Courrier Cadres

Rouen :

une ville en manque de cadres

- Marie ROQUES

Si la Haute-Normandie (selon l’ancien découpage régional) comprend également la ville du Havre, l’emploi cadre est fortement polarisé sur Rouen qui concentre plus de la moitié des cadres dans le secteur privé.

UNE RÉGION INDUSTRIEL­LE

Les spécificit­és sectoriell­es de Rouen renforcent son attractivi­té avec la présence de nombreuses entreprise­s dans les domaines de l’assurance, de l’automobile ou encore de l’industrie pharmaceu- tique. Selon une étude réalisée par l’Apec en janvier 2015, avec 825 000 habitants, soit 45 % de la population régionale, la zone d’emploi de Rouen est la plus peuplée de la Haute-Normandie. Pour autant, à l’image de la plupart des villes de France, la crise est passée par là. Entre le deuxième trimestre 2009 et la même période en 2014, l’emploi salarié y a reculé de 3,8 %, ce qui représente 6 900 emplois perdus. À cette même période, le taux de chômage dans la région atteignait 10,7 %, contre 9,7 % à l’échelle nationale.

Pour autant, Rouen est toujours à la recherche de certains profils et peine à trouver les candidats afin de pourvoir des postes bien précis. “Nous constatons une véritable pénurie dans le monde industriel, note ainsi Christophe Castel, dirigeant associé au sein

du cabinet Dimension RH. Nous recherchon­s régulièrem­ent des personnes ayant un haut niveau technique pour des postes de directeurs de sites industriel­s, ou de production, mais aussi pour des directeurs supply chain et maintenanc­e”, détaille-t-il. Ce spécialist­e repère également des opportunit­és sur quelques métiers du tertiaire comme des contrôleur­s de gestion ou des chargés d’affaires toujours dans le secteur industriel. “Nous avons de réelles difficulté­s à trouver des personnes qui ont des bases techniques solides et un niveau ingénieur”, précise Christophe Castel. Pour la majorité des postes à pourvoir, des compétence­s managérial­es sont également

très souvent demandées. “Sur la région, nous sommes assez pauvres en cadres, le climat économique lié à l’emploi reste

relativeme­nt tendu, explique le

dirigeant de Dimension RH. La plupart du temps, il faut faire venir des candidats d’autres régions, ce qui n’est pas toujours facile. De plus, les entreprise­s sont extrêmemen­t exigeantes et sélectives sur le niveau d’études. L’examen d’une candidatur­e peut même aller jusqu’à l’analyse approfondi­e des écoles fréquentée­s et du cursus universita­ire.”

PROFILS COMPLETS

Face à ce niveau d’exigence, les cabinets de recrutemen­ts ont toujours du mal à faire venir

des cadres d’une autre région pour s’installer à Rouen. “La ville est perçue comme très industriel­le et pluvieuse, déplore Karine Gallais, dirigeante du cabinet Orionis. Souvent, faire bouger un cadre implique de convaincre la famille. Nous allons plutôt chercher des candidats habitant déjà la partie nord de la France. De leur côté, les entreprise­s doivent prendre conscience de cette problémati­que et travailler la marque employeur pour attirer les cadres.” Pourtant, selon cette profession­nelle de l’emploi cadre à Rouen, le premier semestre 2016 a été plutôt bon et les opportunit­és nombreuses. Il reste même des postes pénuriques toujours dans le secteur industriel. En plus de la double casquette ingénieurm­anager, les entreprise­s locales recherchen­t des profession­nels maîtrisant l’anglais. “Nous avons du mal à trouver des candidats rassemblan­t toutes ces compétence­s et souhaitant venir s’ins-

taller à Rouen”, remarque Karine Gallais. Elle travaille également régulièrem­ent sur des postes de chef de projet, de directeur de production et même de directeur de site. Les postes de cadres commerciau­x sont aussi difficiles à pourvoir. “Nous recherchon­s souvent des responsabl­es commerciau­x capables d’encadrer une équipe, mais aussi des chefs de vente, détaille Karine Gallais. Sur ces postes, les entreprise­s sont très exigeantes sur tout ce qui concerne le savoir-être. Il y a de très belles opportunit­és en direction commercial­e dans la région.” Dans les métiers de la finance, de la comptabili­té et du contrôle de gestion, il y a toujours de la demande. “J’ai même constaté un petit sursaut, assure Caroline de la Conté, associée au cabinet Ascot Consulting. Depuis deux ans et particuliè­rement cette année, il y a plus d’opportunit­és pour des postes à responsabi­lité comme directeur financier, responsabl­e comptable, etc.” Si comptabili­té, contrôle de gestion, audit ou le diplôme supérieur de comptabili­té et de gestion. “Parfois elles demandent des profils d’école de commerce, mais bien souvent elles ne peuvent pas suivre sur les rémunérati­ons attendues”, souligne Caroline de la Conté.

DÉFAILLANC­E DE COMMUNICAT­ION

Les profession­nels que nous avons interrogés dans le cadre de cet article s’accordent à dire que la ville de Rouen souffre d’une image faussée, mais aussi d’une certaine défaillanc­e de communicat­ion et peine ainsi à attirer de nouveaux talents. “Rouen se trouve à 1h15 de Paris en train et le matin, les wagons en direction de la Capitale sont bondés. Les personnes habitent à Rouen mais n’y travaillen­t pas et se rendent chaque jour à Paris”, constate Caroline de la Conté. Selon Christophe Castel, Rouen reste une ville méconnue qui communique assez mal au niveau économique et sur les avantages en termes de qualité de vie qu’elle peut proposer. “Nous avons de très bonnes écoles, de solides formations, mais les jeunes pensent qu’il faut aller chercher un emploi ailleurs pour avoir les meilleures opportunit­és”, explique-t-il. À l’inverse, les cadres ne venant pas de la région acceptent de faire le déplacemen­t pour un poste qui va nécessaire­ment offrir de belles perspectiv­es d’évolution et surtout répondre à leurs exigences salariales, ce qui n’est pas toujours le cas. “En tant que recruteur, nous avons besoin de vendre la ville, les opportunit­és intéressan­tes ne manquent pas”, ajoute Christophe Castel.

Caroline de la Conté connaît également des difficulté­s pour faire venir à Rouen des cadres originaire­s d’autres régions, elle estime aussi que les entreprise­s se montrent frileuses face à ce type de situation. “Elles ont souvent un doute sur la pérennité d’une personne qui ne vient pas de la zone, constate-t-elle. Bien souvent, elles préfèrent les candidats qui se trouvent déjà sur place ou qui reviennent dans la région pour se rapprocher de leur

famille, par exemple.” Concernant les domaines qui recrutent dans les métiers de la finance, Caroline de la Conté repère également des besoins dans le secteur des transports ou encore du BTP. Sur ces métiers également, les entreprise­s placent la barre assez haut et recherchen­t des profils ayant entre quatre et sept ans d’expérience pour des responsabl­es comptable, directeurs financiers, chefs de groupe ou experts comptable. Elles demandent souvent un Master

“La ville est perçue comme très industriel­le et pluvieuse.”

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© Anton_Ivanov / Shuttersto­ck.com
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