“Il arrivera qu’on t’oublie”
Aude Selly a été victime d’un burn-out. Pour se libérer et mettre des mots sur son vécu, elle a écrit un livre sur son histoire, et travaille désormais en indépendante, pour rester maître de sa trajectoire professionnelle.
Le premier incident est survenu le 31 août 2011, se rappelle Aude Selly. J’étais partie en week-end et je devais travailler le mardi. Dans le train partant de Colombes [92, ndlr], j’ai commencé à avoir des sueurs froides, à être stressée. J’ai eu mal au ventre et j’ai commencé à pleurer.” Aude Selly appelle alors sa soeur jumelle, qui lui dit d’aller voir un médecin. “J’ai refusé. S’arrêter était mal perçu par ma société. Mais quand je suis arrivée à la gare SaintLazare, j’ai fait une crise de tétanie. Je ne sais pas comment j’ai fait, mais je suis retournée dans ma ville voir mon médecin. Il m’a dit que c’était un début de burn-out.” Aude Selly ne réalise pas la gravité de ce qui lui arrive. Elle refuse alors de prendre un mois de congé maladie mais accepte de s’arrêter 15 jours et de prendre les anxiolytiques. “Les médicaments ont changé ma vie. Tout ce qui m’arrivait de stressant me passait par dessus la tête. Mais je ne me suis pas vraiment reposée car la société continuait de m’appeler.” Surtout, Aude Selly avait perdu le plaisir de travailler. Entrée en novembre 2008 dans son entreprise, elle avait été nommée responsable RH pour une équipe de 100 salariés, un poste dont elle rêvait depuis une dizaine d’années. “Au début, j’étais pleine d’idées et d’enthousiasme.” Mais avec le recul, elle réalise que la pression existait dès le recrutement. “On me l’a dit clairement : ‘ Il arrivera qu’on t’oublie’. Je n’avais pas le droit à l’erreur.” Pour montrer sa valeur, elle travaille d’arrache-pied dans un climat social délétère. Elle enchaîne les nuits blanches. Des signes de fatigue physiques apparaissent en mai 2009. Après avoir constaté qu’elle n’est pas très écoutée et, assommée par son travail, elle demande de l’aide à sa hiérarchie. Rien ne change.
À BOUT
En février 2011, sa supérieure directe, la responsable RH France, est licenciée du jour au lendemain. “Alors que je voulais le poste, un gamin de 25 ans a été nommé. J’étais à terre, c’était une vraie humiliation.” Aude Selly entre dans une spirale de dévalorisation. Elle redouble malgré tout d’efforts pour se mettre en avant. C’est alors que se produit sa crise d’angoisse d’août 2011. “Après être revenue de mes 15 jours d’arrêt, le même rythme a repris. La prise d’anxiolytiques m’a permis de tenir jusqu’en décembre 2011.” Puis, son jeune responsable se fait licencier. Elle se retrouve au poste qu’elle convoitait en intérim. Mais alors qu’elle devait participer à un grand séminaire qui allait, en quelque sorte, consacrer son nouveau poste, elle apprend indirectement qu’elle n’y est pas conviée. À bout, elle fait une tentative de suicide, sans préméditation, pour mettre fin immédiatement à sa souffrance. “Je n’avais plus de force. Je me suis fait suivre par une psychologue du travail et mon médecin m’a prescrit des antidépresseurs et des anxiolytiques. Je me suis enfermée de juin à octobre 2012.” Puis, elle commence à faire du yoga et de la sophrologie pour se reconnecter avec son corps et travaille sur l’estime de soi. En novembre 2012, elle écrit son livre* en 6 jours. “J’étais dans la culpabilité. Le livre m’a tirée vers le haut. J’ai obtenu une reconnaissance : ce que j’avais vécu existait et je n’étais pas seule dans ce cas.” Elle commence à remonter la pente et met fin à son contrat par un accord à l’amiable en janvier 2014. La signature est une libération. “J’ai commencé à penser à l’avenir et je me suis formée. Je travaille aujourd’hui comme formatrice dans la prévention des risques psychosociaux. C’était logique : j’ai été manager, responsable RH et j’ai vécu un burn-out. Je me suis dit : ‘Sers-toi de ton expérience !’”. Elle travaille aujourd’hui à son prochain livre. Le sujet : l’après burn-out.