SÉCURISEZ LES LICENCIEMENTS À RISQUE
Pour tout employeur, envisager un licenciement suppose de respecter certaines précautions. C’est d’autant plus vrai s’agissant des salariés pour lesquels le Code du travail instaure une protection spécifique en cas de rupture du contrat de travail.
Licencier un salarié malade
Ne pas licencier le salarié à cause de sa maladie. La maladie du salarié entraîne, en principe, une simple suspension du contrat de travail. Elle ne peut pas, en elle-même, justifier un licenciement. Un licenciement qui serait décidé en raison de l'état de santé du salarié est discriminatoire et donc nul.
Pour autant, il est possible de rompre le contrat de travail d'un salarié malade, mais à des conditions strictes.
Hypothèse 1 : vous avez une faute à reprocher au salarié.
Même pendant l'arrêt maladie, certains comportements peuvent constituer une faute que vous êtes en droit de sanctionner. Tel est par exemple le cas du salarié qui, pendant son arrêt maladie, ne respecte pas son obligation de loyauté envers votre entreprise (ex. : en exerçant une activité qui vous cause un préjudice).
Dans ces cas de figure, le salarié commet une faute qui peut, selon les circonstances, justifier son licenciement.
Point de vigilance : dans le cas d'une absence non justifiée, attention à ne pas prendre de sanction trop rapidement. Dans un premier temps, adressez au salarié une, voire plusieurs mises en demeure de vous faire parvenir des justificatifs de son absence.
Hypothèse 2 : le fonctionnement de votre entreprise est perturbé.
Du fait de l'absence prolongée ou des absences répétées de votre salarié, le bon fonctionnement de votre entreprise est perturbé ? Vous avez la possibilité de le licencier pour ce motif, mais à de strictes conditions.
Il vous faut justifier du fait que cette ou ces absence(s) :
perturbent gravement la marche de votre entreprise (la perturbation du seul service où travaille le salarié ne suffit pas) ;
rendent nécessaire son remplacement définitif (c'est-à-dire par une embauche en CDI)
Il vous faudra veiller à mentionner ces deux éléments dans la lettre de licenciement, faute de quoi le licenciement n'aura pas de cause réelle et sérieuse.
Point de vigilance : Attention si l'absence prolongée de votre salarié résulte d'une altération de sa santé consécutive à un harcèlement moral ou à un manquement à votre obligation de sécurité (ex. : surcharge de travail entraînant un épuisement professionnel). Dans ce cas, il vous sera impossible de vous prévaloir du fait que son absence perturbe le fonctionnement de l'entreprise. Attention : avant de lancer la procédure de licenciement, vérifiez votre convention collective. Elle peut limiter vos possibilités de licencier (ex. : interdiction de licencier le salarié malade pendant une certaine période) ou vous contraindre à respecter une procédure supplémentaire (ex. : saisir une commission chargée de rendre son avis sur le projet de licenciement).
Licencier une salariée enceinte ou jeune maman
Principe : licenciement interdit.
En principe, il est impossible de licencier une salariée enceinte ou qui vient d'être mère durant son congé de maternité ou d'adoption. Durant
le congé de maternité et toute la période de protection (lire ci-après), vous ne pouvez donc pas prendre de mesures préparatoires au licenciement (ex. : convocation à l'entretien préalable). À titre d'exception, la salariée étrangère ne disposant plus d'un titre de travail en France ne bénéficie pas de ces règles protectrices.
Précision
À l'occasion de la naissance de son enfant, le père (voire le second parent) bénéficie également d'une protection contre le licenciement pendant les 10 semaines suivant la naissance.
Licenciement possible par exception.
Par exception, il est possible de licencier la salariée enceinte ou en congé de maternité si vous pouvez justifier d'une faute grave ou d'une impossibilité de maintenir le contrat. Mais cela s'entend de manière restrictive, le motif de rupture devant être totalement étranger à l'état de grossesse ou à l'accouchement.
Point de vigilance : si vous invoquez une faute grave à l'encontre d'une salariée enceinte, pensez à l'apprécier en tenant compte de l'état de l'intéressée. Dans cette situation, les juges font en effet preuve de modération pour apprécier le caractère fautif des faits.
