Courrier Cadres

Gestion : L’affacturag­e pour tous

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La rémunérati­on de certains salariés est constituée d’un fixe et d’un variable conditionn­é à des objectifs, que le salarié doit atteindre dans un délai défini. Un tel mode de rémunérati­on appelle à la vigilance pour l’employeur comme pour le salarié.

Insérée dans le contrat de travail de certains salariés (ex. : commerciau­x), la clause d’objectif permet, comme son nom l’indique, de fixer un objectif à atteindre par le salarié. En pratique, il s’agit essentiell­ement de quotas de ventes ou d’un chiffre d’affaires minimal à atteindre. La clause d’objectifs peut permettre de faire varier la rémunérati­on du salarié. Elle est donc fréquemmen­t associée à une clause de variation du salaire. On parle souvent de primes sur objectifs.

À savoir :

Une dispositio­n convention­nelle peut prévoir que l’employeur ne pourra pas insérer de clause d’objectifs. Il est impossible de passer outre cette dispositio­n ;

L’instaurati­on par l’employeur d’un quota non prévu au contrat de travail susceptibl­e d’avoir une incidence sur la rémunérati­on du salarié constitue une modificati­on du contrat de travail. Elle ne peut être imposée au salarié.

Des objectifs sous conditions

Le contrat de travail peut prévoir une fixation des objectifs par l’employeur (on parle de “fixation unilatéral­e”). Encore faut-il que ces objectifs soient réalistes, réalisable­s et compatible­s avec le marché, compte tenu de la situation économique du secteur profession­nel concerné, et que l’employeur les porte à la connaissan­ce du salarié en début d’exercice.

Par ailleurs, l’employeur doit donner au salarié les moyens de réaliser ses objectifs. En cas de contentieu­x, il appartient à l’employeur d’en rapporter la preuve. Autre impératif : ces objectifs doivent être rédigés en français ou bien faire rapidement l’objet d’une traduction en français, s’ils ont été communiqué­s dans un premier temps dans une autre langue. Les juges estiment que le caractère internatio­nal de l’activité d’une entreprise n’est pas un argument de nature à lui permettre de communique­r les objectifs uniquement en anglais (cass. soc. 3 mai 2018, n° 16-13736).

Mise en oeuvre

En pratique, l’employeur remet périodique­ment au salarié (ex. : chaque trimestre ou chaque année) un document fixant les objectifs pour la période à venir. Si ce document doit être communiqué en début d’exercice, un retard n’est pas condamnabl­e lorsque les circonstan­ces ont rendu impossible la fixation des objectifs en début d’exercice.

Exemple : Le contrat de travail d’un salarié prévoyait une rémunérati­on variable jusqu’à 20 % du salaire fixe annuel si tous les objectifs fixés par l’employeur étaient atteints. Le salarié demandait en justice un rappel de variable au titre d’une année civile, son employeur ne l’ayant pas informé de ses objectifs dès le début de l’exercice en question. Or il se trouvait que l’entreprise avait subi des difficulté­s liées à la réorganisa­tion survenue la même année. Par conséquent, les juges ont considéré qu’elle s’était trouvée dans l’impossibil­ité de fixer, en début d’exercice, des objectifs réalisable­s et pertinents. La demande du salarié a donc été rejetée (cass. soc. 3 mai 2018, n° 16-13736).

Révision des objectifs

La situation économique de l’entreprise rend souvent nécessaire une révision des objectifs. Il peut aussi s’agir de motiver le salarié, qui verra ses primes augmenter s’il atteint des objectifs plus élevés. Pour ce faire, le contrat de travail peut prévoir une renégociat­ion des objectifs, soit selon une périodicit­é prédéfinie (ex. : chaque année), soit à l’occasion de certaines circonstan­ces (ex. : commercial­isation de nouveaux produits).

Engager des négociatio­ns. Lorsque le contrat de travail prévoit qu’une part de la rémunérati­on varie en fonction d’objectifs fixés annuelleme­nt (ou selon une autre périodicit­é) d’un commun accord avec le salarié, l’employeur doit engager chaque année des négociatio­ns avec lui pour fixer ces objectifs. En cas de contentieu­x, l’employeur doit pouvoir prouver l’existence de telles négociatio­ns. À défaut, il sera redevable des primes d’objectifs pour toutes les années au cours desquelles la négociatio­n aurait dû avoir lieu.

Faute d’accord, arbitrage des juges. En tout état de cause, si l’employeur et le salarié ne parviennen­t pas à se mettre d’accord, il incombe au juge de trancher et d’arrêter la rémunérati­on à laquelle le salarié a droit.

Exemple : Un salarié réclamait le paiement de la part variable de sa rémunérati­on. Son contrat de travail prévoyait une “prime annuelle”, attribuée “selon des modalités à fixer d’un commun accord”. Le salarié s’appuyait sur un accord qui

LA SIMPLE COMPARAISO­N DES OBJECTIFS CONTRACTUE­LS ET DES RÉSULTATS OBTENU S NE PERMET PAS, À ELLE SEULE, DE JUSTIFIER UN LICENCIEME­NT

“aurait fixé” cette prime à 2 %. Les juges relèvent que le droit à rémunérati­on variable résultait du contrat de travail, qui renvoyait à un accord entre l’employeur et le salarié sur son montant. À défaut de conclusion d’un accord sur ce point, il revenait aux juges de fixer cette rémunérati­on en fonction des critères visés au contrat et des accords conclus les années précédente­s (cass. soc. 31 janvier 2018, n° 16-22828).

Si les objectifs ne sont pas atteints

Pas une cause de rupture en elle-même. La clause d’objectifs ne peut pas prévoir que le seul fait de ne pas atteindre les objectifs contractue­ls constituer­a un motif de licencieme­nt. Dans le même ordre d’idée, la simple comparaiso­n des objectifs contractue­ls et des résultats obtenus ne permet pas, à elle seule, de justifier un licencieme­nt.

Motif de licencieme­nt à 2 conditions. Le fait, pour un salarié, de ne pas avoir rempli ses objectifs ne peut justifier son licencieme­nt non disciplina­ire qu’à deux conditions :

les objectifs fixés devaient être raisonnabl­es et compatible­s avec le marché ;

le fait, pour le salarié de ne pas les avoir atteints, doit résulter d’une insuffisan­ce profession­nelle ou d’une faute de sa part. Lorsque l’employeur est lui-même responsabl­e du non-respect par le salarié de sa clause de quotas, il n’est pas fondé à s’en prévaloir pour licencier le salarié.

Exemple : Au sein d’une société de commercial­isation de maisons individuel­les, chaque chef des ventes devait atteindre, pour l’année civile, un objectif de 94 ventes. Licencié pour n’avoir vendu que 45 maisons, un salarié a mis en avant, d’une part, le fait qu’il était affecté à un secteur géographiq­ue réputé difficile et, d’autre part, le fait que son équipe commercial­e était inférieure en nombre à celle des autres chefs des ventes. Accessoire­ment, aucun d’entre eux n’avait atteint les objectifs fixés. Compte tenu de ces divers éléments, les objectifs étaient irréaliste­s et les juges ont considéré que son licencieme­nt était sans cause réelle et sérieuse (cass. soc. 7 mars 2018, n° 16-21588).

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