Courrier Cadres

DUPOND-MORETTI DÉFENSEUR THÉÂTRAL

“Acquitator”, “l’Ogre du Nord”, l’avocat pénaliste Éric Dupond-Moretti traîne, à travers ses surnoms, une réputation d’homme redoutable aux dires de ceux qui ont eu à l’affronter dans les prétoires. Pourtant, le doute, le stress et l’incertitud­e font part

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retrace votre parcours, c’est que vous vous êtes fait tout seul. Est-ce un moteur dans votre réussite profession­nelle ?

Oui, il y a évidemment une forme de revanche sociale. En même temps, dire que l’on s’est fait tout seul est un peu immodeste et présomptue­ux. Ne pas être originaire d’une famille d’avocats, ne permet pas de dire que l’on s’est fait tout seul. Le métier d’avocat est un métier de transmissi­on, il est nécessaire d’aller à la rencontre de ses pairs, pour bénéficier de cette transmissi­on orale, de la tradition, d’une certaine forme d’éloquence, de liberté, d’un certain état d’esprit. Au fond, le métier d’avocat, c’est la somme de tout ce qui existe déjà, plus ce que l’on y ajoute. Alors ceux qui sont issus de longues lignées ont déjà commencé à engranger ces éléments pendant l’enfance et l’adolescenc­e et ceux qui ne le sont pas apprennent tout seul. Mais on ne se fait pas véritablem­ent tout seul.

Avez-vous eu des mentors, des personnes qui vous ont marqué ?

J’ai eu l’immense privilège de rencontrer deux avocats qui ont énormément marqué ma vie profession­nelle. Jean Descamps, avocat Lillois, et Alain Furbury, avocat Toulousain.

Je rencontre Alain Furbury dans des conditions un peu particuliè­res car quand je prête serment à Lille on me dit rapidement que je ne pourrais pas faire que du pénal. Ce n’était pas possible à l’époque dans la capitale des Flandres. Il fallait être généralist­e. Alors je décide de m’exiler à Marseille. Je me disais que Marseille et le droit pénal, ça pouvait faire quelque chose. Sur place, personne ne veut de moi. Je quitte donc Marseille, et sur les conseils de Jean Descamps, je m’installe à Toulouse où je rencontre

Alain Furbury. Très vite, on va se lier d’amitié et il va être mon mentor en dépit de la distance qui nous sépare dans un premier temps, puisque je vais l’appeler à chaque fois que j’ai une difficulté ou que je me retrouve confronté à une question que je n’arrive pas à résoudre. Par la suite, nous allons plaider ensemble, souvent, très souvent. Avoir un mentor, c’est fabuleux car il vous transmet un enseigneme­nt que vous êtes avide et gourmand de recevoir et en même temps c’est un peu dangereux parce qu’il y a le risque de l’imitation. Or chez un avocat particuliè­rement, il y a un style et une patte. Il est intéressan­t de prendre tout ce qu’il y a à prendre comme une éponge et de transforme­r cela à sa sauce pour en faire sa propre signature.

Votre vocation est née de manière un peu originale, en partie à la suite du décès suspect de votre grand-père. Est-ce que cet élément a joué sur votre réussite profession­nelle ?

Le métier d’avocat est un sacerdoce. Il faut donc avoir une véritable vocation. On ne devient pas avocat parce qu’on a loupé les autres concours, ça n’a aucun sens. Encore que, ça arrive que des personnes se retrouvent là tout à fait par hasard et qu’ils se passionnen­t. Mais ce n’est pas mon cas. J’ai eu la chance et je trouve que cela en est vraiment une d’avoir envie d’être avocat sans bien savoir ce que c’était d’ailleurs.

Vous êtes souvent mis en avant pour votre éloquence. Aujourd’hui, nos lecteurs cadres éprouvent souvent des difficulté­s à prendre la parole en public. En quoi cette qualité vous a-t-elle aidé dans votre carrière ? Est-ce que l’éloquence s’apprend ?

Tout d’abord, je vous prie de me croire, je suis très sincère, on n’est pas à l’aise tout de suite. J’ai passé

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