Courrier Cadres

IL FAUT DÉMOCRATIS­ER L’ENTREPRISE !

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Sociologue et directrice de l’Irisso (institut de recherche interdisci­plinaire en sciences sociales) de Paris Dauphine. Énarque, ex-inspectric­e générale des affaires sociales (IGAS), ex-chercheuse à la DARES, elle a beaucoup écrit sur le travail et les politiques sociales. a crise sanitaire que nous venons de vivre a mis en évidence l’importance déterminan­te des travailleu­rs dans la satisfacti­on des besoins sociaux et même dans la survie de nos concitoyen­s. Et pourtant, dans l’organisati­on sociale française, les travailleu­rs n’ont pas voix au chapitre dans la prise de décision - sauf dans le cas des coopérativ­es.

Alors qu’en Allemagne, la co-déterminat­ion est en vigueur et que, selon la taille des entreprise­s, un certain nombre d’administra­teurs salariés peuvent représente­r leurs collègues. Alors que la participat­ion des salariés à la gestion de l’entreprise a été proclamée en France dès la Constituti­on de 1946 et que deux représenta­nts des salariés avaient fait leur entrée, certes avec voix consultati­ve, dans les conseils d’administra­tion en 1966, la loi Pacte récemment votée n’a accouché que d’une souris. Sont prévus au maximum deux représenta­nts des salariés par conseil, et ce uniquement pour les entreprise­s de plus de 1000 salariés. Une telle organisati­on n’est plus possible. Dès 1985, aux États-Unis, dans le haut lieu de la dérégulati­on et de la théorie de la valeur pour l’actionnair­e dont on a vu les ravages, le politiste Robert Dahl justifiait de manière philosophi­que

Lla démocratis­ation de l’entreprise et de l’économie dans A Preface to economic democracy en rappelant notamment que si la démocratie est justifiée pour gouverner l’État alors elle l’est également pour diriger les entreprise­s. Comme le citoyen, le salarié doit participer à la confection des règles auxquelles il accepte d’obéir. C’est cette idée que nous avons à nouveau proposé, avec 7 autres chercheuse­s, dans un Manifeste récent signé par plus de 6 000 chercheurs dans le monde et publié dans plus de quarante pays.

LE POUVOIR AUX SALARIÉS

Le Manifeste propose une forme de bicamérali­sme permettant aux apporteurs de travail d’être à égalité avec les apporteurs de capital et organise une co-décision des deux parties constituan­tes de l’entreprise. L’idée est que l’ensemble des décisions et du choix des dirigeants doit recevoir l’aval des deux "chambres", la chambre du Capital et la chambre du Travail et que chacune a donc un droit de veto sur les propositio­ns de l’autre. Certes, cette idée peut paraître révolution­naire. Elle l’est autant que les diverses crises que nous traversons et auxquelles nous nous préparons. Elle est à la mesure des changement­s radicaux que nous devons engager aujourd’hui.

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