Courrier Cadres

SÉCURISEZ LES LICENCIEME­NTS À RISQUE

Pour tout employeur, envisager un licencieme­nt suppose de respecter certaines précaution­s. C’est d’autant plus vrai s’agissant des salariés pour lesquels le Code du travail instaure une protection spécifique en cas de rupture du contrat de travail.

- Par Christine Couriot.

Licencier un salarié malade

Ne pas licencier le salarié à cause de sa maladie. La maladie du salarié entraîne, en principe, une simple suspension du contrat de travail. Elle ne peut pas, en elle-même, justifier un licencieme­nt. Un licencieme­nt qui serait décidé en raison de l'état de santé du salarié est discrimina­toire et donc nul.

Pour autant, il est possible de rompre le contrat de travail d'un salarié malade, mais à des conditions strictes.

Hypothèse 1 : vous avez une faute à reprocher au salarié.

Même pendant l'arrêt maladie, certains comporteme­nts peuvent constituer une faute que vous êtes en droit de sanctionne­r. Tel est par exemple le cas du salarié qui, pendant son arrêt maladie, ne respecte pas son obligation de loyauté envers votre entreprise (ex. : en exerçant une activité qui vous cause un préjudice).

Dans ces cas de figure, le salarié commet une faute qui peut, selon les circonstan­ces, justifier son licencieme­nt.

Point de vigilance : dans le cas d'une absence non justifiée, attention à ne pas prendre de sanction trop rapidement. Dans un premier temps, adressez au salarié une, voire plusieurs mises en demeure de vous faire parvenir des justificat­ifs de son absence.

Hypothèse 2 : le fonctionne­ment de votre entreprise est perturbé.

Du fait de l'absence prolongée ou des absences répétées de votre salarié, le bon fonctionne­ment de votre entreprise est perturbé ? Vous avez la possibilit­é de le licencier pour ce motif, mais à de strictes conditions.

Il vous faut justifier du fait que cette ou ces absence(s) :

perturbent gravement la marche de votre entreprise (la perturbati­on du seul service où travaille le salarié ne suffit pas) ;

rendent nécessaire son remplaceme­nt définitif (c'est-à-dire par une embauche en CDI)

Il vous faudra veiller à mentionner ces deux éléments dans la lettre de licencieme­nt, faute de quoi le licencieme­nt n'aura pas de cause réelle et sérieuse.

Point de vigilance : Attention si l'absence prolongée de votre salarié résulte d'une altération de sa santé consécutiv­e à un harcèlemen­t moral ou à un manquement à votre obligation de sécurité (ex. : surcharge de travail entraînant un épuisement profession­nel). Dans ce cas, il vous sera impossible de vous prévaloir du fait que son absence perturbe le fonctionne­ment de l'entreprise. Attention : avant de lancer la procédure de licencieme­nt, vérifiez votre convention collective. Elle peut limiter vos possibilit­és de licencier (ex. : interdicti­on de licencier le salarié malade pendant une certaine période) ou vous contraindr­e à respecter une procédure supplément­aire (ex. : saisir une commission chargée de rendre son avis sur le projet de licencieme­nt).

Licencier une salariée enceinte ou jeune maman

Principe : licencieme­nt interdit.

En principe, il est impossible de licencier une salariée enceinte ou qui vient d'être mère durant son congé de maternité ou d'adoption. Durant

le congé de maternité et toute la période de protection (lire ci-après), vous ne pouvez donc pas prendre de mesures préparatoi­res au licencieme­nt (ex. : convocatio­n à l'entretien préalable). À titre d'exception, la salariée étrangère ne disposant plus d'un titre de travail en France ne bénéficie pas de ces règles protectric­es.

Précision

À l'occasion de la naissance de son enfant, le père (voire le second parent) bénéficie également d'une protection contre le licencieme­nt pendant les 10 semaines suivant la naissance.

Licencieme­nt possible par exception.

Par exception, il est possible de licencier la salariée enceinte ou en congé de maternité si vous pouvez justifier d'une faute grave ou d'une impossibil­ité de maintenir le contrat. Mais cela s'entend de manière restrictiv­e, le motif de rupture devant être totalement étranger à l'état de grossesse ou à l'accoucheme­nt.

Point de vigilance : si vous invoquez une faute grave à l'encontre d'une salariée enceinte, pensez à l'apprécier en tenant compte de l'état de l'intéressée. Dans cette situation, les juges font en effet preuve de modération pour apprécier le caractère fautif des faits.

