Juridique avec RF Conseil. Gestion des compétences : Se prémunir de la concurrence de ses salariés
Pour se prémunir contre la concurrence d'un salarié après la fin de son contrat de travail, il est utile de recourir à une clause de non-concurrence. Mais pendant le contrat, savez-vous qu'il existe aussi des moyens pour vous protéger de cette concurrence ?
Pendant tout contrat de travail : un salarié loyal
Qu'est ce que l'obligation de loyauté ?
Le Code du travail est clair : tout salarié doit exécuter loyalement son contrat de travail (c. trav. art. L. 1222-1). Cela implique que, même en l’absence de clause d’exclusivité (voir ci-après), votre salarié ne peut pas vous concurrencer soit directement, soit indirectement, pendant l’exécution du contrat.
Pour déterminer si un salarié a concurrencé son employeur avant ou après la fin de son contrat de travail, les juges se fondent sur la date de début de l’activité concurrente du salarié. Aussi, le dépôt de statuts d’une entreprise concurrente ou encore, les seuls actes préparatoires à la création d’une société concurrente, pendant l’exécution du contrat de travail, ne sont pas jugés comme étant des actes de concurrence tant qu’il n’y a pas une réelle activité professionnelle. Précision : En revanche, un salarié qui se trouve en dispense de préavis a la faculté, pendant sa durée, d’entrer au service d’une entreprise, fûtelle concurrente.
Quels sont les actes de concurrence interdits ? Pendant l'exécution de son contrat de travail, votre salarié ne peut pas vous concurrencer en : créant une entreprise concurrente ; exerçant une activité pour le compte d’une entreprise concurrente ou une activité concurrentielle pour son propre compte ; détournant à son profit et au préjudice de votre entreprise sa clientèle ; effectuant une formation au sein d’une société concurrente à la vôtre.
Quelles sanctions pour le salarié ? L’exercice d’une activité concurrente à l’insu de l’employeur constitue un cas typique de manquement à l’obligation de loyauté. Par exemple, les juges ont admis qu'un employeur pouvait licencier :
un directeur commercial qui, alors qu’il était en poste, a créé une société dont l’activité concurrençait directement celle de son employeur ;
un chef de chantier ayant pris l’initiative de contacter un client de l’employeur pour lui proposer ses services, grâce à du matériel de l’entreprise et avec le concours d’un autre salarié. L’exercice d’une activité concurrente justifie généralement un licenciement pour faute grave. L’employeur peut aller jusqu’à la faute lourde, et ainsi réclamer des dommages et intérêts au sala
rié, si ce dernier a agi avec l’intention de nuire à l’entreprise. Le fait d’avoir débauché des salariés de l’employeur au profit de l’activité concurrente peut caractériser cette intention de nuire.
Renforcer la loyauté : la clause d'exclusivité
Quel est son intérêt ?
Faire signer à votre salarié une clause d'exclusivité permet de renforcer son obligation de loyauté (voir ci-avant). En effet, cette clause lui interdit formellement d’exercer toute autre activité, que ce soit pour son propre compte ou pour tout autre employeur. Si votre salarié passait outre et exerçait néanmoins une autre activité professionnelle, il commettrait une faute que vous pourriez, selon les circonstances, qualifier de faute grave.
Précision : La clause d’exclusivité se distingue de la clause de non-concurrence, qui ne prend effet qu’à compter de la rupture du contrat de travail. De plus, la clause d’exclusivité ne s’applique que pour la durée du contrat de travail. Enfin, contrairement à la clause de non-concurrence, sa validité n’est pas soumise à l’existence d’une contrepartie financière.
Quelles conditions ?
Recourir à une clause d'exclusivité suppose de remplir certaines conditions. Ainsi, cette clause n'est valable que si elle est :
indispensable à la protection des intérêts légitimes de l’entreprise ; justifiée par la nature de la tâche à accomplir ; proportionnée au but recherché. Attention lors de sa rédaction : la clause ne doit surtout pas être rédigée en termes généraux ou imprécis. Il faut qu'elle précise les contours de l'activité complémentaire qui serait envisagée par le salarié, activité bénévole ou lucrative, professionnelle ou de loisirs.
La clause d'exclusivité insérée dans le contrat de travail d'un salarié à temps complet engagé en qualité de rédacteur concepteur par une société d'édition et de vente d'ouvrages professionnels était ainsi rédigée : “Monsieur Y… s'engage expressément à demander l'autorisation de la société pour toute activité complémentaire qu'il souhaiterait occuper”. Cette clause était illicite. Par conséquent, le salarié licencié parce qu'il n'avait pas demandé l'autorisation de son employeur avant de créer sa société de vente en ligne de vêtements a vu son licenciement invalidé (cass. soc. 16 mai 2018, n° 16-25272 D).
Possible pour un temps partiel ?
En pratique, compte tenu des conditions de validité, et notamment de l’exigence de proportionnalité, les cas où une clause d’exclusivité
peut être inscrite dans le contrat de travail d’un salarié à temps partiel sont très limités. La plus grande prudence est de mise.
Applicable au salarié qui crée son entreprise ? Aucune clause d’exclusivité ne peut être opposée par son employeur au salarié qui crée ou qui reprend une entreprise, pendant une durée de 1 an à compter soit de son inscription au registre du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers, soit de sa déclaration de début d’activité professionnelle agricole ou indépendante. Toutefois le salarié reste soumis à son obligation de loyauté. Ainsi, il n’est délié de la clause d’exclusivité que pour les activités non concurrentes de celles de l’entreprise. Pour celles qui le sont, l’obligation de loyauté, qui se traduit par une obligation de non-concurrence pendant toute la durée du contrat de travail, continue de s’imposer.
En cas de suspension du contrat
L'obligation de loyauté persiste.
À l’évidence, le salarié en arrêt de travail ne doit pas travailler, a fortiori pour une entreprise concurrente. Ainsi, vous ne pouvez sanctionner l’exercice d’une activité pendant l’arrêt de travail que si cette activité cause un préjudice à votre entreprise et, ce faisant, constitue un manquement à l’obligation de loyauté à laquelle est tenu le salarié même lors de la suspension de son contrat de travail.
À l’inverse, les juges concluent rarement à une violation de l’obligation de loyauté en présence d’activités bénévoles ou de loisirs.
Activités préjudiciables.
Les juges ont estimé que le salarié “malade” avait manqué à son obligation de loyauté pour avoir :
suivi une formation au sein d’une entreprise concurrente
démarché des clients de l’entreprise au profit de la société de taxi de son conjoint.
En revanche, les juges ont considéré que l’implication du salarié dans la constitution d’une société hôtelière n’entrait pas en concurrence avec l’activité de l’employeur, en l’occurrence le stockage informatique. Il n’y avait donc pas violation de l’obligation de loyauté (cass. soc. 21 novembre 2018, n° 16-28513 D).