L’OISEAU EN CAGE
Sur le papier, le projet est beau. Qui pourrait dire non aux promesses d’une meilleure reconnaissance des collaborateurs, à la prise d’initiatives, à la culture de la confiance plutôt que du contrôle, à une structure hiérarchique plate ? Pourtant, les critiques de l’entreprise libérée se multiplient. Et si, finalement, il ne s’agissait que d’un mirage de plus ? Et si les équipes se retrouvaient enfermées de manière plus insidieuse, se pensant libres mais en réalité bridées lorsqu’il s’agit de véritablement sortir du cadre ? Comme dans une cage de verre. Il faut dire que dans certaines entreprises, ces jolis mots ont fini par se retourner contre les directions, soupçonnées d’utiliser l’entreprise libérée comme un prétexte pour réduire les effectifs. Quelles que soient leurs intentions réelles, dans tous les cas, le coup de com’ peut coûter cher. La belle aventure peut effectivement virer au cauchemar lorsque le changement culturel s’est fait dans la précipitation, même pour de bonnes raisons. Ni toutes les directions, ni toutes les équipes ne sont véritablement prêtes à franchir le pas. Car il est plus facile de crier haut et fort que l’on est libre, que d’en assumer les conséquences. La cage de verre, ce sont aussi ces limites que l’on se fixe à soi-même, comme l’illustre le décathlonien Kevin Mayer qui fait la couverture et le grand entretien de ce numéro. L’athlète est allé chercher au fond de lui-même les ressources pour décrocher dans la douleur sa médaille d’or aux championnats du monde d’heptathlon début mars : “Pendant la course, je n’ai pas considéré qu’il m’était permis d’avoir l’argent. Dans ces cas-là, le corps écoute énormément le cerveau et l’intensité baisse si on se laisse une porte de sortie !” C’est dans l’adversité que se forgent les grands champions. En matière de dépassement de soi comme de liberté, tout est une question de cran.
Aline Gérard Rédactrice en chef