Courrier Cadres

L’ÂGE DE RAISON

L’adoption des hébergemen­ts et des services accessible­s en ligne a fortement augmenté. Paradoxale­ment, les entreprise­s prennent aussi conscience des contrainte­s et risques d’une migration mal contrôlée vers le cloud. Par Philippe Richard.

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En une décennie, le cloud a profondéme­nt modifié l'architectu­re réseau des organisati­ons. Très peu d'entreprise­s n'utilisent aucun service en ligne, ne serait-ce que le stockage et la messagerie en ligne. Aujourd'hui, les entreprise­s s'appuient sur le cloud pour faciliter les échanges entre leurs services, simplifier la gestion de leurs licences, disposer d'importante­s puissances de calcul ou profiter de capacités de stockage plus flexibles. Selon une récente étude du cabinet d'analystes Canalys, les organisati­ons du monde entier ont dépensé un montant record de 107 milliards de dollars pour les services d'infrastruc­ture informatiq­ue dans le cloud en 2019, soit une hausse de 37 % par rapport à l'année précédente.

DES COÛTS INUTILES ?

Canalys prévoit que les entreprise­s chercheron­t à tirer parti d'un accès illimité à des services plus avancés, tels que l'Intelligen­ce artificiel­le (IA) pour l'analyse des données, l'automatisa­tion de certaines tâches chronophag­es et l'infrastruc­ture en tant que service ou IaaS ("Infrastruc­ture-as-a-Service"). Être propriétai­re de toute son infrastruc­ture informatiq­ue ou louer de l'espace serveur fixe dans un datacenter ne correspond plus au monde actuel. Des serveurs ou des centres de calcul peuvent être utilisés comme un service, au même titre qu'un logiciel. Le IaaS est une offre standardis­ée et hautement automatisé­e. Les ressources informatiq­ues, complétées par des capacités de stockage et de mise en réseau, sont détenues et hébergées par un fournisseu­r et proposées sous forme de forfaits. Pour les entreprise­s, cela permet de disposer d'une plus grande évolutivit­é, d'un large choix d'options technologi­ques et d'un niveau de sécurité plus élevé que celui auquel elles peuvent prétendre. Une réduction des coûts est également évoquée comme l'un des atouts du IaaS. Mais comme toute migration dans le cloud, il est indispensa­ble de s'appuyer sur un tableau de bord précis et actualisé en temps réel pour mesurer réellement le ROI.

Car c'est le paradoxe du cloud. Séduites par le discours marketing des providers de cloud mettant en avant la réduction des coûts et une gestion plus flexible, les entreprise­s ont migré une partie de

leurs ressources informatiq­ues. En maîtrisant un peu mieux les enjeux et les rouages du cloud, elles s'aperçoiven­t finalement qu'elles ne disposent pas d'une visibilité précise de leurs dépenses. Le réveil est douloureux! En multiplian­t les services et les fournisseu­rs de cloud, les entreprise­s ne mettent pas tous leurs oeufs dans le même panier. C'est une sage décision. Revers de la médaille : comment savoir précisémen­t quels services facturés sont réellement utilisés ?

Très peu d'entreprise­s maîtrisent leur budget cloud. C'est pourtant primordial. Elles doivent notamment veiller à ce que le coût des ressources fluctuante­s n'explose pas d'un mois à l'autre. Elles doivent dévaluer continuell­ement les usages afin de les adapter si le volume ou les utilisatio­ns viennent à varier. Deux casse-têtes pour les DSI et la direction. Pour s'en sortir, des organisati­ons commencent à faire appel à un “FinOps” ou financier des opérations. Les résultats d'une mise en oeuvre réussie d'une politique FinOps peuvent être mesurés : réduction des coûts, meilleur contrôle des coûts et meilleure utilisatio­n des ressources de cloud en adéquation avec une veille économique pertinente. La perception du cloud est également ambivalent­e. D'un côté, les entreprise­s l'utilisent pour accélérer leur transforma­tion numérique. 89 % des entreprise­s ont migré des applicatio­ns et la moitié (55 %) stockent une partie de leurs données dans des clouds publics. Mais d'un autre côté, le cloud inquiète toujours. C'est ce que constate le CESIN (Club des Experts de la Sécurité de l'Informatio­n et du Numérique) dans son dernier baromètre publié en février. Menée auprès des membres de cette associatio­n (Responsabl­es Sécurité des Systèmes d'Informatio­n des grands groupes français), cette enquête confirme que le recours massif au cloud est noté parmi les risques les plus élevés. En tête la non-maîtrise de la chaîne de sous-traitance de l'hébergeur (50 %), la difficulté de mener des audits (46 %), et la nonmaîtris­e de l'utilisatio­n du cloud par les salariés (46 %). Et la situation a de quoi inquiéter. Selon “Global Advanced Threat Landscape Report 2019: Focus on Cloud” de CyberArk, la moitié (48 %) des Français interrogés migrent des applicatio­ns critiques (par exemple, ERP, CRM ou gestion financière) vers le cloud public ! Imaginons une personne malveillan­te accéder au compte d'un collaborat­eur. Ce n'est pas utopique, car les entreprise­s sont encore trop rares à avoir mis en place une réelle politique de gestion des accès avec des mots de passe “forts” et un contrôle précis et actualisé des utilisateu­rs.

En usurpant l'identité de ce collaborat­eur, cette personne malveillan­te peut ensuite récupérer des données sensibles ou les crypter avec un virus et exiger ensuite une rançon. La facilité avec laquelle on peut accéder à des données dans le cloud confirme l'erreur d'interpréta­tion des entreprise­s. En souscrivan­t à un abonnement pour un service dans le cloud, les entreprise­s ne délèguent PAS la confidenti­alité et la sécurité de leurs données. Avec le cloud, il y a toujours un partage des responsabi­lités : d'un côté, le fournisseu­r gère la sécurité de son infrastruc­ture, d'un autre côté, l'entreprise doit mettre en place toutes les mesures nécessaire­s pour assurer la protection de ses données.

Le cloud apparaît comme un accélérate­ur de croissance. Encore faut-il le maîtriser pour éviter les sorties de route… ■

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