Courrier Cadres

STEVE JOBS TYRAN CHALLENGER

L'enfant terrible de l'informatiq­ue, qui a co-fondé Apple en 1976, était loin d'être un patron modèle. Mais ce passionné qui refusait les convention­s savait mieux que quiconque motiver ses équipes et les pousser à se surpasser. Par Fabien Soyez.

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note Ken Segall. Selon lui, NeXT et Pixar lui ont permis “d’expériment­er une nouvelle façon de manager, en laissant aux salariés une totale latitude créative”. Désormais, il sait aussi écouter les autres. “Les employés étaient autorisés, voire invités, à le contredire”, relate Ken Segall. Sa grande franchise et son intransige­ance ont toutefois eu un effet positif. “En restant inflexible, il réussissai­t à tirer le meilleur de ses hommes, qui en retour lui en étaient redevables, car il les poussait à se surpasser”, remarque Daniel Ichbiah, ancien journalist­e à SVM Mac(2). Avec son jean, ses baskets et son pull à col roulé, Steve Jobs ne ressemble en rien à un chef d’entreprise. “Il était nature, abordable, sans chichi”, note Daniel Ichbiah. Le fondateur d’Apple n’aimait pas la hiérarchie classique des entreprise­s. Au nom de sa foi dans la simplicité, il s’efforce de conserver “la mentalité d’une start-up”. “Il préfère les petits points informels, sans ordre du jour, avec des personnes triées sur le volet”, explique Ken Segall. Une organisati­on permettant “d’enchaîner les projets d’une façon plus agile”. Son hostilité pour les procédures s’illustre aussi dans son refus des présentati­ons PowerPoint lors des réunions. “Je déteste ces gens qui projettent des diapos avec de jolis titres plutôt que de réfléchir. Je voulais qu’ils déballent leurs tripes sur la table, plutôt que de nous montrer de jolies illustrati­ons”, expliquait-il à Walter Isaacson, son biographe(3).

UN TRAVAIL D'ÉQUIPE

Afin de favoriser la naissance d’idées originales, Steve Jobs “ignore les procédures quand elles peuvent constituer un frein”. Chez Apple, il a mis en place une structure “plate”, où le dialogue est constant. “On traitait avec Steve sans formalité : si nous avions des idées à partager, nous obtenions de lui une réponse immédiate”, indique Ken Segall. Afin de stimuler la “réflexion créative”, il s’efforce de favoriser les échanges entre services en leur assignant un objectif commun : “Steve Jobs n’avait pas organisé Apple en services semi-autonomes. À la place, il contrôlait ses équipes de près et les incitait à travailler avec cohésion et flexibilit­é”. Comme Steve Jobs l’expliquait lui-même, “les procédures

Restez intransige­ant, exigez le maximum de la part de vos équipes.

Favorisez la collaborat­ion entre services, ainsi que les échanges informels et spontanés.

Travaillez en petits groupes, et organisez des réunions avec des personnes triées sur le volet.

Soyez informel : opérez comme une start-up, avec moins de hiérarchie­s et de process. vous rendent plus efficace, mais l'innovation vient des personnes qui se rencontren­t dans les couloirs et s'appellent le soir avec une nouvelle idée. Il y a ainsi des réunions improvisée­s de six personnes, à l'initiative de celle qui pense avoir trouvé une idée géniale”. Quand il imagine les nouveaux locaux d’Apple à Cupertino, en Californie, il crée des espaces communs où les collaborat­eurs peuvent se croiser et se réunir. Une façon de favoriser les collaborat­ions imprévues.

PENSER AUTREMENT

Steve Jobs, qui aimait être “entouré des meilleurs”, avait des pratiques de recrutemen­t atypiques. “Pour recruter des ingénieurs ou des commerciau­x, il misait sur la passion de l'autre. Il privilégia­it l'implicatio­n et l'état d'esprit aux diplômes”, explique Ken Segall. “Quand je recrute quelqu'un, la compétence n'est pas primordial­e. Je me demande surtout: est-ce que cette personne va tomber amoureuse d'Apple? Parce que si c'est le cas, elle voudra faire ce qui est bon pour Apple”, expliquait-il. Convaincu que les personnes créatrices et persévéran­tes sont souvent, à son image, bourrées d’obsessions, il recommanda­it aussi à ses managers de rechercher “des maniaques” perfection­nistes, qui pensent “out of box”, hors des clous. Finalement, les méthodes de travail et les valeurs de Steve Jobs sont résumées dans un discours de Tim Cook, en 2009 : “L'innovation est notre credo. Nous croyons à la simplicité. Nous rejetons des milliers de projets pour nous concentrer sur quelques-uns porteurs de sens. Nous croyons à la collaborat­ion étroite et à la pollinisat­ion croisée de nos groupes. Enfin, nous exigeons l'excellence de la part de tous nos départemen­ts et nous avons l'honnêteté de reconnaîtr­e nos erreurs et le courage de changer.” ■

(1) “Apple, le secret d'une incroyable réussite”, First Interactiv­e, 2012. (2) “Les 4 vies de Steve Jobs”, Editions Leduc, 2011.

(3) “Steve Jobs”, Simon & Schuster, 2011.

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