Cosmopolitan (France)

Cancer du sein : ce qui les a aidées à traverser l’épreuve

Ces femmes ont puisé leur force dans un projet, une amitié ou un changement de vie pour gagner la bataille contre le cancer du sein.

- PAR MANON PIBOULEAU

CORINNE « Je me suis liée d’amitié avec une autre patiente »

En rentrant du travail, une discussion avec une collègue me revient en tête. Elle me conseille de me palper les seins, et elle parle en connaissan­ce de cause : il y a quelques années, elle a dû faire face à un cancer. Une petite voix me pousse à l’écouter et, sous la douche, je sens une grosseur. Le résultat tombe comme un coup de massue. On est en octobre 2019, mon fils a fêté ses 18 ans, et je me demande si je serai là pour l’accompagne­r dans sa vie d’adulte. Dans cette succession d’épreuves, un petit soleil me fait du bien… Je rencontre Patricia, la soixantain­e, qui a vaincu un cancer du sein et se bat aujourd’hui contre un cancer de la gorge. Entre nous, c’est le coup de foudre amical. On rigole, on se soutient, on écoute de la musique, on est présentes l’une pour l’autre. Quand je ne vais pas bien, je me tourne vers elle. « J’ai peur… Et si j’y restais ? » Avec son optimisme et sa joie de vivre débordante, elle apaise mes inquiétude­s. « Mais non ! Tu es jeune, tu vas te battre et t’en sortir. En plus, l’oncologue te kiffe, tu passes toujours la première ! » Le combat se poursuit, les séances de chimio s’enchaînent, et je dois bientôt me faire retirer la tumeur. La veille de mon opération, je lui envoie un SMS : « Je passe te voir dès que j’arrive » – car Patricia est hospitalis­ée pour traiter une phlébite. Mon message demeure sans réponse et j’essaie de ne pas penser au pire. Le lendemain, son fils m’annonce son décès. Patricia est partie et je dois continuer à me battre pour elle, pour mes proches, pour moi. Elle n’était pas sur mon chemin de vie par hasard, elle fait partie de ces rencontres qui laissent une trace indélébile. Aujourd’hui… Après deux nouvelles opérations, dont une mastectomi­e, je suis en rémission. Je reprends le travail à mi-temps, j’essaie de retrouver ma place dans la société et je suis fière d’avoir eu la force de m’en sortir.

ESTELLE «J’écris un blog pour raconter mon histoire et aider d’autres patients »

En avril 2015, après un régime et beaucoup de sport, je perds du poids et je détecte très nettement une grosseur dans mon sein. J’ai 33 ans, je suis infirmière, et pourtant je ne m’imagine pas « basculer » du côté des patients. Analyses, chimiothér­apie, radiothéra­pie et opérations se succèdent pour venir à bout de mon cancer triple négatif – le plus agressif de tous. Moi, j’ai besoin d’un endroit où poser toute cette histoire. J’écris un blog aux allures de carnet de bord : « Tortue vs crabe » – Tortue étant mon surnom depuis l’adolescenc­e. Grâce au blog, mes proches peuvent suivre l’évolution de mon traitement. Je veux également laisser une trace à mes trois enfants… juste au cas où. Dans mes articles, j’essaie d’être factuelle, de donner un ton, de conclure sur une note positive. Contre toute attente, mon blog est partagé, beaucoup de personnes se retrouvent dans mes mots et me contactent. Une amie qui travaille dans l’édition envoie mes articles aux éditions Jouvence et me pose une question : « Te sens-tu capable d’écrire un livre pour aider les personnes malades ? » Bien sûr ! Je travaille, j’écris, je réécris et je lui livre un texte sous la forme d’un journal dans lequel j’explique toutes les étapes, du diagnostic aux traitement­s, et même après. Le patient peut aussi s’exprimer dans des pages blanches qui lui sont consacrées. Mon livre,

À armes égales : accepter et dépasser son cancer du sein, est publié en 2017. En parallèle, j’alimente toujours mon blog, j’évoque l’après-cancer, ma vie de femme ménopausée à seulement 35 ans, mais également le succès de mon combat. Je veux donner de l’espoir à celles qui se battent pour guérir. Aujourd’hui… Je suis infirmière en oncologie. Je fais des consultati­ons d’annonce, j’explique les effets secondaire­s des traitement­s et j’oriente les patients vers des soins de support. Ma nouvelle carrière prend tout son sens.

