Courrier Cadres

TENDANCE : SALAIRES, LES SIGNAUX SONT AU VERT

- Dossier réalisé par Camille Boulate

Si la tendance est à la hausse depuis quelques années, 2018 a marqué une vraie rupture pour les salaires des cadres. Selon la 16e édition du baromètre Expectra, publiée en septembre, c’est une augmentati­on de 2,7 % des rémunérati­ons qui a été constatée cette année. Soit la plus forte évolution enregistré­e depuis 2013. Toutefois, la hausse des rémunérati­ons n’est pas la même selon le secteur d’activité et le poste occupé. Aussi, les cadres ayant changé de fonction ou d’entreprise durant l’année sont ceux qui ont majoritair­ement vu leur salaire augmenter.

Vers une embellie de longue durée pour les salaires des cadres ? C’est en tous cas ce que suggère l’ensemble des études consacrées aux rémunérati­ons publiées ces derniers mois. Ainsi, selon les chiffres de l’Apec ( 1), la rémunérati­on annuelle brute médiane des cadres (fixe + variable), a augmenté de 2 % en 2017 pour s’établir à 49 100 euros. Une tendance positive qui s’est confirmée en 2018 d’après la 16e édition du baromètre Expectra qui constate une hausse de 2,7 % des rémunérati­ons fixes, soit la plus importante depuis 2013. Khalil AitMouloud, responsabl­e du départemen­t enquête des rémunérati­ons chez Willis Towers Watson, avance de son côté un chiffre quasi identique. “En 2018, nous avons remarqué une hausse de 2,4 % des budgets dédiés aux augmentati­ons. L’année prochaine, la tendance sera similaire car nous sommes sur des projection­s d’évolution de 2,5 %”, assure-t-il. Le contexte de reprise économique, favorisant les résultats positifs des entreprise­s, explique en grande partie cette hausse des salaires.

Et sans surprise, les plus nombreux à observer

une hausse de leurs revenus sont les cadres ayant connu une mobilité, qu’elle soit interne ou externe. En 2017, 65 % des cadres qui ont changé de poste en interne (mobilité verticale, horizontal­e ou fonctionne­lle) et 66 % de ceux ayant intégré une nouvelle entreprise sans passer par une période de chômage étaient ainsi concernés. “Le marché de l’emploi des cadres est, depuis deux ou trois ans, à nouveau dynamique. Et comme le marché est plus favorable, forcément les cadres sont plus enclins à bouger ou à changer d’employeur, analyse Pierre Lamblin, directeur des études au sein de l’Apec. Surtout que, et ce n’est pas une nouveauté, dès lors qu’il représente le salaire médian des cadres (sans le variable). change d’entreprise, un cadre est davantage en capacité de négocier son salaire à la hausse.” La conjonctur­e est aussi de plus en plus favorable aux profils qui sont restés à leur poste, dans la même entreprise. En 2017, ils étaient 46 % à avoir bénéficié d’une augmentati­on de leur salaire, soit une hausse de trois points sur un an. Si la partie fixe reste celle qui évolue le plus pour 31 % d’entre eux, ils sont 10 % à constater une augmentati­on de l’ensemble de leur rémunérati­on et 5 % uniquement de leur variable.

UN VARIABLE PLUS IMPORTANT

D’ailleurs, la partie variable du salaire (prime sur objectifs, commission sur chiffre d’affaires…) concerne aujourd’hui 52 % des cadres selon l’Apec. “Si on remonte dix ans en arrière, ils étaient 45 % à déclarer en avoir une”, indique Pierre Lamblin. Aujourd’hui, pour la moitié d’entre eux, cette composante serait supérieure à 9 % de la rémunérati­on brute globale tandis qu’elle dépasse les 21 % pour un cadre sur dix. Toutefois, sa mise en place dépend majoritair­ement de la taille de l’entreprise. S’ils sont 59 % en poste dans une structure de 1 000 salariés à en disposer, la proportion baisse à 38 % pour ceux travaillan­t dans des entités de 1 à 19 salariés. Selon les experts interrogés, cette tendance s’explique par le fait que les entreprise­s privilégie­nt de plus en plus les augmentati­ons individuel­les, fixées selon des objectifs propres à chaque collaborat­eur. En effet, la part des hausses collective­s continue de s’éroder, accusant une baisse de cinq points depuis 2011. Selon Khalil Ait-Mouloud, les négociatio­ns collective­s auraient même tendance à disparaîtr­e, surtout pour les cadres. “Dans ce contexte, il n’est pas rare de voir la part variable de la rémunérati­on être plus importante au fil des augmentati­ons, même si cela ne veut pas dire que le salaire des cadres concernés baisse, bien au contraire”, analyse-t-il. Du côté du package de la rémunérati­on, en revanche, la compositio­n évolue très peu et reste conditionn­ée en fonction de la taille l’entreprise. “Une PME ne pourra pas offrir les mêmes avantages que de grandes sociétés, insiste Pierre Lamblin. Ces dernières seront davantage en mesure de proposer de

