Salaires : une embellie fragile
Avec la conjoncture économique favorable de ces derniers mois, les cadres continuent de voir leurs salaires augmenter. Une embellie positive mais qui reste fragile. Le baromètre Expectra, publié en septembre, montrait en effet que la hausse du salaire médian constatée en 2017 (+ 1,7 %) était identique à celle de l’année dernière. En revanche, l’évolution des rémunérations continue d’être conditionnée par plusieurs facteurs comme la taille de l’entreprise, les changements professionnels opérés par les cadres durant l’année mais également leurs profils. Les postes pénuriques, quant à eux, se démarquent toujours et restent ceux dont la rémunération augmente le plus.
Depuis 2011, le salaire des cadres augmente chaque année, même si la hausse fut parfois minime (voir graphique ci-contre). Entre 2013 et 2016, la rémunération moyenne constatée était à chaque fois supérieure à celle enregistrée un an plus tôt, selon le baromètre Expectra, filiale de Randstad, publié en septembre. Mais cette année, la donne a changé. 2017 marque une rupture dans cette dynamique puisque l’augmentation reste identique à celle de l’année dernière. La hausse de salaires pour les cadres s’élève ainsi à 1,7 %. “Nous aurions pu nous attendre à une augmentation plus forte compte tenu des indicateurs économiques qui sont beaucoup plus favorables ces derniers mois, précise Emmanuel Chauvin, responsable des études et du développement des ventes d’Expectra. Néanmoins, si nous sommes sur une tendance effectivement identique à l’année passée, des fonctions affichent des hausses plus conséquentes.” Dans ce contexte, les entreprises sont donc prêtes à mettre la main à la poche pour trouver la personne idéale mais surtout compétente. “Les entreprises ne font aucune
concession concernant la qualité des profils, assure Fabrice Coudray, managing director de l’executive search chez Robert Half. Elles sont prêtes à faire un effort sur la rémunération mais sont extrêmement exigeantes : il faut qu’il y ait un retour sur investissement. Il faut donc vous attendre à ce que l’on vous en demande plus, surtout sur les postes dits pénuriques.”
L’INFORMATIQUE A LE VENT EN POUPE
Des filières ressortent en effet davantage que d’autres. Les métiers de la finance, de l’ingénierie, des RH ou les fonctions commerciales affichent des hausses de salaire de presque 2 %. Mais les postes qui se détachent le plus restent ceux liés au digital et au numérique (retrouvez notre dossier sur l’impact de ce domaine dans la transformation des entreprises, page 18). Selon l’Association pour l’emploi des cadres (Apec) ce secteur représenterait d’ailleurs un quart du recrutement des cadres. Certains postes sont extrêmement demandés et voient leur rémunération considérablement
augmenter. À titre d’exemple, un chef de projet Web-marketing a vu son salaire croître de 5,5 % en 2017. Des postes comme les data scientist ou data analyst sont également très recherchés, avec des salaires pouvant rapidement atteindre les 45 000 euros bruts par an, sans grande expérience. “Cela s’explique notamment par l’implication grandissante des entreprises dans leur transformation digitale, analyse Pierre Lamblin, directeur du département études et recherches de l’Apec. Elles veulent donc recruter de nouvelles compétences, qui se font plutôt rares.” “Nous sommes dans une logique de marché d’offres et de demandes. Très concrètement, sur ce type de profils, il y a une pénurie de candidats aux compétences très spécifiques”, ajoute de son côté Emmanuel Chauvin. D’autres domaines sont porteurs comme ceux de la cybersécurité ou de la construction. “Après une période difficile, il y a une certaine embellie due notamment à la mise en oeuvre de projets comme le Grand Paris, analyse Pierre Lamblin. Mais il a toujours été difficile de recruter des chefs de chantier par exemple. Ce n’est pas un métier qui attire spontanément.”