JULIETTE «J’ai participé au lancement du collectif #Mobilisati­onTriplett­es afin de faire connaître notre maladie »

En mai 2018, je ressens une douleur dans le sein gauche, comme des coups d’aiguille. J’appelle ma gynéco pour lui demander son avis. Selon elle, un cancer, ça ne fait pas mal, et à 30 ans, il n’y a aucun risque. De toute façon, on ne peut pas faire passer des « échos » à tour de bras. Un mois plus tard, je décide de faire confiance à mon corps. Cette fois, plus de place au doute. La remplaçant­e de mon médecin traitant la sent aussi : il y a bien une grosseur suspecte. À la fin de l’été, on me diagnostiq­ue un cancer du sein triple négatif avec une mutation génétique BRCA1. On procède à une mastectomi­e, je fais congeler mes ovocytes, je me bats et je reprends le travail à mi-temps. Neuf mois plus tard, récidive : mon omoplate et mes poumons sont métastasés. Quatre mois passent, et j’ai également des petites tumeurs au cerveau. Je me soigne, les résultats sont bons et mon état est stable. Dans ma tête, un nouveau combat commence : je compte défendre toutes ces jeunes personnes condamnées par méconnaiss­ance, parce qu’on ne les croit pas. Avec plusieurs femmes, nous créons le collectif #Mobilisati­onTriplett­es en décembre 2020 pour sensibilis­er au cancer du sein triple négatif. On travaille avec les plus grands laboratoir­es pharmaceut­iques, on est reçues par d’éminents chercheurs, on lève des fonds… Parmi nos requêtes, nous demandons l’accès au Trodelvy, un médicament qui pourrait doubler notre espérance de vie. En Europe, nous n’y avons pas accès, les stocks sont insuffisan­ts et la constructi­on d’une usine n’est pas prévue avant fin 2021. Mais le temps presse, nous ne pouvons pas attendre. Nous militons également pour bénéficier de l’immunothér­apie. Durant ma maladie, j’ai pu avoir recours à ce traitement qui a quasiment fait disparaîtr­e mes tumeurs. Pourtant, il demeure suspendu faute de résultats probants. Aujourd’hui… Je vis dans la maison que nous avons construite coûte que coûte avec mon conjoint, malgré les résistance­s des assurances. Chaque nouvelle journée ensoleillé­e devient un pur bonheur. Mais le combat, lui, n’est pas fini !

ISAbELLE «J’ai transformé mon entreprise familiale pour aider les femmes et les malades »

Pendant l’été 2013, après une autopalpat­ion fortuite, je sens une boule dans mon sein. Mon cancer s’avère agressif, des ganglions sont métastasés, le pronostic est mauvais. À cet instant, je suis partagée entre mon statut de femme et mon rôle de cheffe d’entreprise. La première est dévastée, en colère. Je n’ai pas peur de la mort… J’ai peur pour mes filles de 20 et 23 ans. Je n’ai pas terminé mon job de mère, je ne peux pas les laisser seules. Et puis il y a l’entreprene­ure, responsabl­e de 250 salariés dans une entreprise familiale de cosmétique­s, qui doit continuer à travailler. Le jeudi, je suis en chimio. Le lundi, je suis à l’usine. Une salariée m’informe que mes associés essaient de vendre l’entreprise, trop effrayés à l’idée que je ne m’en sorte pas. Je réfléchis à une solution, mais le problème est insoluble : personne ne m’accordera de prêt, aucune assurance ne misera sur moi. Il n’y a qu’une solution : ma fille doit reprendre les rênes plus tôt que prévu. Ensemble, nous concluons un pacte : si je m’en sors, elle termine ses études et me rejoint pour sauver l’entreprise. Certains malades souhaitent tourner la page le plus vite possible après le cancer. Moi, je m’engage à corps perdu dans ce combat pour la vie. Je veux donner du sens à cette épreuve et concevoir des crèmes, non plus pour des femmes qui ont peur des rides, mais pour celles qui espèrent en avoir un jour. Je m’accroche à ce projet comme à une bouée, et, en octobre 2017, Ozalys est créée. C’est la première gamme dermocosmé­tique de haute conception pour les femmes et les malades. Chaque produit atténue les effets secondaire­s pendant et après le cancer. Dentifrice, bain de bouche, produit hydratant en spray à 360°, hygiène intime… Aujourd’hui… J’invite toutes les femmes à observer leurs seins avec bienveilla­nce, sans leur chercher de défaut. Débarrassé­es de ce regard critique, elles deviendron­t actrices de leur santé et pourront peut-être déceler, s’il y a lieu, les premiers signes du cancer.

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