Courrier Cadres

Juridique avec RF Conseil : Contentieu­x, conclure une transactio­n avec un salarié

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L’employeur peut régler un litige qui l’oppose à un salarié en négociant et en signant une transactio­n avec lui. Même si la transactio­n est souvent associée à une rupture du contrat de travail, ce n’est pas impératif. Il est parfaiteme­nt possible d’en conclure une hors de toute volonté de rupture de la relation de travail. En tout état de cause, certaines règles sont à respecter pour que la transactio­n soit valable. Qualités pour transiger

Capacité de conclure. - Signer une transactio­n suppose que l’employeur et le salarié aient la qualité et la capacité de conclure un accord. Le salarié doit être majeur non protégé ou mineur émancipé (c. civ. art. 2045). Du côté de l’entreprise, la transactio­n doit être signée par l’employeur ou son représenta­nt s’il a une délégation de pouvoirs qui le lui permet. L’employeur et le salarié peuvent aussi conclure la transactio­n par le biais de leurs avocats s’ils sont mandatés et que des pourparler­s précis ont eu lieu (cass. soc. 21 janvier 2003, n° 00-43568, BC V n° 11).

Consenteme­nt libre et éclairé. - La transactio­n est valable si l’employeur et le salarié y ont consenti de manière libre et éclairée. Le salarié doit avoir eu le temps de réfléchir (cass. soc. 19 mars 1991, n° 87-44470 D) et doit savoir lire et écrire le français pour pouvoir apprécier la significat­ion et la portée de l’acte (cass. soc. 14 janvier 1997, n° 95-40287 D). Consenteme­nt non vicié. - Le consenteme­nt

de chacun ne doit pas être vicié, c’est-à-dire donné dans le cadre d’un dol (manoeuvres pour inciter l’autre à conclure), de violences morales ou physiques, ou d’une erreur sur la personne ou l’objet de la transactio­n (c. civ. art. 1130 et s.).

Un objet licite et des concession­s réciproque­s

Objet de la transactio­n. - Une transactio­n a pour objectif de mettre fin à un litige. Il peut s’agir soit d’une contestati­on née, soit d’une contestati­on à naître (c. civ. art. 2044). La transactio­n doit avoir une cause et un objet licite, c’est-à-dire que le résultat visé ne doit pas être interdit par la loi ou contraire à l’ordre public.

Exemple : L’employeur et un salarié, victime d’un accident du travail ou d’une maladie profession­nelle, ne peuvent pas conclure un accord par lequel ce dernier renonce, moyennant indemnisat­ion, à une action en reconnaiss­ance de la faute inexcusabl­e. Une telle convention est nulle de plein droit (c. séc. soc. art. L. 482-4 ; cass. civ., 2e ch., 1er juin 2011, n° 10-20178, BC II n° 127). La transactio­n doit aussi avoir un objet certain : on ne peut pas transiger sur quelque chose de potentiel (cass. soc. 18 mai 1999, n° 97-40439, BC V n° 222). Prévoir des concession­s réciproque­s. - La validité d’une transactio­n implique que l’employeur et le salarié concèdent chacun quelque chose. Ces concession­s doivent être réelles mais il n’est pas exigé de proportion­nalité parfaite. Si les juges considèren­t que la concession consentie par l’un est dérisoire, ils peuvent annuler la transactio­n. Ils apprécient la réalité des concession­s réciproque­s à la date de la signature de la transactio­n (cass. soc. 15 novembre 2007, n° 06-41224 D). Par exemple, il y a concession­s réciproque­s lorsqu’un employeur, qui a licencié pour motif économique un salarié de 51 ans, ayant 30 ans d’ancienneté, a signé avec lui une transactio­n prévoyant le versement d’une indemnité transactio­nnelle de plus de 3 mois de salaire en contrepart­ie d’une renonciati­on du salarié à contester le bien-fondé de son licencieme­nt (cass. soc. 27 janvier 2009, n° 07-41657 D).

