Courrier Cadres

Dans la peau de Georges Brassens

Originaire de Sète, Georges Brassens a réussi son rêve de devenir un poète, auteur, compositeu­r et interprète reconnu. Disparu en 1981, il a travaillé dur et sans relâche pour y parvenir, tout en sachant profiter de la vie, de ses amis et de sa famille.

- Par Innocentia Agbe.

Ne vous fiez pas à la moustache, à la guitare, à cette impression de facilité. Georges Brassens était un bourreau de travail. “Ce qui m’a surpris est qu’il avait une discipline de fer pour écrire des chansons tendres”, explique Nadia Khouri-Dagher, co-auteure du livre “Brassens au quotidien*”. Dans l’ouvrage “Brassens, le libertaire de la chanson”, l’auteure, Clémentine Deroudille, explique ainsi que “tous les matins, de cinq à huit

heures, Brassens écrit”. Le poète savait s’imposer une discipline et ne pas y déroger. Et cela avant même d’être connu. Il était prêt à tout mettre en oeuvre pour réaliser son rêve, celui de vivre de l’écriture de chansons. Il maintenait le cap. Ce qui l’a amené à vivre un moment dans la misère. Ouvrier chez Renault, il décide de quitter cet emploi qui lui pompe toute son énergie, ce qui ne lui laisse pas de place pour faire autre chose. “Pendant 13 ans, jusqu’en 1952, il a vécu dans une misère noire, chez son amie Jeanne”, rappelle Nadia Khouri-Dagher. Jusqu’au succès, lorsqu’il est découvert par Patachou, qui lui ouvre les portes de son cabaret. Mais d’où lui venait ce goût du travail ? Probableme­nt de son histoire familiale. “Il possédait une énorme force morale avec l’exemple de son père maçon. Il avait comme modèle paternel un homme qui avait travaillé dur toute sa vie.” Cette discipline concernait aussi une quête sans fin de savoirs. “Il travaillai­t beaucoup, lisait beaucoup, passait son temps à la bibliothèq­ue, notam-

ment dans le 14e arrondisse­ment de Paris. Il avait une culture générale phénoménal­e qu’il s’était faite tout seul, explique Nadia Khouri-Dagher. Georges Brassens aurait ainsi appris seul le latin, l’anglais

ou encore la guitare. “Il ne s’est jamais reposé sur ses lauriers. Quand il est arrivé comme vedette en 1952, il avait 50 chansons en stock.”

VINGT FOIS SUR LE MÉTIER REMETTEZ VOTRE OUVRAGE

L’auteur travaillai­t avec beaucoup de méthodolog­ie. “Brassens note tout de peur d’oublier. Dès qu’une idée émerge, il la couche sur papier sous une forme approximat­ive et pas forcément rimée”, explique notamment Clémentine Deroudille dans son ouvrage. “Puis, comme un écolier, il dresse le plan de sa chanson : répartir les couplets, résumer leur contenu et donner une forme à l’ensemble.” Il a aussi

un sens très poussé du détail. “Mario Poletti [l’un de ses amis d’enfance, Ndlr] m’a dit qu’il pouvait mettre jusqu’à six mois-un an pour finir une chanson. Pour ‘Supplique pour être enterré à la plage de Sète’, il n’aimait pas le mot ‘pédalo’. Il a mis six mois pour trouver un autre terme et finalement il l’a gardé. C’était vraiment un artisan”. Une réalité que

décrit aussi l’ouvrage “Brassens, le libertaire de la chanson”. “Il peaufine, rature, retravaill­e son texte avec un respect scrupuleux des règles de la versificat­ion, un souci extrême du rythme. Il cisèle les vers, ne laissant rien au hasard. Si un mot ne convient pas, il change, reprend la chanson en entier pour trouver le mot juste.” Et avec Georges Brassens rien ne se perdait. Il gardait ses brouillons pour pouvoir revenir dessus, il y notait des passages d’anciens textes, d’expression­s. Il avait même des techniques pour faire jaillir la créativité. Dans son ouvrage, Clémentine Deroudille raconte par exemple qu’il plaçait des bouts de poèmes dans certains livres de sa bibliothèq­ue, puis quand il les ouvrait par hasard ceux-ci pouvaient constituer le départ d’une nouvelle chanson. Sa discipline l’a guidé tout au long de sa carrière. “Quand il était connu, il ne se laissait pas distraire. Il avait une gouvernant­e qui faisait barrage pour que personne ne le dérange”, explique Nadia Khouri-Dagher. Mais attention, la vie rimait aussi avec plaisir chez Georges Brassens. Il avait ses moments de décompress­ion. S’il sortait peu la semaine, les week-ends, les vacances, étaient faits d’amis et de fête. “Et surtout, il avait des amis fidèles”, poursuit Nadia Khouri-Dagher. Il était aussi proche de sa famille. Cette dernière conclut : “Je pense qu’il a plus recherché le ‘faire’ que le ‘faire savoir’”. *Rédigéavec­MarioPolet­ti,undesesmei­lleursamis.“Brassensau quotidien.Unhommesim­pleparmile­ssiens”,éditionsAu­coeurdu monde,octobre201­3.

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