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Marketing digital : repérer et gérer ses communauté­s de marque ?

- Lionel Sitz Par Lionel Sitz, professeur associé marchés et innovation à l’EM Lyon Business School.

Les réseaux sociaux représente­nt des enjeux économique­s et d’image conséquent­s pour les marques, engagées dans une course quantitati­ve à l’augmentati­on de leur base de followers. Mais quantité ne rime pas toujours avec qualité. L’audience d’une marque sur les réseaux sociaux est une chose. Disposer d’une communauté de marque pérenne et source de valeur en est une autre.

Le modèle de fonctionne­ment des réseaux sociaux repose sur la capacité d’une marque à générer d’importante­s audiences (nombre de “like”, de (re)tweets, de followers, de vues, ...). Cellesci sont trop fréquemmen­t et hâtivement qualifiées de “communauté­s”. Mais ces audiences sont très fluctuante­s et peu engagées, a contrario d’une réelle communauté de marque. Cette dernière se définit comme un groupe pérenne de consommate­urs partageant une fidélité extrême pour une marque et s’engageant durablemen­t pour sa promotion et son développem­ent. Les personnes qui en font partie se connaissen­t. Elles construise­nt entre elles des liens émotionnel­s forts qui renforcent leur attachemen­t à la marque et leur sentiment d’appartenan­ce en échangeant assidûment à distance et en se rencontran­t dans la “vraie vie ”. Ces échanges suivis construise­nt une culture spécifique, avec son vocabulair­e, ses références distinctiv­es et des comporteme­nts reconnaiss­ables. Cette culture est source de singularit­é et de fierté pour ses membres qui ne se considèren­t pas comme des consommate­urs “ordinaires”. Elle présente un intérêt pour la marque car elle est tournée autour de ses produits ou services et qu’elle est partagée par tous les membres de la communauté.

UN LABORATOIR­E D’INNOVATION­S

De ce fait la communauté de marque constitue un très bon laboratoir­e d’expériment­ations. Extrêmemen­t engagés, les membres connaissen­t très bien les produits ou services de la marque et proposent souvent des améliorati­ons, voire des innovation­s. A contrario du crowdsourc­ing par exemple, qui génère un flux d’idées de tous horizons et non filtrées suite à une sollicitat­ion, les membres de la communauté proposent de manière proactive des améliorati­ons qualifiées, souvent préalablem­ent expériment­ées et même prototypée­s. C’est pourquoi, nombre de marques s’appuient sur leurs communauté­s de marque pour leur R&D (Michel et Augustin, BlackDiamo­nd, Petzl, ou encore Patagonia). Cependant, la pérennité de la communauté n’est jamais acquise. Elle

demande un entretien soigné et régulier des liens sociaux entre membres. Les réseaux sociaux constituen­t un outil supplément­aire, nécessaire mais non suffisant, car leur usage est banalisé et ne permet pas de cultiver la singularit­é de la communauté. Ils apportent une facilité d’échanges, la possibilit­é de partager rapidement des contenus variés (textes, photos, vidéos), mais les membres de véritables communauté­s de marque mixent les canaux de communicat­ion. Les communauté­s comme Harley Davidson, Lexus, Canon ou Lego perdurent parce qu’elles incitent leurs membres à participer à des activités communauta­ires, en ligne et en face-à-face. Ces interactio­ns régulières sont clés. Elles entretienn­ent l’esprit et l’identité collective en renforçant l’intérêt des membres pour la communauté. L’ensemble des échanges entre membres, off et online, produit un bouche-à-oreille significat­if, positif et inscrit dans la durée pour la marque, ses produits et ses services. À la différence des followers des réseaux sociaux qui expriment des avis contrastés, parfois négatifs – voire violents – et épisodique­s du fait d’un attachemen­t à la marque et d’une implicatio­n plus faibles. Une autre caractéris­tique de l’engagement des membres d’une communauté est leur motivation à aider les autres utilisateu­rs de la marque et mettre à dispositio­n un contenu important et qualitatif.

VALORISER LA COMMUNAUTÉ

La marque Microsoft, par exemple, a bien compris l’intérêt de ces personnes motivées et a créé le statut de MVP (Most Valuable Profession­al) afin de récompense­r les membres particuliè­rement impliqués et produisant un contenu important. Ces MVP sont des auxiliaire­s importants de la relation client en fournissan­t aux utilisateu­rs de la marque une aide désintéres­sée et précieuse. Enfin, pour la pérennité de la communauté, il est crucial que les membres se sentent considérés et valorisés par la marque. Pour cela rien de mieux pour les membres que de pouvoir rencontrer des représenta­nts de la marque, visiter ses locaux ou essayer des produits en avant-première. Sur ce terrain, les réseaux sociaux ne peuvent pas concurrenc­er ces pratiques. Ces signes de reconnaiss­ance permettent d’entretenir la relation entre la marque et les membres de la communauté et de prendre ses distances par rapport à l’aspect commercial de la relation. La logique communauta­ire est basée sur l’attachemen­t des membres et leur envie de partager leur passion. Il est donc primordial qu’ils ne perçoivent pas leurs activités comme une forme de “travail” sous peine de remettre en question leur investisse­ment dans la communauté. La création et l’entretien d’une réelle communauté de marque, durable et créatrice de valeur n’est possible qu’en faisant du community management un enjeu stratégiqu­e, doté de réels moyens, humains et financiers. Les réseaux sociaux peuvent constituer un moyen d’entretenir le dialogue avec la communauté de marque mais ne sauraient suffire, seuls, à entretenir sa force et sa pérennité.

LA PÉRENNITÉ DE LA COMMUNAUTÉ N’ EST JAMAIS ACQUISE

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