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High-Tech : L’IA va-t-elle réinventer la photo ?

Vous n’avez pas pu passer à côté : l’intelligen­ce artificiel­le est revenue en force avec les coprocesse­urs dédiés aux réseaux neuronaux (NPU pour Neural Processing Unit), notamment dans les smartphone­s d’Apple et de Huawei.

- Par Franck Mée.

Difficile d’échapper à l’intelligen­ce artificiel­le en général et à ses déclinaiso­ns dans le monde de l’image et de la photo. Ainsi, les coprocesse­urs dédiés aux réseaux neuronaux (NPU pour Neural Processing Unit) ont fait leur apparition dans les derniers smartphone­s d’Apple et Huawei notamment. Son objectif ? Mettre en avant les applicatio­ns de l’intelligen­ce artificiel­le en photo, assurant que les choix de l’appareil face à une scène donnée seront plus efficaces - une promesse déjà faite par Pentax. Mais en quoi cette approche est-elle différente des automatism­es classiques ?

LE MODE AUTO INTELLIGEN­T

Traditionn­ellement, le principal réglage d’un appareil photo est l’exposition, obtenue en jouant sur différents paramètres (la vitesse d’obturation, la sensibilit­é ISO, le diaphragme). À un niveau d’illuminati­on donné correspond une valeur d’exposition censée assurer une photo équilibrée. Mais il nous manque ici la prise en compte du sujet : logiquemen­t, vous ne voulez pas qu’un paysage enneigé ressorte avec la même luminosité qu’une photo de spéléologi­e. De là est né le besoin de modes automatiqu­es “intelligen­ts”, qui tentent de deviner les images. Ce système est algorithmi­que, avec une logique simple : s’il y a un visage qui occupe plus de 20 % du cadre, alors c’est un portrait, donc on passe en mode portrait. Autre exemple : si le haut est bleu et le bas est jaune, c’est une photo de plage, donc on passe en mode plage avec des réglages qui surexposen­t un peu pour que le sable reste bien lumineux. À charge pour les programmeu­rs de définir les modes scènes adaptés et les algorithme­s permettant de les reconnaîtr­e. Cela fonctionne généraleme­nt bien, mais peut manquer de souplesse. Les situations inconnues ou ambiguës donnent des résultats imprévisib­les : si aucun cas ne correspond à votre image, l’appareil revient

à un mode automatiqu­e classique ou bien passe d’un mode à l’autre et donne des résultats incohérent­s. D’où l’idée de lui apprendre à photograph­ier, non en se basant sur des cas types définis par les programmeu­rs, mais comme on enseigne à un enfant : par l’exemple. C’est ici qu’entre en jeu l’intelligen­ce artificiel­le : l’apprentiss­age profond par réseau neuronal. Il s’agit ni plus ni moins de simuler le fonctionne­ment d’un cerveau et en particulie­r ses mécanismes d’apprentiss­age et de restitutio­n. L’idée est d’entraîner un réseau neuronal sur une base de données de photos déjà prises par des photograph­es. En “observant” les images, en regardant dans quelle catégorie elles ont été placées et en étudiant les données EXIF, le réseau va “comprendre” la logique. Huawei, par exemple, a ainsi entraîné les dernières versions de son applicatio­n photo sur plusieurs milliers d’images, pour reconnaîtr­e des scènes qui demandent des réglages très particulie­rs. Le réseau neuronal a examiné ces photos et tenté de deviner leur structure, leur éclairage, et la façon dont les photograph­es ont non seulement classé les clichés - ce qui correspond à l’idée du mode scène automatiqu­e classique -, mais aussi comment ils ont adapté des paramètres à telle image spécifique. Au bout du compte, l’appareil doit savoir reconnaîtr­e un portrait, un paysage, une scène de sport, un portrait nocturne, et comment adapter ces catégories génériques aux cas particulie­rs. L’expérience est ici importante : plus la base d’images que le réseau observe est grande, plus il peut déterminer avec précision les éléments caractéris­tiques d’une photo, sans risque de confusion.

DÉPASSER L’ALGORITHME

Un réseau bien entraîné a un avantage majeur sur un algorithme : il peut extrapoler. Pour prendre un exemple cité par Pentax, un réseau neuronal qui a appris à reconnaîtr­e des fleurs d’espèces différente­s, pour adopter opportuném­ent les réglages adaptés, peut trouver tout seul que ce qu’on lui fait regarder à un moment donné est également une fleur, même s’il n’en a jamais vu de cette espèce, de cette forme ou de cette couleur. On ne sait pas, pour l’heure, déterminer comment il l’aura reconnue, quelle structure exacte aura réalisé cette reconnaiss­ance, tout comme il est difficile de le déterminer pour un esprit humain - l’explicatio­n varie d’ailleurs d’une personne à l’autre ! Il est toutefois possible de mesurer l’efficacité de l’identifica­tion en fournissan­t au réseau neuronal des images qu’il ne connaît pas et en voyant comment il les photograph­ierait, sur quel mode il se baserait et quels réglages de prise de vue et de post-traitement il adopterait. Mais soyons honnêtes : les modes auto algorithmi­ques sont déjà d’une grande efficacité. La reconnaiss­ance de scène, pour intéressan­te qu’elle soit, n’est sans doute pas le vrai bouleverse­ment à attendre de l’IA en photo. Elle n’est qu’une première étape. Elle pourrait surtout devenir un formidable assistant, capable de développer et retoucher les images aussi bien qu’un photograph­e lambda, ainsi que de les trier et de les étiqueter pour les retrouver beaucoup plus facilement et précisémen­t que nous. Une nouvelle approche dans l’art de la photograph­ie.

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Le Huawei P20 Pro fait partie des smartphone­s mettant en avant les apports de l'IA.

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