. Les années passent, on grandit, on évolue, pas toujours dans la même direction : on se dispute beaucoup. Plusieurs fois, on se sépare – et puis, toujours, on se retrouve. On partage beaucoup, à commencer par notre bande d’amis. On se construit ensemble. On n’imagine plus ce que serait notre vie l’un sans l’autre. L’année de nos 30 ans et treize ans de relation, le projet d’enfant se présente comme une évidence : ça fait longtemps qu’Arthur en a envie, je me laisse convaincre par son enthousias­me. Pour la première fois, on fait l’amour sans préservati­f, le moment est solennel. Je suis convaincue d’être enceinte… mais non, revoilà mes règles. J’ai beau savoir que ce n’est pas anormal, je ne peux pas m’empêcher de le vivre comme un échec : pourquoi ça n’a pas marché ? Au bout de deux, trois, six mois, toujours rien. Je sens monter une inquiétude sourde – je suis à peu près convaincue d’être stérile – mais je ne veux pas me laisser gâcher la vie : je refuse d’y penser. En vrai, je refoule. Un soir, une copine me traîne dans une soirée salsa. On vient à peine d’arriver quand mes yeux se posent sur un homme qui danse comme un dieu… À ce moment-là, j’ai envie d’oublier un peu Arthur et la maison : je le rejoins. Sur la piste, c’est magnétique entre nous ; je suis même dans un état second tellement j’ai envie de lui. Pour moi, c’est évident, il va me proposer qu’on rentre ensemble. Et pourtant : à la fin de la soirée, il prend mon numéro avant de me dire poliment au revoir. Dans les jours qui suivent, les pensées érotiques me parasitent au point que je n’arrive pas à travailler. J’ai cet homme dans la peau, physiqueme­nt. Je ne peux pas imaginer qu’il n’ait pas lui aussi senti cette attirance incroyable… Mais mon téléphone reste muet. Jusqu’à ce qu’une semaine plus tard, je reçoive un texto au milieu de la nuit : « Je pense à toi. Luis. » Le lendemain soir, je le retrouve dans un parc pour un apéro sur l’herbe. Il me raconte sa vie, il est Mexicain mais vit à Paris – avec sa copine… Je comprends pourquoi il ne m’a pas invitée chez lui… Je lui dis que moi aussi, je suis en couple. Et pourtant la tension sexuelle reste palpable, j’ai même du mal à me concentrer sur ce que je dis. Quand les gardiens du parc traversent la pelouse en annonçant la fermeture, on se lève… et Luis me montre une haie d’arbustes touffus : et si on se cachait derrière en attendant la fermeture ?

Je précise qu’être en couple ne m’a jamais empêchée de coucher avec d’autres mecs : j’aime bien sortir, me préparer, séduire… Je le fais rarement, mais sans trop de culpabilit­é : ces aventures ne changent rien au fait que j’aime mon mec, j’aime notre vie. Pour autant, je n’ai jamais été dans un tel état d’excitation que maintenant, avec Luis, derrière la haie. Les gardiens partis, on fait l’amour comme des adolescent­s, sans retenue – et sans préservati­f. Quatre semaines plus tard, le test est formel : je suis enceinte.

La grossesse

Honnêtemen­t, c’est l’un des pires moments de ma vie. À la place du bonheur, du soulagemen­t que j’aurais dû ressentir, juste une boule dans le ventre et un gros vertige. Je me raisonne : je n’étais pas en période d’ovulation quand j’ai couché avec Luis, et il s’est retiré avant de jouir… Il y a des moments où ça suffit à me rassurer : je retrouve un semblant de calme. Mais ce répit ne dure jamais longtemps : très vite, je rebascule dans l’incertitud­e – au fond, je sais qu’il y a cette petite possibilit­é, et ça me panique. Je tombe dans le trou noir de la recherche en ligne, des statistiqu­es. Frénétique­ment, je fais des listes. Liste de prénoms. Liste de naissance. Mais aussi : liste des raisons de croire qu’Arthur est le père. J’appelle Luis, je lui annonce que je suis enceinte, il me félicite comme si ça ne le concernait en rien. Alors je lui parle de mes doutes. J’envisage même de lui demander de faire un test de

paternité. Mais il est catégoriqu­e : il n’est pas le père. Pour autant, il n’a pas vraiment d’argument convaincan­t quand je lui dis que non, le retrait n’est pas une méthode de contracept­ion et que oui, c’est prouvé… Je vois bien qu’il n’y croit pas juste parce qu’il ne veut pas y croire : ça m’énerve, je trouve ça nul. Après cette conversati­on, on ne se reparlera plus jamais. En réalité, c’est à moi-même que j’en veux. J’aimerais tellement pouvoir revenir en arrière, faire comme si ça n’était jamais arrivé.

Durant cette période, les choses se passent mal avec Arthur. Il est heureux à l’idée d’être papa mais il sent bien que je lui cache quelque chose, et je ne peux lui apporter aucune réponse : impossible de raconter ce qu’il s’est passé, à lui ou à quiconque.

Je finis quand même par en parler à une amie. Elle connaît très bien Arthur, elle fait partie de notre bande du lycée, mais elle reste toujours bienveilla­nte. Elle me fait remarquer que la grossesse fait de toute façon peser une grande pression sur un couple. De fait, Arthur et moi n’avions pas vraiment mesuré à quel point on allait être liés l’un à l’autre pour la vie… On ne peut pas s’empêcher de s’observer : est-ce vraiment ce dont on a envie ? Quand mon ventre commence à s’arrondir – quand je sens pour la première fois le bébé bouger – je me rappelle : la réponse est oui, bien sûr. Une fois de plus, on se choisit.

La naissance

Le 6 avril, après quinze heures de travail, Gaspard arrive au monde. Pendant les mois qui suivent, je suis tellement happée par mon nouveau quotidien, rythmé par les siestes et les réveils nocturnes, que je ne pense pour ainsi dire plus à cette question de paternité. L’angoisse est toujours là, mais en sourdine, mise en perspectiv­e par d’autres priorités. Avec Arthur, les choses ne s’arrangent pas d’un coup de baguette magique. Il y a toujours des tensions – mais rien à voir avec les disputes épiques qui nous secouaient avant. Plus qu’avant, j’ai le sentiment qu’on fait équipe. Un matin, le bébé se réveille à 5 heures, c’est Arthur qui y va, je me rendors. Quand je me lève, il fait jour depuis longtemps : je vais voir dans la chambre de Gaspard… et je les trouve tous les deux profondéme­nt endormis, Arthur en chien de fusil au pied du lit de son fils. À ce moment-là, je ne sais pas pourquoi, je pense à Luis. Et ça m’apparaît comme une évidence : le père, c’est celui qui fait le taf au quotidien. Trois ans après Gaspard, Simon arrive. Un petit bébé tout mignon… dont on dira très tôt, dès la naissance : c’est fou ce qu’il ressemble à son frère. »

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France