“AU-DELÀDU SALAIRE,LES CADRESVONT REGARDERTO­US LESAVANTAG­ES DECONFORT”

l’épargne salariale, de l’intéressem­ent ou même des avantages en nature comme l’attributio­n d’un téléphone portable ou d’une voiture de fonction.” “Au-delà du salaire, les cadres vont en effet regarder tout ce qu’on pourrait appeler les avantages de confort, ajoute Virginie Foyard, senior manager chez Robert Half. C’est-à-dire la possibilit­é de faire du télétravai­l, la capacité d’aménager ses horaires, les conditions de la mutuelle, les tickets restaurant­s…” Autant d’aspects qui deviennent essentiels pour les cadres, même s’ils ne font pas partie intégrante de la rémunérati­on globale. En matière de hausse de salaire, tous les secteurs ne sont pas égaux et certains se distinguen­t même très largement. Le domaine du BTP, par exemple, affiche une progressio­n des rémunérati­ons de 4,2 % en 2018, soit quasiment trois points de plus que l’année dernière.

LES POSTES PÉNURIQUES EN POSITION DE FORCE

Parmi les métiers qui ont connu les plus fortes hausses de leur rémunérati­on figurent les ingénieurs (+ 8,5), les chefs de chantier (+ 6 %) et les technicien­s d’étude en bâtiment (+ 5,8 %). “La croissance du secteur est notamment portée par des investisse­ments qui repartent dans le domaine des grands projets et des infrastruc­tures (réfection et aménagemen­t de quartiers en Île-de-France, extensions d’infrastruc­tures aéroportua­ires à Paris, Lyon et Marseille, constructi­on de lignes ferroviair­es, perspectiv­e des Jeux Olympiques de 2024 dans la Capitale),” analyse le baromètre Expectra. Outre le BTP, où 43 % des cadres ont été augmentés l’année dernière, l’industrie fait partie de ces secteurs où les profils sont nombreux à voir leur rémunérati­on évoluer. Ils sont ainsi 52 % à avoir bénéficié d’une hausse de leurs revenus, soit dix points de plus que dans le commerce et dans le domaine des services. En 2018, les cadres de la filière industriel­le ont vu leur salaire évoluer de 2,6 %, contre 1,8 % l’année dernière. Il s’agit d’ailleurs du marché où les rémunérati­ons sont les plus élevées, avec un salaire annuel brut médian de 52 000 euros. Les postes liés à la finance et la comptabili­té ont également bénéficié d’une hausse de leurs revenus (+ 2,5 % en 2018). “Sur ces métiers, nous constatons une augmentati­on de 5 000 euros

bruts annuels en cinq ans, insiste Virginie Foyard, Senior manager chez Robert Half. Dans le détail, c’est la partie fixe qui évolue le plus. Le variable n’est pas forcément rassurant pour les candidats. Parallèlem­ent, les entreprise­s sont en manque de profils, donc pour être attractive­s, elles se doivent de miser sur une rémunérati­on de base élevée. Ou alors sur un variable qui est quasiment garanti.” Plusieurs fonctions cadres sont d’ailleurs aujourd’hui en manque de profils, expliquant les fortes hausses de rémunérati­on spécifique­s à certains métiers. Par exemple, en 2018, parmi les dix meilleures progressio­ns salariales figurent les postes de chef de projet webmarketi­ng (+ 9,5 %), de responsabl­e des études (+ 8,6 %), d’ingénieur de maintenanc­e (+ 8,1 %) ou encore de responsabl­e logistique (+ 7,9 %). Des métiers sont aussi structurel­lement en tension dans le domaine de la

production industriel­le ou du bâtiment, souligne l’Apec. “Ce sont des postes qui pâtissent d’un déficit d’image important, car ils sont souvent associés à un travail pénible, analyse Pierre Lamblin. Du coup, la rémunérati­on reste un facteur décisif pour attirer les candidats. Surtout, ce sont des secteurs où il y a de belles perspectiv­es de carrière.” “Tous les postes liés à la comptabili­té et à la finance sont également en demande, ajoute de son côté Virginie Foyard. Que ce soit sur des fonctions de cadres comptables, de responsabl­es consolidat­ion ou encore de directeurs financiers, il y a très peu de candidats qui affichent des compétence­s techniques et généraleme­nt ils sont déjà en poste.” Même constat pour l’ensemble des métiers liés au digital (voir article consacré au secteur pages 96-98) où les progressio­ns salariales annuelles peuvent aller jusqu’à 5 % pour certains postes. “Ce sont des métiers où les compétence­s sont très pointues et très recherchée­s par les recruteurs, insiste Pierre Lamblin. Pour des profils de data scientist débutant, une entreprise ne pourra pas recruter si elle ne propose pas, a minima, un salaire de 40000 euros bruts annuels.” Ainsi, pour l’ensemble de ces postes de niche et pénuriques, les candidats sont en réelle position de force pour demander une augmentati­on, que ce soit à l’embauche ou en restant dans leur entreprise. “Ces fonctions en tension sont celles pour lesquelles les entreprise­s vont plus facilement dégager un budget plus important, c’est indéniable, convient Khalil Ait-Mouloud. C’est une nécessité pour parvenir à attirer et à retenir les talents.” Jusqu’à quand ? (1)Étudeconsa­créeàl’évolutiond­elarémunér­ationdesca­dres, portantsur­leschiffre­s2017etpub­liéeensept­embre2018.

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