Attention également au timing (voir ci-après).
Respectez la période de protection.
La salariée qui souhaite être protégée du fait de sa grossesse doit vous informer de son état en vous remettant (contre récépissé), ou en vous envoyant en LRAR, un certificat médical attestant son état de grossesse et la date présumée de son accouchement (ou la date effective de celui-ci). Mais attention, même si la salariée n'a pas procédé à cette information, elle est quand même protégée dès que vous connaissez son état (charge à elle de le prouver).
Dans l'hypothèse où vous ignoriez la grossesse au moment où vous notifiez son licenciement à la salariée, celle-ci a 15 jours pour vous adresser par LRAR un certificat médical justifiant qu'elle est enceinte et bénéficier de la protection contre le licenciement.
Étendue de la période de protection.
La protection de la salariée commence lorsqu'elle est en état de grossesse médicalement constaté et couvre le congé de maternité ainsi que les 10 semaines qui suivent la fin de la période de suspension du contrat de travail. Si la salariée prend des congés payés immédiatement à la suite du congé de maternité, sa période de protection est allongée d'autant.
La protection de la maternité concerne aussi la salariée tombée enceinte après son licenciement dans la mesure où elle a envoyé le certificat médical à son employeur dans les 15 jours suivant la notification de son licenciement.
Mettre en oeuvre le licenciement.
Lorsque le licenciement est envisageable (ex. : faute grave), vous êtes tenu par une protection “absolue” de la salariée pendant le congé de maternité :
vous ne pouvez pas notifier le licenciement, quand bien même vous auriez engagé la procédure avant le congé ;
vous ne pouvez pas “faire prendre effet” au licenciement notifié dans les règles avant le début du congé de maternité ; en d'autres termes, le licenciement sera effectif à l'issue de la période de protection.
Enfin, pendant une période de protection dite “relative”, applicable avant le congé de maternité et pendant les 10 semaines qui suivent, le licenciement est possible pour un des motifs autorisés (ex : faute grave).
Licencier un salarié représentant du personnel
Tout licenciement d'un représentant du personnel élu [ex. : délégués du personnel (DP) ou instance unique ou comité social et économique (CSE)] ou désigné (ex. : délégués syndicaux) est soumis à une procédure spécifique d'autorisation de l'inspecteur du travail. Cette procédure protectrice s'applique pendant une certaine durée, dès la demande d'organisation des élections, puis pendant le mandat et à l'issue du mandat. Contrairement aux salariés “ordinaires”, la faute reprochée à un salarié représentant du personnel doit être d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement compte tenu notamment des exigences propres à l'exécution du mandat dont il est investi.
Respectez les principales étapes.
Licencier un salarié protégé nécessite de respecter les étapes suivantes : convoquer le salarié à un entretien préalable ; pour certains salariés (notamment DP), transmettre le projet de licenciement pour avis au comité social et économique (CSE) ;
adresser une autorisation de licenciement à l'inspecteur du travail si vous persistez dans votre intention de licencier l'intéressé ;
si cette autorisation est acquise, notifier le licenciement.
Point de vigilance : Attention à bien motiver la demande d'autorisation que vous adressez à l'inspecteur du travail, qui se prononce uniquement sur le motif que vous avancez.
Tirez les conséquences de la décision de l'administration.
L'inspecteur du travail va vérifier la régularité de la procédure spéciale de licenciement du représentant, le respect des procédures de droit commun avec lesquelles la procédure spéciale se cumule. Il va aussi s'assurer que le licenciement n'est pas en rapport avec le mandat exercé par l'intéressé ou son appartenance syndicale. En d'autres termes, le licenciement envisagé ne doit pas constituer une mesure discriminatoire, L'inspecteur prend sa décision dans un délai de 2 mois. Il vous la notifie par LRAR. Au-delà de ce délai de 2 mois, son silence vaut décision de rejet. Si l'inspecteur du travail n'autorise pas le licenciement, vous devez conserver le salarié protégé à son poste. Sachez que vous pouvez exercer un recours contre cette décision.
Si le licenciement est autorisé, vous devez adresser au salarié une lettre de licenciement. ■