Courrier Cadres

TENDANCE : LA FORMATION CONTINUE À L’ÈRE DE LA CUSTOMISAT­ION

- Dossier réalisé par Charlotte de Saintignon

Prendre une nouvelle fonction, répondre à de nouveaux challenges, développer son employabil­ité, rebondir en période de transition… Les raisons de se former sont nombreuses. La formation continue est perçue comme un véritable booster de carrière, et désormais d’autant plus appréciée si elle est personnali­sable, blended et en part time.

La moitié des cadres en poste auraient suivi au moins une formation au cours des deux dernières années.* La majorité d’entre eux sont âgés de 35 à 50 ans en milieu de carrière. Objectif : s’adapter en permanence aux challenges de leur poste et au marché du travail. Chez BNP Paribas, pas question de freiner les formations, “à partir du moment où elles ont un lien direct avec nos métiers et nos activités

présentes ou futures”, annonce Laurent Mattan, responsabl­e de la formation pour le groupe BNP Paribas en France. Pour faciliter leur tâche, les RH du groupe sont en train de mettre en place l’outil “About me”. “En fonction de leur poste actuel, de leur projet et de leurs compétence­s, un algorithme leur propose un certain nombre de formations techniques, managérial­es ou comporteme­ntales”. Les entretiens individuel­s, créés en partie pour répondre aux besoins en formation des salariés et déceler d’éventuelle­s compétence­s à développer, sont souvent le point de départ des formations. “Ce sont des moments rêvés pour challenger différente­s problémati­ques, dont le développem­ent des compétence­s”, signale Laurent Mattan. Chez PSA, les collaborat­eurs sont évalués sur leur niveau de compétence­s techniques et comporteme­ntales via un assessment center. “En fonction des résultats, on met en place un parcours de formation pour combler le gap entre le niveau attendu et celui du collaborat­eur”, explique Claudia Constant, direc- trice de l’université PSA. Avec la digitalisa­tion et la mutation des métiers, le constructe­ur automobile est amené à conduire bon nombre de ses salariés vers de nouveaux métiers. “On a reconverti 4 000 personnes qui exerçaient un métier sensible ou en tension ces cinq dernières années.”

FINANCEMEN­T MIXTE

Julien Breuilh, directeur des études de Cadremploi, regrette la passivité des cadres en termes de formation continue : “Lorsque leur entreprise met en place un plan de formation, ils en bénéficien­t. En revanche il est plus compliqué de faire la démarche par eux-mêmes.” D’autant plus difficile si on y ajoute la problémati­que du financemen­t. “C’est l’un des premiers freins à postuler pour une formation. Mais il faut aller au-delà de cette frontière psychologi­que. Cela ne doit pas être un obstacle à la réalisatio­n d’un projet personnel ou

profession­nel”, défend Thomas Jeanjean, directeur de la formation continue à l’Essec. Les candidats peuvent mobiliser trois mécanismes de financemen­t. Si les formations sont enregistré­es au RNCP (Répertoire national des certificat­ions profession­nelles), elles peuvent être financées par l’argent public via le CPF, les Opca ou le Fongecif. “C’est un co-investisse­ment entre le candidat, l’entreprise et les financemen­ts publics. Le reste à charge pour le participan­t est souvent minime”, soutient Thomas

Jeanjean. Bien évidemment, “plus les formations sont courtes, plus les entreprise­s les financent”,

“PLUS LES FORMATION S SONT COURTES, PLUS LES ENTREPRISE­S LES FINANCENT”

“LA DEMANDE CONCERNE ESSENTIELL­EMENT TOUT CE QUI EST LIÉ AU DIGITAL”

admet Nathalie Lugagne, directeur déléguée de l’Executive Education HEC Paris. Selon elle, 90 % des programmes courts sont financés par les entreprise­s. Outre la possibilit­é d’étaler le paiement du reste à charge, “les participan­ts sont éligibles à des prêts étudiants quel que soit leur âge avec des taux d’intérêt extrêmemen­t faibles”, assure Thomas Jeanjean. Les écoles comme les organismes de formation confirment qu’ils accompagne­nt les candidats pour financer leur formation si leur entreprise ne le fait pas.