CHANGER POUR ÉVOLUER
Si en globalité la rémunération des cadres a plutôt tendance à croître d’année en année, il faut avoir conscience que cela est davantage observé si vous changez de poste ou d’entreprise. C’est en tout cas le constat fait par l’Apec, dans son étude sur l’évolution de la rémunération des cadres publiée en septembre. Ainsi, les profils ayant rejoint une autre entreprise, représentant 7 % des cadres en poste, sont ceux qui sont les plus fréquemment augmentés. Ils sont ainsi 56 % à avoir déclaré une hausse de leur rémunération en rejoignant un nouvel employeur. À l’inverse, les cadres n’ayant pas connu de changement de poste ou de société ne sont que 43 % à avoir obtenu une progression salariale. “Il faut avoir conscience que ce n’est pas en restant dans son fauteuil que l’on obtiendra une hausse de salaire”, prévient Fabrice Coudray. Mais avec la conjoncture économique favorable, ils sont
“UNCHEFDEPROJET WEB-MARKETINGAVU SONSALAIRECROÎTRE DE5,5%EN2017”
“56% DES CADRE SONT OBSERVÉ UNE HAUSSE DE LEUR RÉMUNÉRATION EN REJOIGNANT UN NOUVEL EMPLOYEUR”
de plus en plus de cadres à envisager une mobilité,
qu’elle soit interne ou externe. “Les opportunités sont clairement plus importantes et les cadres le savent très bien. Quand la conjoncture est bonne, ils sont vraiment plus enclins au changement, surtout pour les profils de moins de 30 ans”, analyse Pierre Lamblin. Fabrice Coudray estime en effet que lorsqu’un cadre a décidé de changer d’entreprise, il est rapidement sollicité. “Généralement, quand un profil se met en recherche active, il est contacté pour plusieurs postes, assure-t-il. Ce dynamisme concourt à la guerre des talents et a donc un impact sur la rémunération.” Et bien qu’aujourd’hui le salaire ne soit plus for-
cément un élément déterminant pour choisir un nouveau poste, il reste toujours pris en compte par les cadres. “Clairement, ce n’est plus un élément discriminant. Les cadres vont privilégier
l’environnement de travail”, explique Emmanuel Chauvin. En témoigne l’étude sur les rémunérations effectuée par Robert Half dans laquelle 71 % des salariés interrogés placent l’intérêt du poste avant le salaire. Malgré tout, dans un contexte économique qui reprend des couleurs, les cadres voient leur rémunération grimper notamment grâce au variable. “Selon les entreprises et les postes, il peut augmenter de 10 % à 20 %. C’est très important et motivant pour un cadre. C’est
une manière pour l’entreprise de le fidéliser”, indique Fabrice Coudray. D’ailleurs, selon l’Apec, en 2016 un cadre sur deux voyait sa rémunération se composer d’une partie variable à court terme se formalisant le plus souvent par une prime sur objectifs (42 %), généralement fixée individuel
lement. “Donc si vous êtes dans une fonction en croissance, cette partie du salaire sera encore plus intéressante, ajoute Emmanuel Chauvin. Et en général, le variable offre un package attrayant avec des avantages en nature (mutuelle, voiture de fonction, etc.) qui ne sont pas négligeables et qui font partie intégrante de la rémunération.” Des éléments qui font qu’aujourd’hui les cadres restent plutôt optimistes pour les mois à venir. D’après les chiffres de l’Apec, en 2017 ils étaient 45 % à vouloir demander une augmentation et 35 % pensaient l’obtenir (contre 33 % l’année précédente). “La conjoncture actuelle semble présager que la tendance sera similaire voire à la hausse l’année prochaine, souligne Emmanuel Chauvin. Sauf s’il y a des impondérables que l’on ne peut pas encore mesurer.” Même constat pour Pierre Lamblin. Ce dernier estime que si la situation économique continue de s’améliorer “on peut faire l’hypothèse que les entreprises auront une marge de manoeuvre plus importante pour accorder des augmentations.”