Argent : Loi Pacte, l’épargne retraite enfin attirante ?
Ce projet de loi devrait changer la donne en unifiant les dispositifs d’épargne retraite autour de règles communes plus attirantes pour les souscripteurs. Avec plus de souplesse pour échapper à la sortie en rente, issue classique à l’âge de la retraite.
Avec 200 milliards d’euros d’encours contre 1 700 pour l’assurance-vie, l’épargne retraite peine à séduire les Français. La faute à la multitude de produits proposés. Entre Perco, Perp, Madelin, Préfon, article 83, etc., difficile en effet de s’y retrouver. D’autant que chacun dispose de ses propres règles tant en matière de versements que de sortie ou de fiscalité. Mais tout cela devrait changer d’ici fin 2019 grâce à la loi Pacte (“Plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises”) adoptée en première lecture fin septembre dernier. Elle devrait simplifier l’accès à ces solutions et harmoniser leurs modalités de fonctionnement pour en faire “un produit phare” de l’épargne des particuliers.
Convergence des produits actuels dans un seul cadre : le PER
Conscient de devoir améliorer la lisibilité de ces dispositifs, le gouvernement a donc prévu de les regrouper au sein d’une même enveloppe dite “Plan d’épargne retraite” (PER). Elle se composera de trois compartiments qui abriteront respectivement les actuels plans d’épargne retraite collectifs (Perco), et plans d’épargne retraite collectifs ciblés sur certaines catégories de salariés (article 83, article 39) ainsi que les actuels produits d’épargne retraite individuels (Perp, contrat Madelin Préfon…). “Le PER ne sera donc pas un produit d’épargne retraite unique”, prévient Xavier Collot, directeur de l’épargne salariale et retraite chez Amundi, “mais le rassemblement à l‘intérieur d’une même structure de différents dispositifs fonctionnant selon les mêmes règles”. Car, et c’est là précisément la grande nouveauté de cette réforme, tous les supports d’épargne retraite existants verront leurs règles unifiées. À commencer par la généralisation de leur “portabilité”. . Actuellement, transférer un produit retraite vers un autre n’est en effet possible que s’il s’agit de deux dispositifs de même nature (par exemple, deux Perco…). Seule exception : le Perp qui peut déjà recevoir des fonds émanant d’un contrat Madelin ou d’un article 83 moyennant des frais relativement importants. Avec la loi Pacte, cette portabilité sera autorisée quelle que soit l’enveloppe. Mieux, “les frais de transfert
seront plafonnés à 1 % pour les contrats de moins de cinq ans et supprimés pour ceux plus âgés”, explique Odette Cesari, directrice épargne retraite entreprise d’AXA France. “Grâce à cette extension de la portabilité, les épargnants pourront faire jouer la concurrence entre les professionnels de la gestion d’actifs en regroupant l’ensemble de leurs encours sur le produit qu’ils jugent le mieux géré”, poursuit-elle. . Parmi les autres changements annoncés, l’élargissement des cas de déblocage anticipé. “En plus de certains événements exceptionnels comme le décès de son conjoint ou l’invalidité, il sera dorénavant possible de récupérer son argent en cas d’achat de sa résidence principale”, détaille Xavier Collot (mais seulement la primo accession). C’est la nouveauté essentielle : au moment de liquider leur produit retraite, les épargnants auront désormais le choix entre une sortie en rente ou en capital. Excepté le Perco qui propose déjà cette alternative, tous les autres produits imposent encore la mise en place d’une rente viagère. “Cette mesure est une véritable révolution car elle lève l’un des principaux freins de l’épargne retraite. À savoir la peur des particuliers de perdre le capital ainsi constitué en cas de décès prématuré dans les premières années suivant la fin de leur vie active”, souligne Odette Cesari. Mais attention, insistet-elle, ce droit à sortir en capital ne concernera “que les encours constitués à partir de versements volontaires ou issus de l’épargne salariale comme le Perp, le Madelin ou encore le Perco”. Ceux nés de versements obligatoires de la part de l’entreprise comme l’article 83 resteront pour leur part soumis à la règle de la sortie en rente. . Elle deviendra le mode de gestion proposé par défaut dans le cadre des produits retraite. Sauf décision contraire du souscripteur, son épargne sera fortement investie en actions dans les premières années de sa vie professionnelle puis progressivement sécurisée à l’approche de sa retraite. “Là encore, c’est une évolution majeure car jusqu’à présent la gestion par défaut appliquée consistait à privilégier une allocation sécuritaire dans des supports monétaires ou des fonds en euros. D’où des allocations peu adaptées à l’horizon lointain de préparation de la retraite”, note Odette Cesari.
TOUSLES SUPPORTSD’ÉPARGNE RETRAITEEXISTANTS VERRONTLEURSRÈGLES UNIFIÉES
La fiscalité reste à revoir
Séduisante à première vue, cette réforme (qui n’entrera pas en vigueur avant 2020) laisse en suspens des questions de taille. La fiscalité tout d’abord. Celle-ci sera-t-elle aussi harmonisée pour s’appliquer à tous les dispositifs d’épargne retraite avec les mêmes règles notamment pour la déductibilité des versements volontaires ? Rien pour le moment n’a encore été tranché. En effet, il faudra attendre la publication d’une ordonnance prévue postérieurement au vote définitif de la loi qui n’interviendra pas avant le printemps 2019. L’autre interrogation porte sur le sort des contrats en cours. La loi concernera-t-elle uniquement les nouveaux produits ouverts à l’avenir ou tous entreront-ils dans le champ de la réforme quelle que soit leur date de souscription ? Réponse dans quelques mois.