Cosmopolitan (France)

La magie deNoël

Ça fait depuis le 15 août que ma fille me bassine avec Noël. On y est, et je suis pas sûre que ça soit une bonne nouvelle.

- Par Camille Anseaume

Quand j’étais petite, on était quatre enfants, et à partir du 1er décembre on ouvrait le calendrier de l’Avent chacun notre tour, pour découvrir une image de la Vierge Marie avec son bébé. « Miskine » m’a répondu ma fille quand je lui ai raconté. « Non, pas Miskine, Jésus, tu sais, le petit garçon qui est né le jour de Noël. » Le 1er décembre de cette année, elle ouvrait avec son frère la première fenêtre de leur calendrier de l’Avent Pat’ Patrouille, et découvrait un chocolat représenta­nt un casque de pompier sur une tête de dalmatien. Il a bien changé Jésus ! Le lendemain, elle était debout à l’aube (11 h 42, chacun son aube) pour nous supplier de faire le sapin aujourd’hui. « Maman, on peut pas toujours remettre à demain ce qu’on peut faire aujourd’hui, dans la vie il faut an-ti-ci-per. » (se foutrait-elle de ma gueule ?) (Oui.)

Quelques heures après, on déballait les cartons et on décorait le sapin en répétant à mon fils de 2 ans des phrases du genre « non, on n’accroche pas le chien au sapin » ou « non, on ne met pas des santons dans les fesses du chat ». Je regardais ma fille s’appliquer, minutieuse, exigeante, concentrée. «Tu vois ma chérie, c’est exactement comme ça que j’aimerais que tu révises le brevet. » Elle s’est retournée et m’a dit : « En pull de Noël ? » Soit cette enfant a beaucoup de second degré, soit il lui manque dix minutes de cuisson. À la fin, elle s’est reculée pour juger du résultat, mais son verdict a été clair : « Ça fait pas assez magie de Noël. » Elle a sorti son téléphone pour me montrer sur Snap et Insta des décoration­s « vraiment magie de Noël ». Je lui ai expliqué que ça, c’était la magie des partenaria­ts entre Shein et des influenceu­ses de Dubaï, et que j’avais d’autres projets que de lire en pyjama écossais, assise sur un sol recouvert de neige artificiel­le, encerclée par des élans made in China. Mon mec était dans l’entrée avec le dernier carton de déco, j’ai dit à ma fille : « Demande plutôt à ton père s’il lui reste des boules. » Elle a dit : « Oui, deux », en ricanant. J’ai eu soudain envie (besoin ?) d’un vin chaud, alors on a décidé d’aller tous les quatre faire un tour au marché de Noël.

On a croisé un Père Noël qui nous a proposé de faire une photo. Notre fils s’est mis à hurler, on a trouvé ça dommage, mais après réflexion, refuser de monter sur les genoux d’un inconnu avec une barbe qui lui promet des cadeaux, c’est plutôt conforme à ce qu’on attend de lui. Au cabanon d’après, notre fille nous a suppliés de lui offrir un bonnet de Noël qui clignotait. « C’est trop dar ! » elle s’est exclamée. « Mais non c’est pas trop tard, on est seulement le 2 décembre », a affirmé son père, qu’elle a regardé comme s’il était un vieux con. Je lui ai demandé si elle avait l’intention de s’afficher dans la rue avec ce truc ridicule ; elle m’a assuré que oui, c’est un peu vexant sachant qu’elle refuse souvent de s’afficher avec moi. « Oui mais toi tu ne clignotes pas », a tenté de me rassurer son père, qui trouve toujours les bons mots. « MDR », a dit ma fille. Je n’ai pas compris, j’ai dit : « Quoi ? » Elle a hurlé « kouakoubé ! » en s’éloignant. J’ai pensé que ça allait être long décembre, mais quand même moins que l’adolescenc­e.

Pour d’autres aventures merveilleu­ses avec une adolescent­e, rendez-vous sur l’Insta de Camille Anseaume, @camilleans­eaume

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Camille est rédactrice, scénariste, autrice, chroniqueu­se. Elle n’aime pas beaucoup le vin chaud mais quand il faut, il faut.
Bio Camille est rédactrice, scénariste, autrice, chroniqueu­se. Elle n’aime pas beaucoup le vin chaud mais quand il faut, il faut.

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