Courrier Cadres

“NOUS AVONS COMMIS BEAUCOUP D’ERREURS”

Alexandre Gérard, président de Chrono Flex, est l’un des premiers promoteurs de l’entreprise libérée en France. Dès 2009, il a déployé des initiative­s pour rendre ses équipes plus autonomes. Analyse d’un cas pratique et des erreurs à éviter.

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Ne est pas l’un brûler des principaux les étapes conseils à appliquer pour faire du concept d’entreprise libérée un succès dans votre organisati­on. “Car la grande problémati­que reste que les dirigeants intéressés par cette idée vont s’y lancer sans vraiment prendre conscience des dangers que cela peut impliquer”, estime Alexandre Gérard, président de Chrono Flex, spécialisé dans la réparation et le dépannage de flexibles hydrauliqu­es. Pour le chef d’entreprise, 99 % des structures qui tentent l’expérience font des erreurs. “Elles ne sont pas forcément fatales, mais elles complexifi­ent la démarche”, insiste-t-elle. Parmi elles, figure le fait d’informer trop tôt ses équipes de la mise en place de l’entreprise libérée. “Quand vous annoncez le changement à une organisati­on vous risquez de la figer, assure Alexandre Gérard. La pratique montre que 70 % des collaborat­eurs vont mettre des freins à ce chan

gement.” Pour éviter ce cas de figure, le président de Chrono Flex conseille d’amorcer d’abord le changement à la tête de l’entreprise en testant les premières initiative­s et en travaillan­t sur le lâcherpris­e, notamment en se faisant accompagne­r par des coachs. Une condition sine qua non pour que l’entreprise libérée fonctionne.

FORMER POUR SE TRANSFORME­R

“Ensuite, il faut se pencher sur la culture d’entreprise et en l’occurrence sur la culture de confiance, affirme-t-il. Mais cela prend du temps, énormément de temps.” C’est une fois ces deux étapes bien établies que l’entreprise sera à même de se

pencher sur la transforma­tion de son organisa

tion. “Il est très important de ne pas commencer par ce point-là. Car s’attaquer à l’organisati­on de l’entreprise quand il s’agit d’une structure classique reste une véritable erreur. Simplement parce que déployer du collaborat­if du jour au lendemain dans l’entreprise, ça ne peut pas fonctionne­r”, explique Alexandre Gérard. Des constats que le dirigeant a effectués au regard de sa propre expérience. Au sein de Chrono Flex, les premières démarches liées à l’entreprise libérée ont vu le jour en 2009. “Nous avons commis

beaucoup d’erreurs. Il y a plein de choses qui n’ont pas fonctionné car nous nous y sommes mal pris, admet-il. Par exemple, nous avions mal anticipé les besoins de formation des équipes et notamment

des managers.” Un point pourtant fondamenta­l pour que l’ensemble des collaborat­eurs adhèrent à

la nouvelle organisati­on. “Laisser la décision aux équipes ou être dans un processus de co-décision, je pense sincèremen­t que c’est possible, affirme de son côté Damien Richard, enseignant-chercheur à l’Inseec Business School. Mais cela nécessite la mise en place d’une formation, d’une discussion

poussée autour du travail pour trouver le meilleur compromis pour travailler ensemble. C’est une démarche collective car aujourd’hui, il y a encore ce fantasme d’un leader, d’un capitaine

qui montre le cap et qui tranche.” Des formations d’autant plus nécessaire­s que les équipes ont besoin de clés pour gérer les potentiell­es tensions qui peuvent survenir. Alexandre Gérard l’assure, dès que des coachs et des formateurs ont été mis à dispositio­n de ses collaborat­eurs, le changement a été beaucoup plus rapide et plus simple. “Ne pas avoir compris ça plus tôt nous a fait perdre en efficacité”, souligne le président de Chrono Flex. Surtout, ce dernier insiste : "Il faut laisser suffisamme­nt de temps au changement. Il se fait au rythme des collaborat­eurs.”

UN TRAVAIL DE LONG TERME

L’autre erreur de Chrono Flex a été de sous-estimer le rôle de l’équipe dirigeante. “Nous n’avions pas pensé que nous pouvions être un frein à la transforma­tion. Car même si nous voulions changer, pendant 15 ans nous étions dans une organisati­on classique. Cela ne peut donc pas se faire du jour au lendemain”, confie-t-il. Surtout, il est nécessaire que la tête de l’entreprise change de posture et sache que son rôle n’est plus de contrôler. “Quand on est une entreprise libérée, le patron n’est plus celui qui décide. Son rôle s’apparente davantage à celui du jardinier qui offre le meilleur environnem­ent pour que les plantes poussent dans de bonnes conditions”, affirme Alexandre Gérard. Une métaphore qui illustre bien un point essentiel : le bonheur ne doit pas être un objectif de l’entreprise libérée mais une conséquenc­e. Surtout, cela montre que l’entreprise libérée est une logique de long terme

et qu’il ne faut pas se précipiter. “Pour reprendre l’image du jardinier, si vous voulez du jus de pomme vous avez deux solutions : la première, vous pressez les pommes jusqu’à obtenir ce que vous voulez, détaille Alexandre Gérard avant

d’ajouter : La seconde, vous plantez les fruits et laissez le temps au pommier de grandir, ce qui peut prendre trois ou quatre ans. L’entreprise libérée c’est ça : s’inscrire dans une logique de long terme.” Et donc laisser le temps aux équipes de s’adapter.

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