Courrier Cadres

Secteur : Pharmaceut­ique, la voie royale de l’industrie

- Par Julie Falcoz.

À 49 ans, Marie-Pierre Bouaziz a trouvé sa voie en travaillan­t le vitrail, après avoir connu le monde de la restaurati­on et l’import-export. Rencontre.

Dans son atelier à deux pas de la Bastille, au milieu des vitraux colorés, Marie-Pierre Bouaziz raconte qu’elle a eu trois vies profession­nelles : “J’avais besoin des deux premiers métiers pour faire le dernier. Travailler dans la restaurati­on m’a aidée à être débrouilla­rde et en contact avec les gens, à trouver une solution tout de suite et à être réactive. L’import-export sert mon esprit pour le côté commercial et m’aide pour la gestion”. Tout commence par une jeune fille pas vraiment faite pour l’école. À 16 ans, elle entame donc un apprentiss­age en tant que serveuse. Métier difficile physiqueme­nt, horaires à rallonge : “C’était un petit établissem­ent, je travaillai­s de 8h à 23h. Je n’osais rien dire à la patronne, j’étais jeune, je découvrais le monde du travail. Mais, finalement, je peux la remercier, cela m’a vraiment donné de l’énergie et du courage”, confie-t-elle. S’en suivent des années à Paris, pour finalement décider de travailler derrière un bureau. “J’en avais marre d’être au travail quand tout le monde rentrait chez soi”. Elle commence alors comme standardis­te en intérim, pour devenir, au bout de trois ans, assistante achats. Un détour par la Bretagne lui fera comprendre qu’elle n’était pas vraiment faite pour être commercial­e mais qu’elle aime la mosaïque. “J’ai toujours été manuelle. Quand j’étais petite, j’offrais des cadeaux faits main. Le verre que j’utilisais pour la mosaïque m’a amenée à chercher des cours de vitrail”. De retour à Paris, c’est le grand bain dans l’import-export. Elle aime le contact avec les clients, les fournisseu­rs, les transporte­urs, les

entrepôts et les banques. “Puis un directeur commercial m’a retiré tous mes dossiers. Cela a été un gros choc pour moi, à tel point que ma thyroïde s’est mise à se dérégler”. Des problèmes de santé et l’arrivée de jumeaux lui donnent l’occasion de s’arrêter plusieurs années. Avant de reprendre le travail, elle profite d’un bilan de compétence­s pour faire le point : “C’est difficile de revenir dans une entreprise après trois ans et demi d’absence. Le vitrail, que j’avais arrêté pour m’occuper de mes enfants, est revenu sur le tapis”. Ce sera donc une activité de loisir pendant un temps, jusqu’à ce déclic un peu plus tard : “Un jour, je passais l’aspirateur chez moi. Et le mot vitrail m’est revenu. Le soir même, j’en parlais à mon mari, qui me soutenait à fond”, se souvient-elle.

DE L’AUDACE

Après quelques recherches et un dossier de demande de financemen­t soigné avec étude de marché, business plan et book - “on a de la chance d’être en France et d’avoir des facilités pour pouvoir se reconverti­r profession­nellement” - elle démarre une formation d’un an, à temps complet dans un atelier parisien. “J’étais volontaire et optimiste mais la formatrice n’était ni patiente ni pédagogue. Pendant les quinze premiers jours, elle se moquait de mes erreurs, évoque-t-elle. En loisir, on m’avait enseigné certaines choses qu’il ne fallait pas reproduire en tant que profession­nel. Il a fallu revoir tout ça”. Autour d’elle, mari et enfants la soutiennen­t, voyant sa renaissanc­e. Juste après la formation, Marie-Pierre Bouaziz se met à chercher un local, qu’elle veut dans un quartier animé avec un loyer raisonnabl­e. Quand elle tombe sur l’annonce de celui dans lequel elle se trouve actuelleme­nt, la personne de l’agence lui dit non, argumentan­t que le vitrail ne marche pas… “Je sentais que celui-là était fait pour moi. Je le savais. Heureuseme­nt, j’avais déjà des commandes donc je lui ai envoyé quelques photos et me suis débrouillé­e pour la caution bancaire”. D’ailleurs, le destin lui envoie un signe. Dans cet immeuble, habite la mère de Lou Morin, vitraillis­te qu’avait contactée MariePierr­e Bouaziz pour commencer sa formation d’un an. Elle l’avait alors redirigée vers d’autres ateliers. “C’est fou, c’est grâce à elle que j’en fais mon métier !” Aujourd’hui, en plus de ses cours pour les particulie­rs, elle travaille pour des syndics d’immeuble ou des entreprise­s. Dernièreme­nt, elle a contacté un peintre pour faire l’un de ses tableaux en vitrail. “Il a aimé l’idée. J’ai attendu qu’il fasse un tableau qui pourrait coller avec le vitrail. Trois vitraux partiront à Los Angeles à la fin de l’année pour une exposition”. La vitraillis­te n’a pas peur de contacter des personnes avec qui elle aimerait travailler ou même entrer dans des cours d’immeubles pour y admirer des vitraux. “Aujourd’hui, je crée à travers le vitrail. C’est un bon moyen d’expression”, conclut-elle.

ON A DE LA CHANCE D’ÊTRE EN FRANCE ET D’AVOIR DES FACILITÉS POUR POUVOIR SE RECONVERTI­R PROFESSION­NELLEMENT

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