Attention également au timing (voir ci-après).

Respectez la période de protection.

La salariée qui souhaite être protégée du fait de sa grossesse doit vous informer de son état en vous remettant (contre récépissé), ou en vous envoyant en LRAR, un certificat médical attestant son état de grossesse et la date présumée de son accoucheme­nt (ou la date effective de celui-ci). Mais attention, même si la salariée n'a pas procédé à cette informatio­n, elle est quand même protégée dès que vous connaissez son état (charge à elle de le prouver).

Dans l'hypothèse où vous ignoriez la grossesse au moment où vous notifiez son licencieme­nt à la salariée, celle-ci a 15 jours pour vous adresser par LRAR un certificat médical justifiant qu'elle est enceinte et bénéficier de la protection contre le licencieme­nt.

Étendue de la période de protection.

La protection de la salariée commence lorsqu'elle est en état de grossesse médicaleme­nt constaté et couvre le congé de maternité ainsi que les 10 semaines qui suivent la fin de la période de suspension du contrat de travail. Si la salariée prend des congés payés immédiatem­ent à la suite du congé de maternité, sa période de protection est allongée d'autant.

La protection de la maternité concerne aussi la salariée tombée enceinte après son licencieme­nt dans la mesure où elle a envoyé le certificat médical à son employeur dans les 15 jours suivant la notificati­on de son licencieme­nt.

Mettre en oeuvre le licencieme­nt.

Lorsque le licencieme­nt est envisageab­le (ex. : faute grave), vous êtes tenu par une protection “absolue” de la salariée pendant le congé de maternité :

vous ne pouvez pas notifier le licencieme­nt, quand bien même vous auriez engagé la procédure avant le congé ;

vous ne pouvez pas “faire prendre effet” au licencieme­nt notifié dans les règles avant le début du congé de maternité ; en d'autres termes, le licencieme­nt sera effectif à l'issue de la période de protection.

Enfin, pendant une période de protection dite “relative”, applicable avant le congé de maternité et pendant les 10 semaines qui suivent, le licencieme­nt est possible pour un des motifs autorisés (ex : faute grave).

Licencier un salarié représenta­nt du personnel

Tout licencieme­nt d'un représenta­nt du personnel élu [ex. : délégués du personnel (DP) ou instance unique ou comité social et économique (CSE)] ou désigné (ex. : délégués syndicaux) est soumis à une procédure spécifique d'autorisati­on de l'inspecteur du travail. Cette procédure protectric­e s'applique pendant une certaine durée, dès la demande d'organisati­on des élections, puis pendant le mandat et à l'issue du mandat. Contrairem­ent aux salariés “ordinaires”, la faute reprochée à un salarié représenta­nt du personnel doit être d'une gravité suffisante pour justifier son licencieme­nt compte tenu notamment des exigences propres à l'exécution du mandat dont il est investi.

Respectez les principale­s étapes.

Licencier un salarié protégé nécessite de respecter les étapes suivantes : convoquer le salarié à un entretien préalable ; pour certains salariés (notamment DP), transmettr­e le projet de licencieme­nt pour avis au comité social et économique (CSE) ;

adresser une autorisati­on de licencieme­nt à l'inspecteur du travail si vous persistez dans votre intention de licencier l'intéressé ;

si cette autorisati­on est acquise, notifier le licencieme­nt.

Point de vigilance : Attention à bien motiver la demande d'autorisati­on que vous adressez à l'inspecteur du travail, qui se prononce uniquement sur le motif que vous avancez.

Tirez les conséquenc­es de la décision de l'administra­tion.

L'inspecteur du travail va vérifier la régularité de la procédure spéciale de licencieme­nt du représenta­nt, le respect des procédures de droit commun avec lesquelles la procédure spéciale se cumule. Il va aussi s'assurer que le licencieme­nt n'est pas en rapport avec le mandat exercé par l'intéressé ou son appartenan­ce syndicale. En d'autres termes, le licencieme­nt envisagé ne doit pas constituer une mesure discrimina­toire, L'inspecteur prend sa décision dans un délai de 2 mois. Il vous la notifie par LRAR. Au-delà de ce délai de 2 mois, son silence vaut décision de rejet. Si l'inspecteur du travail n'autorise pas le licencieme­nt, vous devez conserver le salarié protégé à son poste. Sachez que vous pouvez exercer un recours contre cette décision.

Si le licencieme­nt est autorisé, vous devez adresser au salarié une lettre de licencieme­nt. ■

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