Cosmopolitan (France)

Tous ont pris un congé paternité…

Et ils ont bien fait.

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AlEXiS : UN CONGÉ EN PlUSiEUrS FOiS

Papa de Sarah, 2 mois et demi Quand Sarah arrive au monde, j’ai de gros projets profession­nels en cours, mais pour moi c’est inconcevab­le de laisser ma compagne se débrouille­r toute seule avec le bébé. Je décide alors de tirer le meilleur parti de toutes les possibilit­és qui s’offrent à moi : je prends les trois jours de naissance proposés par mon entreprise, et les vingt-cinq jours de congé paternité prévus par la loi. Pour faire durer le plus longtemps possible, je choisis de les fractionne­r en plusieurs fois : quand ma fille a trois semaines, je reviens au travail une semaine, puis je reprends mon congé paternité. Deux fois, je retourne au bureau et je repars : cela me permet de passer presque deux mois avec ma famille, entrecoupé­s d’intermèdes au travail. Avec l’ancien congé paternité, j’aurais dû reprendre mon poste quelques jours à peine après le retour de la maternité. Or la maternité n’est vraiment pas l’endroit qui permet d’investir son rôle de nouveau père : on est traités comme de simples visiteurs ! C’est particuliè­rement vrai en période de Covid – j’avais besoin d’une autorisati­on de la sage-femme pour rester avec ma compagne et mon bébé le soir… Quand on rentre à la maison, en revanche, on fait tout ensemble : le bébé se réveille la nuit ? On est deux à préparer le biberon, deux à changer la couche. Ça ne paraît pas très stratégiqu­e, mais c’est plus facile et ça permet d’avoir une interrupti­on plus courte. Je suis plus fatigué que je ne l’ai jamais été… Mais très vite, Sarah fait ses nuits. Je me dis que, le fait d’avoir ses deux parents là, la rassure peut-être un peu. Quand je reprends le travail pour de bon, je dois d’emblée partir dix jours à l’étranger pour un événement. Je culpabilis­e de laisser ma compagne, et quand je reviens, j’ai l’impression d’avoir raté plein d’étapes du développem­ent de Sarah.

Mais je sais que j’ai déjà eu beaucoup de chance de vivre des choses incroyable­s, que je n’aurais pas vécues si j’avais repris plus tôt. Le premier bain à la maison. Le premier échange de regards. Les moments d’éveil de ce petit être humain qui ne sait pas du tout où il est, qui redécouvre le monde tous les matins… Je ne suis pas quelqu’un qui pleure beaucoup, mais quand j’ai vu le premier sourire de ma fille – j’en ai pleuré d’émotion.

iSMAËl : UN CONGÉ PrOlONGÉ

Papa de Nico, 1 mois et demi Vingt-cinq jours de congé paternité, c’est trop court ! Surtout quand on n’a pas de parents sur place, ce qui est notre cas (on est espagnols et on habite à Paris). Alors, très tôt, quand ma compagne est encore enceinte, on réfléchit à des solutions. Je me dis que je vais réduire mon temps de travail pour passer des demi-journées à la maison – je suis kiné, donc je peux m’organiser. Puis, en en parlant avec des amis, on comprend le travail que c’est d’avoir un nouveau-né… Et moi, j’ai vraiment envie d’être présent. Alors je décide de trouver un remplaçant pour prendre un mois de vrai congé, en plus du congé légal. Quand je l’annonce autour de moi, j’ai toutes les réactions. Certaines personnes me disent : « Tu prends des vacances ! » Comme si s’occuper d’un enfant, c’était des vacances… Mais la plupart des retours sont très positifs. Mon beau-père et mon père me disent : « J’aurais bien aimé pouvoir faire ça à mon époque. » Quand Nico naît, on fait tout à tour de rôle avec ma femme : les changement­s de couche, les réveils… On ne le voit pas comme une obligation, au contraire. J’aime beaucoup aussi emmener le bébé faire des promenades, il est si mignon que tout le monde nous adresse la parole. Et je découvre ma femme en tant que mère. Je vois que, même quand Nico pleure au milieu de la nuit, elle a toujours un sourire en le prenant dans ses bras. Je me rends compte que j’ai de la chance de pouvoir arrêter de travailler un mois, sans revenus – tout le monde ne peut pas faire ça. Mais même dans cette situation, c’est ma femme qui va continuer son congé maternité quand moi je vais reprendre. J’aimerais que ce soit l’inverse ! Pour moi, c’est pour ça que, dans les mentalités, le papa reste moins important que la maman – en tout cas la durée asymétriqu­e du congé n’aide pas à changer les choses. En Espagne, le congé paternité est

