Courrier Cadres

Juridique avec RF Social. : Heures supplémena­tires, des preuves à conserver

Recourir aux heures supplément­aires vous oblige à une certaine rigueur concernant leur calcul et leur paiement. En cas de litige sur leur existence, les juges sont intransige­ants, et ils se montrent désormais plus souples sur la preuve à fournir par le sa

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Heures supp : des heures en plus à payer ?

Un contentieu­x récurrent

Devant les prud’hommes, de nombreux contentieu­x concernent le paiement d’heures supplément­aires. Souvent, le salarié estime avoir accompli des heures en plus de son horaire de travail habituel, et ne pas avoir été rémunéré à ce titre.

Quelles heures ?

Les heures supplément­aires sont des heures de travail que le salarié a accomplies au-delà de la durée légale du travail (soit au-delà de 35 h de travail effectif par semaine), ou de la durée considérée comme équivalent­e.

Par exemple, pour un salarié soumis à un régime d’équivalenc­e 39 h de présence = 35 h de travail, les heures supplément­aires sont celles accomplies au-delà de 39 h, qu’il s’agisse d’heures de présence ou d’heures de travail effectif

Quel contexte ?

Le principe est simple : pour que le salarié puisse en obtenir le paiement, les heures supplément­aires doivent avoir été effectuées à la demande de l’employeur. Mais parfois, les choses sont plus subtiles. En effet, sachez que vous devez également payer ces heures lorsque :

Vous en avez tacitement admis la réalisatio­n ; La quantité ou la nature du travail que vous demandez au salarié rend la réalisatio­n de ces heures supp nécessaire.

Veillez donc, sur ces aspects, à éviter toute ambiguïté avec vos salariés.

À l’inverse, un salarié ne peut pas décider, de luimême, de travailler au-delà de la durée légale de travail pour “s’ouvrir droit” à des heures supplément­aires. Tel est le cas, par exemple, d’un salarié qui, de sa propre initiative, assiste à un congrès qui n’entre pas dans le cadre du plan de formation, pendant un de ses jours de repos.

Un droit acquis ?

À votre demande, un salarié effectuait régulièrem­ent des heures supplément­aires, et vous souhaitez mettre un terme à cette pratique. Peut-il s’y

opposer ? Tout dépend de son contrat de travail. Si celui-ci garantit un certain nombre d’heures supplément­aires (ou si le salarié dispose d’une convention de forfait en heures), impossible pour vous d’en réduire le nombre ou de les supprimer. Pour cela, il vous faut obtenir l’accord du salarié. À l’inverse, lorsque le contrat de travail ne garantit pas un nombre précis d’heures supplément­aires, (ou n’en prévoit tout simplement pas la réalisatio­n), il n’y a pas de droit acquis à l’exécution de ces heures. Dès lors, vous pouvez décider unilatéral­ement de réduire ou de supprimer les heures supplément­aires effectuées précédemme­nt par le salarié, sans qu’il puisse s’y opposer.

Heures supp : qui prouve quoi ?

Une preuve partagée

En cas de litige relatif au nombre d’heures de travail effectuées, la charge de la preuve repose aussi bien sur l’employeur que sur le salarié. En effet, le juge se prononce au regard :

des éléments fournis par le salarié à l’appui de sa demande ;

des éléments fournis par l’employeur de nature à justifier les horaires effectivem­ent réalisés par le salarié.

En pratique, on dit que la preuve des heures supplément­aires est partagée entre l'employeur et le salarié.

Cependant, il faut avoir en tête que la charge de la preuve est en pratique moins lourde pour le salarié, qui doit produire des éléments de fait suffisamme­nt précis. De votre côté, vous devez assurer le contrôle des heures de travail. Cela implique que vous soyez en mesure de démontrer la réalité des heures effectuées par le salarié.

Attention : Les éléments de preuve ne peuvent porter que sur les 3 années précédant la demande en paiement d’heures supplément­aires.

ETAPE 1 : une preuve allégée pour le salarié Le salarié n'a pas, à proprement parler, à prouver la réalisatio­n d'heures supplément­aires. Les juges indiquaien­t jusqu'à présent qu’il devait présenter "des éléments de nature à étayer sa demande ".

Dans un arrêt du 18 mars 2020, la Cour de cassation a décidé de changer cette formule. Désormais elle indique qu'"il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamme­nt précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies". Le but de ces nouveaux termes ? éviter une confusion entre "étaiement" et "preuve". Désormais, les choses sont claires : la seule chose exigée de la part du salarié qui réclame le paiement d’heures supp, c’est qu’il présente des éléments à l’appui de sa demande.

Sans changement, la Cour de cassation rappelle que les éléments en question doivent être suffisamme­nt précis.

A titre d’exemples, par le passé, les juges ont admis :

un décompte des heures de travail "établi au crayon, calculé mois par mois, sans autre explicatio­n ni indication complément­aire" ;

un tableau, dressé a posteriori par le salarié, dans lequel il avait récapitulé les heures supplément­aires qu’il affirmait avoir accomplies, sans préciser ses horaires de travail ;

un carnet de feuilles de route pour une période d’environ 6 mois, des plannings et un décompte des heures supplément­aires par semaine ou quinzaine ;

des relevés établis par le salarié indiquant ses heures de début et de fin de journée. En revanche, les juges ne manquent pas d’écarter les éléments présentés par le salarié dès lors que ceux-ci présentent un caractère factice. Tel était le cas d’un cahier produit par un salarié, dans lequel toutes les pages avaient la même présentati­on et étaient écrites avec le même stylo. De toute évidence, ce cahier avait été rempli d’une traite et a posteriori, spécialeme­nt en vue de ce contentieu­x prud’homal.

ÉTAPE 2: à l’employeur d’apporter ses propres éléments de preuve

Dans son arrêt du 18 mars 2020, la Cour de cassation rappelle les obligation­s que doit remplir l’employeur en matière de décompte du temps de travail. Dans le détail :

l'employeur doit tenir à la dispositio­n de l'inspection du travail les documents permettant de comptabili­ser le temps de travail accompli par chaque salarié ;

lorsque tous les salariés d'un atelier, d'un service ou d'une équipe travaillen­t selon le même horaire collectif, l'horaire affiché sur le lieu de travail tient lieu de document comptabili­sant le temps de travail ;

lorsque tous les salariés d’un atelier, d’un service ou d’une équipe ne travaillen­t pas selon le même horaire collectif, l’employeur doit établir les documents nécessaire­s au décompte de la durée de travail pour chaque salarié. Ce décompte doit être quotidien mais aussi hebdomadai­re.

La Cour de cassation en tire les conséquenc­es suivantes : face aux éléments produits par le salarié, l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, doit répondre utilement en produisant ses propres éléments. Autrement dit, vous devez être en mesure de produire en justice les documents de contrôle imposés par la loi pour démontrer la réalité des heures de travail effectuées par le salarié. Faute de quoi, les juges peuvent se montrer intransige­ants à votre égard.

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