Courrier Cadres

DROIT

Treizième mois, prime au résultat, de fin d’année, d’ancienneté ou d’assiduité : quelles que soient leurs formes, les gratificat­ions, tout comme les avantages en nature, sont pour les employeurs un moyen de motiver leurs collaborat­eurs mais aussi de sédui

- Aline Gérard

Peut-on sauver ses primes et avantages en nature ?

Lorsque l’on est à la recherche d’un emploi et que l’on a la chance de voir sa candidatur­e retenue par plusieurs entreprise­s, l’attributio­n de gratificat­ions complétant le salaire fixe est souvent un critère important au moment de prendre une décision. Il en est de même des avantages en nature (voiture, vêtements, nourriture ou encore logement), qui constituen­t eux aussi un élément de salaire venant s’ajouter à la rémunérati­on en espèce. Que se passe-t-il cependant si l’employeur, alors que vous avez d’ores et déjà intégré l’entreprise, décide finalement de revenir sur leur attributio­n, ou bien d’en modifier les critères d’obtention ? Prenons l’exemple d’un cadre dans la vente. Comme tous ses collègues, il touche une prime mensuelle de 300 euros lorsqu’il atteint ses objectifs per- sonnels. Il a également droit à une seconde prime du même montant si le magasin dépasse un certain chiffre d’affaires, ce qui ne s’est jamais produit depuis l’arrivée du salarié et l’ouverture du point de vente, il y a cinq ans, en raison notamment d’un mau- vais emplacemen­t. Du jour au lendemain, l’employeur décide que pour obtenir la prime personnell­e, les objectifs du magasin devront également être atteints. Les salariés voient ainsi, presque à coup sûr, s’envoler la prime individuel­le de 300 euros par mois qu’ils parvenaien­t auparavant à obtenir grâce à leurs efforts. Peuvent-ils se défendre? Plusieurs situations sont à dis- tinguer. Tout d’abord, la plus simple. Ces primes et leur mode d’attributio­n sont expresséme­nt stipulés dans le contrat de travail. Dans ce cas, l’employeur n’a tout simplement pas le droit d’y toucher sans l’accord du salarié, car la rémunérati­on est considérée comme un élément essentiel du contrat de travail. Et ce, même si l’employeur certifie que le mode de calcul, par exemple, est plus favorable à son collaborat­eur. Le salarié peut donc s’opposer à cette modificati­on de son contrat. Si face à ce refus, son employeur décide d’un licencieme­nt, celuici sera considéré sans cause réelle et sérieuse, donc abusif. À moins que la modificati­on du contrat soit justifiée par des motifs économique­s valables*. À noter que les primes peuvent être également prévues dans le cadre des convention­s collec-

“La rémunérati­on est considérée comme un élément essentiel du contrat de travail.”

tives. Dans ce cas, elles revêtent elles aussi un caractère obligatoir­e. DANS LE CADRE D’UN USAGE Sont également considérés comme contractue­ls, les gratificat­ions et avantages en nature qui résultent d’un usage dans l’entreprise et ceux prévus par convention ou accord collectif ou engagement unilatéral de l’employeur. La notion d’usage est toujours un peu ambiguë. Trois critères doivent être remplis : la constance, la fixité et la généralité. Pour commencer, pour créer un véritable usage, une prime, par exemple, doit avoir été versée un certain nombre de fois. Tout ceci est un peu flou et ne peut être analysé qu’au cas par cas. Le Mémento Pratique/ Social des éditions Francis Lefebvre cite plusieurs exemples :

“Revêt ce caractère la prime versée d’une manière régulière depuis cinq ans, même si la raison invoquée par l’employeur pour l’attribuer a changé chaque année. Il en va de même d’une prime de vacances ou de fin d’année payée depuis trois années consécutiv­es. En revanche, ne présentent pas ce caractère : la prime annuelle versée une ou deux fois ou la prime mensuelle versée trois fois.”

Ensuite, cette gratificat­ion doit toujours être calculée selon les mêmes modalités. Elle ne constitue pas un élément de salaire si son montant a varié d’une année à l’autre ou d’un salarié à l’autre, selon le bon vouloir de l’employeur qui n’a pas suivi de critères précis. Enfin, elle doit être attribuée à l’ensemble du personnel ou à une catégorie bien déterminée. Un seul salarié ne fera pas une généralité, à moins qu’il soit l’unique représenta­nt d’une fonction. Si l’entreprise ne compte qu’un seul commercial, par exemple. Le cadre dans la vente évoqué précédemme­nt remplit toutes ces conditions, même si les primes ne sont pas inscrites dans son contrat de travail. Le versement de ces dernières est donc en principe obligatoir­e. Toutefois, l’employeur qui souhaite revenir sur l’usage a la possibilit­é de le dénoncer, en suivant une procédure stricte. Pour mettre fin ou modifier les avantages qui y sont liés, il doit d’abord en informer les institutio­ns représenta­tives du personnel et, de manière individuel­le et par écrit, chaque salarié concerné (une simple note de service ne suffit pas). Tout cela bien en amont, pour permettre d’éventuelle­s négociatio­ns (un délai suffisant est exigé, celui-ci s’apprécie au cas par cas). Si ces étapes n’ont pas été respectées, le salarié pourra se retourner contre son employeur. Il arrive également que des avantages fassent suite à un engagement unilatéral de l’employeur. Celui-ci recouvre des cas plus étendus que l’usage. Il s’agit d’un engagement écrit qui peut avoir été adopté par des notes de service, par des procès-verbaux de réunions de représenta­nts du personnel ou encore avoir été pris à l’issue de la négociatio­n annuelle obligatoir­e. L’employeur peut, cette fois encore, le dénoncer, en respectant toutefois la même procédure que pour l’usage. ACCORD COLLECTIF ET PRIME BÉNÉVOLE Autre possibilit­é : les avantages basés sur une convention ou un accord collectif d’entreprise. Dans ce cas, l’employeur qui souhaite revenir sur ces acquis doit, cette fois encore, préalablem­ent dénoncer la convention ou l’accord ou bien négocier une révision du texte, en respectant toute une procédure, notamment un préavis. À défaut de clause expresse dans la convention ou l’accord d’entreprise, ce dernier est fixé à trois mois. Dans tous les autres cas, une prime sera considérée comme bénévole. L’employeur peut alors décider de manière unilatéral­e de sa suppressio­n et modifier librement son montant ou ses critères d’attributio­n. Une nuance cependant, des dommages et intérêts peuvent être dus au salarié qui aurait été discriminé dans l’obtention d’une prime par rapport à ses collègues. En conclusion, même s’il n’est pas toujours possible de faire le difficile dans une phase de recrutemen­t, il est toujours conseillé de demander à ce que tous les avantages mis en avant soient ajoutés explicitem­ent au contrat de travail !

“L’employeur qui souhaite revenir sur l’usage a la possibilit­é de le dénoncer, en suivant une procédure stricte.”

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