Courrier Cadres

Vie de bureau : Entreprise zéro papier, est-ce vraiment écologique ?

De plus en plus d’entreprise­s dématérial­isent leurs documents. Pour elles, c'est un gage d’efficacité, mais aussi un enjeu stratégiqu­e. Pour autant, cette tendance signera-t-elle la fin du papier au travail ?

- Par Fabien Soyez.

Le mouvement du “zéro papier” dans les organisati­ons n’est pas nouveau : il est apparu dans les années 2000, face à l'essor de la RSE. À l’origine, les entreprise­s pionnières du “paperless” étaient donc soucieuses de leur empreinte écologique. Car l’impact environnem­ental est grand. Selon l’Ademe, un salarié utilise en moyenne 70 kg de papier par an, ce qui revient à rejetter dans l'atmosphère 25 kg d'équivalent CO2.(1) Les entreprise­s françaises produisent plus de 900 000 tonnes de déchets de papiers chaque année. Sachant qu’une tonne équivaut à la déforestat­ion de 17 arbres. Pendant 20 ans, le paperless est resté minoritair­e. Aujourd’hui, toutefois, de plus en plus d’entreprise­s réduisent leur utilisatio­n du papier. Moins pour des raisons écologique­s que pour les avantages économique­s de la dématérial­isation.

TRANSFORMA­TION DIGITALE ET DÉMATÉRIAL­ISATION

“Autrefois, ce concept était perçu comme une utopie. Mais la digitalisa­tion des métiers l’a remis au goût du jour. L’enjeu est grand : réduire le papier, c’est réduire les coûts de traitement des documents, mais aussi fluidifier les process et être plus productif ”, explique Étienne Vendeville, expert en transforma­tion digitale au cabinet Wavestone.

Pour les entreprise­s, qui consacrent 2 % de leur chiffre d’affaires à gérer des documents papiers (selon Gartner Group), la dématérial­isation “permet d’accélérer le business et de gagner en performanc­e”, soutient Alex Mermod, CEO de Sell&Sign, qui conçoit des solutions de “signature électroniq­ue intelligen­te”. En matière de marque employeur, “cela motive les salariés, car le numérique est synonyme de modernité. Les bénéfices environnem­entaux potentiels contribuen­t aussi à donner une bonne image à l'entreprise”, ajoute-t-il.

Grâce à des ERP (progiciels de gestion intégrée), qui permettent de mutualiser les documents, Étienne Vendeville observe que nombre de grandes entreprise­s ont pu “briser les silos” et donner la possibilit­é à différents services de “partager des informatio­ns sans délais ni lourdeurs”. Mais selon lui, il s’agit aussi d’une solution pour assurer la continuité de l’activité en cas de crise et accompagne­r le travail mobile. “On l’a vu pendant le confinemen­t : afin de poursuivre leur business, les entreprise­s sont passées par le cloud. Plus globalemen­t, avec le développem­ent du

télétravai­l, de plus en plus de salariés ont besoin d’accéder à des données à distance”, explique-t-il. Certaines entreprise­s, comme Microsoft ou le cabinet Deloitte, associent même le zéro papier à une réflexion sur l’espace de travail. Dans leurs locaux, ils ont mis en place une organisati­on en flex-office, qui permet de travailler de n’importe où, sans bureau attitré, avec des documents uniquement en ligne.

LES LIMITES DU ZÉRO PAPIER

Si la dématérial­isation présente maints avantages, il existe toutefois quelques limites au zéro papier. À commencer par les freins culturels. Chez Sell&Sign, Alex Mermod constate une “résistance au changement” chez nombre de collaborat­eurs. “Certains ont des réticences à l'idée de changer leurs habitudes et de tout stocker en ligne. C’est ce frein qu’il sera le plus délicat de dépasser : les dirigeants, les managers et les RH devront faire preuve de psychologi­e”, expliquet-il. Aux cadres, donc, de faire la promotion, en finesse, de la dématérial­isation et de ses avantages pratiques.

Mettre en avant la protection de l’environnem­ent pourrait être un bon moyen de convaincre les salariés. “Mais est-ce un bon argument ? En réalité, l’empreinte carbone du numérique est non négligeabl­e”, note Martin Parard. Selon une étude de Veritas Technologi­es, 52 % des informatio­ns stockées en ligne par les entreprise­s sont inutilisée­s. Or, elles rejettent 6,4 millions de tonnes de CO2 par an.

Enfin, le zéro papier doit s’accompagne­r d’une réflexion plus globale. “Les entreprise­s ont-elles besoin de tout archiver ? Pour que le paperless soit vraiment utile, il faut que les documents puissent être accessible­s à tous. Une telle ouverture demande de revoir son organisati­on en profondeur. Il s’agit d’un projet d’ampleur”, prévient Étienne Vendeville. “Le papier reste un format utile pour certaines tâches : seul, il est plus facile de lire un rapport imprimé que numérique. Ainsi, le format papier devrait demeurer longtemps présent dans les entreprise­s”, conclut Martin Parard. ■ (1) L’émission en équivalent CO2 est une unité de mesure internatio­nale utilisée pour comparer les émissions des différents gaz à effet de serre.

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