Cosmopolitan (France)

Cher verre de trop,

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Ça commence toujours pareil, avec plein de belles promesses. Et ça finit toujours pareil, avec la tête dans le caniveau. Tout ça à cause de toi. En début de soirée, la situation était pourtant sous contrôle : je me suis pomponnée, ravie de retrouver mes amis en terrasse et je me suis aussi fait une promesse : « Ce soir, pas d’excès ma cocotte. Tu commandes un Perrier. » Cheffe, oui, cheffe ! Je me pointe au bar d’une bottine décidée, je claque quelques bises joyeuses et je commets la première erreur : suivre la masse. « Oh ben dans ce cas, je veux bien un demi aussi, merci monsieur. » En sirotant ma bière, j’écoute les histoires des uns, les anecdotes des autres, je partage mes dernières actus et les verres se vident avant de se remplir aussitôt. Tu vois où je veux en venir ? À présent il fait nuit, le niveau sonore augmente, les discours sont de moins en moins intelligen­ts, on devient un peu louche (la copine a allumé sa clope à l’envers), et ça y est, tu débarques à ma table. À cet instant, je commets une seconde erreur, celle qui me sera fatale : je ne me méfie pas de toi.

À mes yeux – déjà un peu vagues –, tu es exactement comme les autres. Certes bien rempli, mais inoffensif. Penses-tu ! Toi, tu es le Jean-Claude Van Damme de l’apéro. Tu me mets un kick bien placé avant de m’expédier en orbite. J’ai l’oeil droit qui dit merde au gauche et je me lance dans des projets qui me dépassent : « Hips, on prend nos billets pour le Vietnam tout de suite ! » Le barrage a cédé et les mauvaises idées s’enchaînent. Ma classe, quant à elle, a foutu le camp : « Ehhh, hips, on commande la petite soeur ? » Dieu merci, les serveurs nous annoncent la fermeture du bar tout en espérant très fort que l’on soit encore capable de payer. Ouh là, ça, ce n’est pas un problème ! Depuis ton arrivée, cher verre de trop, j’ai le porte-monnaie ouvert aux quatre vents, et je me montre super généreuse : « J’ai réglé, hips, l’addition. T’es mon pote ou t’es pas mon pote ? C’est quoi 100 balles, hein ? » Une fois pauvre, je rentre l’air de rien (vraiment rien) et la gravité n’a plus aucune prise sur moi. Un peu comme dans un flipper, je rebondis contre les murs avant d’atteindre mon immeuble : « Wow, ça balance pas mal, à Paris ! » Si je me souviens de mon digicode, je me hisse jusqu’au 5e étage. Si je retrouve mes clés, je peux enfin m’affaler sur le lit. Dans le cas contraire, j’appelle la moitié de mon répertoire en espérant tomber sur des copains qui ont le sommeil léger, beaucoup de compassion et un canapé-lit.

Mais l’histoire ne s’arrête pas là. Non, trop facile. Quand le jour se lève sur mon corps tout habillé, j’ouvre un oeil vitreux avant de pousser un premier râle de douleur. La bouche sèche, je plonge sous le robinet avant d’entamer une nouvelle activité : rassembler mes souvenirs pour reconstitu­er le puzzle de cette soirée. Alors après tout ça, laisse-moi te dire une bonne chose, mon vieux : c’était la dernière fois ! Je ne sors plus jamais de toute ma vie entière ! Oh que si, je te jure que je ne rigole pas… Après l’anniversai­re de Florian, vendredi prochain, et la crémaillèr­e de Mélanie, samedi soir, c’est fini.

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Manon, journalist­e à Cosmo, a toujours eu du mal à doser: les pâtes comme l’apéro.
Bio Manon, journalist­e à Cosmo, a toujours eu du mal à doser: les pâtes comme l’apéro.

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