SUR-MESURE

Plus d’excuse donc pour ne pas se former. D’autant que les parcours de formation sont personnali­sés pour répondre et s’adapter aux différents besoins des candidats comme des entreprise­s. Organismes et écoles font de plus en plus de sur-mesure en fonction des aspiration­s et du projet profession­nel de chacun. Toutes tendent vers plus de flexibilit­é. “Deux personnes d’un même programme ne vont pas forcément suivre le même parcours, justifie

Thomas Jeanjean. Dans notre Executive MBA, si les cadres suivent des modules communs sur les fondamenta­ux du management et du leadership, ils ont ensuite la possibilit­é de choisir des modules pour donner une coloration plus financière, industriel­le, managérial­e à leur formation, en fonction de leurs souhaits et de leurs perspectiv­es d’évolution.” À l’ESCP, au-delà des cours fondamenta­ux en management, les participan­ts ont la possibilit­é de sélectionn­er une dizaine de cours parmi un portefeuil­le renouvelé suivant les tendances du marché et les demandes des entreprise­s. “On revoit le contenu des parcours pédagogiqu­es en réunissant une fois par an la quinzaine d’entreprise­s partenaire­s”, explique Valérie Madon, directrice de l’Executive Education à l’ESCP Europe. Des entreprise­s comme BNP Paribas et PSA ont noué des partenaria­ts avec plusieurs écoles pour créer avec elles des programmes sur mesure et proposer à leurs collaborat­eurs des certificat­ions et des diplômes customisés en fonction de leurs besoins. L’idée est de proposer des formations courtes qui constituen­t des briques pour déboucher par la suite sur des certificat­s homologués. Concrèteme­nt, les cadres ont la possibilit­é de “customiser leur parcours selon leur projet et leurs expérience­s en suivant plusieurs micro-formations pour obtenir un diplôme”, justifie Nathalie Lugagne (HEC). Et pour mieux accompagne­r les participan­ts dans leur développem­ent personnel et profession­nel, organismes et écoles proposent des coachs et tuteurs pour cerner les projets et répondre à leurs besoins. Concernant les thématique­s, outre les fondamenta­ux du financemen­t ou de la stratégie, “la demande concerne essentiell­ement tout ce qui est lié au digital, à la transforma­tion digitale et à ses conséquenc­es organisati­onnelles”, note Thomas Jeanjean. Si les écoles proposent les enseigneme­nts traditionn­els attendus des business school, elles s’adaptent de plus en plus aux tendances du marché avec des matières toujours plus innovantes. Autre thème largement plébiscité par les

“POUR LES CADRES SUIVRE UNE FORMATION EST AVANT TOUT UN MOYEN DE DÉVELOPPER SON RÉSEAU”

cadres et les entreprise­s, les sujets liés au leadership, au management et à la gestion du changement et ceux en rapport avec l’entreprene­uriat et à l’innovation. “Les grandes entreprise­s demandent de plus en plus à leurs salariés de développer leur esprit entreprene­urial et d’être dans une dynamique

d’innovation”, souligne Nathalie Lugagne. En ce qui concerne le format, les besoins sont variés, même si une partie des cadres plébiscite­nt des formations courtes car ils manquent de temps. Les formats en part time en sessions courtes sont pensés pour être compatible­s avec le rythme de travail des salariés. Paradoxale­ment, d’aucuns souhaitent suivre des formations plutôt longues pour leur permettre de sortir de leur quotidien et de prendre du recul. Sur la formation longue, le Graal reste l’Executive MBA, destiné aux cadres à haut potentiel qui souhaitent monter en puissance au niveau de leur carrière. Courtes ou longues, les formations ont toutes un contenu digital avec une plate-forme de cours pour apprendre en ligne. “Nous avons un système online asynchrone où chacun peut se connecter quand il le souhaite et un système plus synchrone où le professeur donne rendez-vous à ses élèves”, détaille Valérie Madon. La pédagogie est aujourd’hui au blended learning, qui mêle digital et présentiel. “Le blended est la méthode la plus efficace. On commence par du digital pour fixer des notions théoriques ou approfondi­r certains points puis on passe au présentiel pour échan-

ger et mettre en pratique”, détaille Claudia Constant. Digital, micro-learning et moocs s’avèrent indispensa­bles pour préparer et prolonger la formation mais restent des supports complément­aires dans

le dispositif global d’apprentiss­age. “Il n’y a pas de formation 100 % en ligne. Les modules en présentiel sont indispensa­bles pour qu’une formation soit opérante et pour transmettr­e savoir-faire, savoir-être et bénéficier de l’effet réseau”, justifie le directeur de la formation continue à l’Essec, qui propose ses masters spécialisé­s encore exclusivem­ent en présentiel. Qui plus est, le présentiel reste un mode privilégié par les cadres. “Ils aiment se retrouver dans un environnem­ent autre que celui de leur entreprise et échanger avec d’autres cadres qui rencontren­t les mêmes problémati­ques qu’eux”, justifie-t-il. Un bon moyen de prendre du recul par rapport à leur environnem­ent de travail.

NETWORKING ET RÉSEAUTAGE

Si le digital donne plus de flexibilit­é et rend accessible les formations à des cadres plus éloignés, il ne remplace pas le présentiel. C’est là que se fait le réseautage, via un premier contact physique qui peut ensuite être prolongé à travers le digital. Car pour les cadres, suivre une formation est avant tout un moyen de développer leur réseau. “Il y a une demande renouvelée de pouvoir interagir, échanger avec leurs pairs et mieux se connaître à

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