Cosmopolitan (France)

… le bal des pompiers

C’est quand même la seule soirée où trente personnes peuvent me réanimer après trois gin-to.

- PAR SOPHIE HÉNAFF

DDe Paris à Palavas, de Mulhouse à Montauban, de Calais à Cassis, le bal des pom, le bal des pompons, le bal des pompiers, c’est l’été, c’est la tradition, et comme pour ses homologues le feu d’artifice du 14-Juillet et les bouchons du 1er août, je râle toujours avant d’y aller, mais une fois que j’y suis, impossible de m’en déloger.

L’ambiance à grande échelle

D’abord j’aime les lumières, les ampoules multicolor­es qui se balancent doucement sur leur fil, cognent contre les boules à facettes et chassent la nuit étoilée. Ensuite je savoure le son, la musique pop dans les enceintes saturées, le micro qui crachote sous l’enthousias­me d’un type qui nous ambiance jusqu’à ce que nos mains claquent, les rires des enfants shootés au sucre et à l’heure tardive, les éclats de voix à trois grammes qui philosophe­nt avant de s’empoigner, et ces refrains repris en choeur, de chansons qu’on s’était tous juré d’ignorer et dont les syllabes sont allées se graver direct entre mémoire et estomac, sans passer par notre sens du goût. Et puis j’aime aussi cette foule, le grand rassemblem­ent des gens qui ne se croisent jamais et qui sont venus au bal des pompiers, à la fête de la sardine ou la guinguette du camping parce que c’est le dernier endroit sur terre où on peut danser avant 11 heures du soir, en amenant mémé et les petitsneve­ux. Quand j’ai vu les affiches sur le chemin de la plage, j’ai dit aux copains « allez, ça sera marrant », et j’ai une fois encore signé pour la plus belle soirée de mes vacances.

Musette Live

Parfois, il y a même un orchestre. Du live qui enchaîne Sardou, Luciani, U2 et Matmatah, le line up le plus capé et le plus improbable de l’univers, un truc que pas un festival ne risquerait et, quand bien même ils auraient le budget, c’est pas Coachella qui peut ressuscite­r Dalida ou Nirvana. Seuls les musiciens de la route, les chanteurs de l’été peuvent te balancer trente ans de rock et de variété dans les rotules, tout à la grosse caisse et au synthé, jusqu’à ce que fiesta s’ensuive. Bien sûr tout le monde n’adhère pas, et dès le début du bal, on perd généraleme­nt la moitié de la bande de copains, qui espère une terrasse plus stylée, un club plus fermé. Moi, j’insiste, « allez, on n’a même pas pris un verre ».

Merguez, vin blanc, bière et limonade

En carton, le verre, ou en plastique, servi direct de la bouteille par des bénévoles qui ne savent pas où François a rangé le tire-bouchon, s’il reste des gobelets, qui a lancé une nouvelle cafetière, comment on change le fût, si on fait encore les sandwichs, parce qu’il n’y a plus de pain et si c’est bien Valérie qui a la caisse, six plus six, ça fait douze, sur vingt, ça fait, ça fait, douze sur vingt, ça fait… Huit ! Merci madame ! Et voilà huit euros. Huit euros de monnaie et je repars heureuse comme tout avec ma bière sans bulles et mes amis dépités. Ce verre, comme les suivants, je vais en renverser la moitié sur la piste en terre battue et ce n’est qu’au bout de la nuit, quand les pompiers me diront, « C’est fini maintenant madame, il faut partir », que je réaliserai que, tant qu’à donner des sous pour une bonne cause, je préfère largement leur bal au calendrier.

 ?? ??

Newspapers in French

Newspapers from France