Cosmopolitan (France)

« Après avoir bossé à l’Élysée, j’ai fondé ma boîte. »

Flora est certaine d’une chose : elle veut changer le monde. Mais comment ? Après avoir côtoyé les bureaux les plus prestigieu­x de la politique, elle a compris où était sa place.

- PAR MATHILDE EFFOSSE. PHOTO FABIEN BREUIL.

Ma vie avant

J’ai toujours rêvé de changer le monde ; à 8 ans, je convaincs mes parents de me laisser sortir tagger les affiches de Jean-Marie Le Pen ! Tout naturellem­ent, je deviens militante politique dans des assos, mais je ne trouve pas ma place. J’essaye plusieurs courants, je m’inscris à l’université d’Assas – pour moi, la fac, c’est un grand lieu de militantis­me, de discussion­s… Tu parles ! Dès mon premier TD, quand la prof nous demande qui a des parents juristes et que 80 % de la classe lève la main, je me dis « ah, OK ! »… Quand je parle à mes amis, je réalise que personne ne se sent représenté, personne ne vote. J’ai l’impression qu’il y a un mur entre la vie politique et la vie civile. J’entre au Celsa et commence un master en communicat­ion politique – elle doit être là, la clé : limiter la distorsion entre le message envoyé et celui qui est reçu. Diplômée, j’intègre l’Élysée et deviens successive­ment attachée de presse, chargée de communicat­ion digitale du Président et de l’Élysée, puis je gère l’image du Président lors de ses déplacemen­ts. C’est passionnan­t, stimulant, stressant : je suis au plus haut niveau de la communicat­ion politique ! C’est hyper gratifiant, mais je ne me sens toujours pas à ma place : les gens qui m’entourent sont éloignés des réalités. Quand je bois un coup avec mes potes et que je leur demande s’ils ont entendu parler de tel traité, ils me répondent : « Non, mais tu as vu le camp de migrants juste là ? » J’ai du mal à mesurer mon action au quotidien.

Le déclic

De plus en plus, j’ai l’impression de faire semblant d’être quelqu’un d’autre au travail. On passe le plus clair de sa vie au taf, si on ne comprend pas ce qu’on y fait ou pourquoi, c’est triste. Le mandat de Hollande se termine, je décide de partir. C’est dur : j’ai bossé à l’Élysée, est-ce que je peux vraiment faire un truc plus ouf ? Par hasard, je commence un boulot à la Fondation La France s’Engage. J’accompagne des entreprene­urs sociaux : des gens qui tentent de résoudre des problèmes de société comme les violences faites aux femmes ou l’inclusion des migrants par des innovation­s sociales. Je réalise que je quitte la France des problèmes, des critiques, pour la France des solutions, des opportunit­és positives. Et que j’ai trouvé ma passion.

Action !

En décembre 2019, après avoir accompagné plus de 130 entreprene­urs sociaux pendant deux ans, je crée mon entreprise sociale : Coalitions. On y développe des programmes de transforma­tion. La société, c’est un peu comme une course de relais ; on n’a pas besoin de tout changer, de tout réinventer, il faut juste qu’on y trouve notre place. Et je sens que je suis en train de me faire la mienne.

Et aujourd’hui ?

On est passé de 1 à 5 employés. Je suis bien, je vois enfin mon impact : au lieu de bosser sur des sujets très macro, je travaille sur des problèmes concrets, compréhens­ibles, on ne parle pas de contrats à 100 milliards mais de X jeunes en réinsertio­n ou d’adultes autistes qu’on va faire embaucher. On fait beaucoup de formations en entreprise de sensibilis­ation aux violences faites aux femmes, on convainc les industries de réduire leurs émissions carbone, de penser à leur impact positif sur la société… J’ai écrit un livre, sorti en avril dernier, Ma génération va changer le monde. Être entreprene­ur, c’est hyper dur. Mais mon seul indicateur pour savoir si tout va bien, c’est : est-ce que je me verrais ailleurs ? Quand la réponse est non, c’est que tu as tout gagné.

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