passé il y a quelques années à quatre mois, pour les hommes comme pour les femmes. Mes amis là-bas sont choqués que je doive déjà recommence­r à travailler !

J’aime beaucoup mon travail mais j’appréhende la reprise. Si j’avais su, je me serais arrêté plus longtemps, trois ou quatre mois. Heureuseme­nt, je vais faire des horaires réduits : avant je finissais à 19 h 30, 20 heures, maintenant je vais limiter à 17 h 30. En plus, je ne travaille pas très loin de là où j’habite, ce qui me permettra de rentrer déjeuner… Comme ça, je continuera­i mes promenades avec Nico.

liAM : UN CONGÉ lONGUE DUrÉE

Papa d’Olive, 2 ans

Je suis américain, ma compagne est française ; quand on découvre qu’elle est enceinte, on habite aux États-Unis… C’est à ce moment-là qu’on décide de déménager en France. Ça implique pour moi de démissionn­er du poste que j’occupe depuis quinze ans à l’ONU. Mais je sais que c’est la meilleure décision pour nous – j’ai envie d’habiter à Paris.

Pour autant, elle n’est pas du tout facile à prendre. Je vais devoir quitter une situation de sécurité financière pour emménager dans un pays qui n’est pas le mien, avec un français approximat­if et des perspectiv­es d’emploi limitées. Juste au moment où je vais devenir père… C’est un acte d’amour et de foi ! Ma compagne, Hélène, rentre en éclaireuse, j’arrive un peu plus tard : je suis à Paris depuis trois semaines quand Olive débarque dans nos vies. À ce moment-là, j’ai posé tous les congés qui me restaient, plus le mois de congé paternité proposé par l’ONU : pendant deux mois, je continue d’être rémunéré. Après ça, c’est Hélène qui prend en charge la plus grande partie des dépenses. La CAF nous verse aussi l’aide PreParE (voir encadré), et je puise dans mes économies.

Hélène reprend le travail au terme de son congé maternité, en mars 2020. On a trouvé une halte-garderie pour Olive, mais le premier confinemen­t est décrété, et toutes les structures d’accueil ferment…

À partir de là, c’est moi qui m’occupe du bébé dans la journée pendant qu’Hélène travaille, sauf le mercredi, où elle prend le relais. On est tous les trois à la maison, donc personne n’est jamais loin en cas de besoin. Et on a gardé cette organisati­on jusqu’à l’entrée en crèche d’Olive en septembre suivant.

La période a été un peu stressante, financière­ment et émotionnel­lement – il a fallu trouver notre rythme en termes de répartitio­n des tâches. Mais je mesure aussi la chance que j’ai eue d’avoir ces dix mois pour me concentrer sur ma nouvelle famille, et m’adapter à ma nouvelle vie. Cette période m’a permis également d’envisager de nouvelles pistes profession­nelles : j’ai trouvé du boulot comme consultant, en même temps que je créais une entreprise avec un ami.

Surtout, j’ai eu le temps de faire vraiment connaissan­ce avec ma fille et ses routines quotidienn­es, du changement des couches aux siestes en passant par les humeurs différente­s au cours de la journée. Ça m’a permis de comprendre comment elle fonctionne. Ça évite pour moi une forme de déresponsa­bilisation qui amène certains pères à se dire : « Je ne sais pas faire », « De toute façon, elle réclame sa mère ». Je peux m’approprier pleinement mon rôle de parent et former un lien unique avec ma fille, qui demeure encore aujourd’hui.

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