High-Tech : Les smartphones chinois cassent la baraque
Si elles sont encore difficilement prononçables pour beaucoup de gens, les marques Huawei, Xiaomi, Oppo et autres OnePlus sont parvenues à se faire un nom sur le marché des smartphones en venant bousculer les Samsung et Apple sur leur pré carré.
Il faut y voir un signe. En passant devant Apple deux trimestres de suite, Huawei poursuit sa longue marche en direction du sommet du marché mondial des smartphones, toujours occupé par le coréen Samsung. Et si la première place est l’objectif affiché du fabricant de Shenzhen, il n’est pas le seul groupe chinois dans le top 5 mondial. Xiaomi et Oppo pointent depuis de nombreux mois aux quatrième et cinquième positions. Peu connus en dehors du marché chinois, ces deux fabricants se lancent désormais à l’assaut de l’Europe. L’un et l’autre ont débarqué au printemps dernier en France, avec la fâcheuse envie d’en découdre. Mais avec deux stratégies différentes. Xiaomi s’attaque à l’entrée et au milieu de gamme, quand Oppo joue la carte de la différenciation en ciblant le marché premium.
FINI L’ÉPOQUE DES “ME TOO“
“Les utilisateurs de téléphones européens sont plus ouverts aux nouvelles marques, en particulier sur le segment de l’entrée et du milieu de gamme. Les succès de Huawei et de Wiko en sont un exemple”, explique Roberta Cozza, analyste chez Gartner. Xiaomi surfe sur cette nouvelle vague en parvenant en quelques mois à faire mouche avec des appareils au bon rapport qualité/prix. D’autres marques espèrent également faire la différence, à l’image de OnePlus ou encore d’Honor, la marque online et geek de Huawei. Mais qu’est-ce qui fait la force des marques chinoises ? “Les marques chinoises ont des avantages en termes de structure de coûts : elles sont en mesure de réagir rapidement aux tendances du marché. Depuis peu, elles se développent également pour générer des tendances. Elles dépassent désormais les produits ‘Me Too’ et pro-
posent des smartphones de qualité”, remarque Roberta Cozza. Chronologiquement, Huawei est le premier à s’être imposé. Il a réussi à se faire un nom sur le marché des réseaux télécoms avant de s’attaquer aux terminaux. Lentement, mais sûrement, la marque a glissé vers le milieu de gamme, en proposant des fiches techniques solides pour des tarifs très agressifs. Aujourd’hui, ses smartphones n’ont plus grand-chose à envier à ceux d’Apple ou Samsung, à l’image d’un Mate 20 Pro ou d’un P20 Pro. Les autres marques espèrent pouvoir en faire autant. Longtemps comparée à Apple, Xiaomi est une entreprise un peu à part qui a attaqué le marché français avec le Redmi Note 5, un smartphone à moins de 200 € qui rivalise avec beaucoup d’appareils 100 € plus chers. Comment y arrive-t-il ? Le fabricant s’est engagé à ne pas dépasser 5 % de marge sur ses produits, ce que ne peuvent pas se permettre la plupart de ses concurrents - il se rattrape sur les services. OnePlus a de son côté savamment orchestré sa communication en sachant créer une attente fébrile autour de ses smartphones. Il fut l’un des premiers à proposer des appareils dignes des fleurons des Samsung, LG ou Sony à des prix très compétitifs. OnePlus est parvenu en quelques années à devenir le roi du smartphone premium au meilleur rapport qualité/prix. Une image dont il reconnaît être un peu prisonnier. “Se démarquer de cette notion de rapport qualité/prix, c’est notre difficulté aujourd’hui”, explique Akis Evangelidis, le vice-président France. “Notre vision a toujours été de faire des flagships [des ‘porte-étendard’ en français, NDLR]. Avec des composants toujours plus chers, des clients toujours plus exigeants, nos prix augmentent au fur et à mesure”, poursuit-il. C’est un peu la même chose chez Oppo, qui partage les mêmes actionnaires que OnePlus, avec son smartphone Find X vendu 1 000 €. “Nous avons une stratégie de montée en gamme”, explique Mylène Poncet, la responsable marketing de la marque en France. “Nous voulons créer un effet waouh et faire le buzz autour de notre technologie grâce au Find Xet nous ferons du volume avec nos autres produits”. L’idée est d’asseoir la marque en France et d’augmenter sa notoriété.
HUAWEI, UNE MENACE ?
Y a-t-il une limite à cette expansion chinoise ? Leur puissance inquiète. Et comme le déclare Thomas Husson, analyste chez Forrester, “Huawei est une véritable machine de guerre”. L’actuel numéro deux mondial fait face à un tir de barrage gouvernemental au moment où la 5G pointe son nez. Leader mondial des télécoms, le chinois a en effet été exclu de certains gros marchés d’infrastructures aux États-Unis, en Australie et en Nouvelle-Zélande. En France, l’entreprise est scrupuleusement observée. En cause ? La crainte d’un espionnage d’État mis en place par Pékin à travers ces équipements. En février dernier, les responsables de la CIA, de la NSA et du FBI ont déconseillé d’utiliser des smartphones Huawei. Et fin décembre, le président américain a une nouvelle fois émis l’idée d’un embargo sur ses produits. Sur un autre registre, Xiaomi a dû s’expliquer après que certains possesseurs de téléphones de la marque se sont plaints de devoir supporter l’affichage de publicités sur leurs terminaux. La branche française a toutefois indiqué que ce service n’était pas actif en France… pour le moment. Le marché des smartphones a le don de créer des surprises. Les géants d’hier ne sont plus ceux d’aujourd’hui. Et les groupes chinois pourraient bien être à l’origine d’un nouveau syndrome Nokia avec la migration vers la 5G.
L’ ACTUEL NUMÉRO DEUX EUX MONDIAL FAIT FACE À UN TIR DE BARRAGE GOUVERNE MENTAL AUMOMENTOÙLA5G POINTESONNEZ