Le leadership et l’éthique
Être leader n’est pas toujours synonyme de grandeur. Nombreux sont les sombres personnages de l’histoire à avoir su s’attirer la sympathie puis l’obéissance des foules, comme l’expliquait Erhard Friedberg lors d’une conférence dans le cadre de l’Executive
La seule définition du leadership qui semble tenir est celle de Michael Maccoby spécialiste de la question. “Un leader, dit-il, c’est quelqu’un que d’autres suivent ou acceptent de suivre”. Cette définition, pour simpliste qu’elle puisse paraître, est plus qu’un truisme : elle met l’accent sur la nature fondamentalement interactive du leadership, et souligne l’importance primordiale du contexte dans lequel il se déploie. Le leadership est toujours une rencontre entre une personnalité et un contexte, et c’est donc un phénomène interactif : il ne peut se penser en dehors de la relation entre le leader et ceux qui acceptent de le suivre. Une fois acceptée cette définition situationnelle, interactive et contingente du leadership, tentons de clarifier les qualités d’un leader. Avant tout, le leader doit avoir une vision claire de ce vers quoi il veut (doit) mener un groupe, une organisation, etc., pour développer une compréhension de sa mission. Ensuite, une intelligence stratégique doit lui permettre tout à la fois d’envisager son contexte d’action comme un système de ressources et de contraintes interdépendantes, de porter un diagnostic sur la situa- tion pour esquisser les voies du changement au service de la mission, et de gérer au jour le jour les interactions nécessaires à l’avancée délicate de son action. Cette intelligence stratégique est essentielle mais inefficace si elle ne s’appuie pas sur une grande curiosité et une réelle capacité d’écoute des acteurs, afin de comprendre pourquoi, tout au long du processus de changement, il y aura des résistances, des décalages, des réorientations, autant de mouvements que le leader devra considérer comme des ressources, car elles lui permettront d’apprendre et/ou d’avancer. Ajoutons à cela une réelle compétence à prendre du recul, afin de ne pas perdre de vue la vision qui est la sienne, ni la mission qui lui est attachée. Un leader doit être à même de garder le cap, en (re)construisant toujours la dynamique d’ensemble souvent cachée derrière un ensemble de faits apparemment disparates.
SE POSER LES QUESTIONS DES LIMITES
Une telle prise de recul permettra aussi au leader de se voir “agissant” et de s’assurer ainsi qu’il respecte les limites, notamment éthiques, qu’il s’est fixées pour mener à bien son action. Cette interrogation ou préoccupation éthique est bien entendue centrale dans toute activité. Elle est particulièrement importante pour un leader, dans la mesure même où il cherche à engager ceux qui le suivent dans des voies nouvelles qui peuvent êtres risquées et pleines d’imprévus. Il doit en permanence se poser la question des limites éthiques qu’il s’impose dans les négociations multiples à travers lesquelles il devra chercher à obtenir l’adhésion de ceux dont le comportement conditionne la réussite des changements qu’il pense devoir mener à bien. On l’a compris, on n’apprend pas le leadership à l’école, dans des cours aussi bien faits fussent-ils. On devient un leader et on développe les compétences nécessaires dans une pratique professionnelle, organisée comme un parcours de formation et accompagnée d’un considérable travail sur soi-même pour apprendre à faire coexister des qualités apparemment contradictoires comme l’obstination (garder le cap) et l’écoute (de tous les autres), l’engagement (dans la mission) et la prise de recul (pour l’analyse et la réflexion éthique), afin d’être capable de faire avancer son action, porté par une vision tout en restant attaché au réalisme du diagnostic.