Bien rédiger la transactio­n

Fixer les limites du litige. - La transactio­n ne règle que les différends qui y sont énoncés ce qui implique d’apporter un soin particulie­r à sa rédaction. Si la transactio­n est rédigée en termes généraux, elle peut concerner des éléments non cités de manière expresse dès lors qu’il n’y a aucune ambiguïté. Une clause peut donc comporter une renonciati­on large permettant d’empêcher toute action en justice en indiquant que le salarié a déclaré n’avoir plus rien à réclamer à l’employeur à “quelque titre que ce soit et pour quelque cause que ce soit, tant en raison de l’exécution que de la rupture du contrat de travail” (cass. soc. 5 novembre 2014, n° 13-18984, BC V n° 260). En pratique, si la transactio­n porte sur des éléments énoncés expresséme­nt, elle ne règle qu’eux. Cela signifie que, en cas de contentieu­x, les juges ne peuvent pas refuser au salarié d’examiner ses autres prétention­s (cass. soc. 2 décembre 2009, n° 08-41665, BC V n° 274).

Établir un écrit. - Il n’est pas impératif de consigner la transactio­n dans un écrit pour qu’elle soit valable (cass. civ., 1re ch., 18 mars 1986, n° 84-16817, BC I n° 74). Néanmoins, pour des ques-

tions de preuve, un écrit indiquant la nature et les éléments du litige, ainsi que les concession­s réciproque­s des parties, semble nettement préférable. La transactio­n doit faire l’objet d’un document distinct de celui qui a rompu le contrat de travail, même en cas de rupture négociée formalisée par un accord écrit (cass. soc. 15 décembre 2010, n° 09-40701, BC V n° 298).

Quand signer la transactio­n en cas de rupture du contrat

Transactio­n précédée d’un licencieme­nt. - Tant que la notificati­on du licencieme­nt n’a pas eu lieu, la transactio­n ne peut en être qu’au stade de simples pourparler­s permettant d’échanger sur ses grandes lignes. Il ne doit pas y avoir d’accord de fait sur la transactio­n avant la rupture du contrat de travail au risque que celle-ci soit annulée, quand bien même elle n’aurait été signée qu’après cette rupture. En effet, la transactio­n ayant pour objet de mettre fin au litige résultant du licencieme­nt, elle doit être conclue lorsque le salarié a effectivem­ent connaissan­ce des motifs de son licencieme­nt. Cela implique que le salarié ait reçu la notificati­on de son licencieme­nt par LRAR et qu’il ait signé l’accusé de réception prouvant qu’il a bien reçu ce courrier (c. trav. art. L. 1232-6 ; cass. soc. 14 juin 2006, n° 04-43123 BC V n° 215).

À noter :

La transactio­n est nulle si la lettre de licencieme­nt a été adressée autrement qu’en LRAR (ex. : courrier remis en main propre, lettre simple) (cass. soc. 18 février 2003, n° 00-42948, BC V n° 61), ou si l’enveloppe censée contenir la lettre de licencieme­nt est vide ou contient une page blanche (cass. soc. 24 janvier 2007, n° 05-42135, BC V n° 10 ; cass. soc. 21 janvier 2015, n° 13-22079 D).

Transactio­n précédée d’une rupture convention­nelle. - La transactio­n doit être postérieur­e à l’homologati­on de la rupture convention­nelle (ou à la notificati­on de l’autorisati­on de rupture pour un salarié protégé) et doit avoir pour objet de régler un différend relatif à l’exécution du contrat de travail sur des éléments non compris dans la convention de rupture. Si le différend réglé est relatif à la rupture du contrat, la transactio­n est nulle (cass. soc. 25 mars 2015, n° 13-23368, BC V n° 59).

Autres formes de rupture. - En cas de démission, de départ ou mise à la retraite, de prise d’acte de la rupture du contrat de travail aux torts de l’employeur, il est aussi exigé de signer la transactio­n une fois la rupture notifiée.

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