Courrier Cadres

Business et régulation climatique : La réponse du secteur privé

- Bastiaan van der Linden

Alors que les pays s’efforcent de trouver une réponse commune à la menace grandissan­te posée par les changement­s climatique­s, un nouvel élan du secteur privé prend forme, prenant conscience qu’il faut agir pour de nombreuses raisons. Par Bastiaan van der Linden, PhD, professeur associé de responsabi­lité sociétale de l’entreprise.

Lorsque le président des États-Unis Donald Trump a annoncé son intention de sortir son pays de l’Accord de Paris sur le changement climatique en juin 2017, beaucoup y ont vu un bouleverse­ment pour les fragiles efforts déployés par les États-nations face à l’une des plus grandes menaces pour la planète. Cette annonce est intervenue moins de deux ans après qu’un consensus mondial ait été établi, non sans mal, à la conférence de la COP 21, au cours de laquelle les nations se sont engagées à mener des actions pour lutter contre les émissions de gaz à effet de serre (GES) et limiter la hausse de la températur­e mondiale. Néanmoins, de nouveaux systèmes de mesure et de plafonneme­nt des émissions de CO2 sont en cours d’adoption et des innovation­s - et par conséquent, des modèles commerciau­x - semblent voir le jour partout. Cette impulsion ne vient pas uniquement des gouverneme­nts, mais également du secteur privé.

ÉTUDE DE CAS

Les initiative­s du secteur privé visant à lutter contre le changement climatique prennent plusieurs formes. L'initiative Science-Based Targets a pour but d’attribuer aux entreprise­s un rôle majeur dans la réduction des émissions mondiales de GES, en intégrant la définition d’objectifs fondés sur la science dans la pratique commercial­e courante. Les entreprise­s fixent des objectifs pour réduire leurs émissions de CO2 en fonction de leur "répartitio­n équitable" sur la réduction totale exigée dans le monde.

Une autre initiative, appelée Carbon Disclosure Project, est l'une des plus grandes normes en matière de déclaratio­n des émissions dans le privé. C’est aujourd'hui la norme qu’utilisent des milliers de sociétés dans leur communicat­ion avec les investisse­urs, les gouverneme­nts et les autres parties prenantes.

Il y a également des entreprise­s qui développen­t leurs propres initiative­s. Un certain nombre de grandes entreprise­s comme Unilever intègrent le prix interne du carbone, incitant à réduire en interne les émissions de GES grâce à l'innovation.

Les entreprise­s ont différente­s raisons de vouloir s'engager dans la réglementa­tion du secteur privé, y compris pour influencer la réglementa­tion publique, se préparer à l'introducti­on d'une réglementa­tion publique plus stricte ainsi que démontrer leur responsabi­lité sociale de l’entreprise aux parties prenantes de plus en plus préoccupée­s par l'avenir de la planète. L'absence d'une approche concertée mondiale des États-nations ne veut pas dire que le

secteur public n’intervient pas. Aux États-Unis, un certain nombre d'États et de villes prennent des mesures pour réglemente­r les émissions. Au niveau européen, les systèmes d'échange et d'autorisati­on qui fixent les plafonds pour les émissions de CO2 et de GES de certains secteurs commencent à fonctionne­r, la tarificati­on plus stricte incitant davantage les entreprise­s à agir.

En ce qui concerne les changement­s climatique­s, il existe en réalité une sorte de symbiose entre la réglementa­tion publique et privée, car celles-ci se développen­t simultaném­ent.

Une réglementa­tion privée qui est proposée par ceux qui ont une connaissan­ce approfondi­e du secteur concerné, peut être plus facile à adapter et mieux acceptée par ce secteur. La réglementa­tion publique peut accélérer les progrès, fixer des objectifs significat­ifs et assurer la crédibilit­é. L'interactio­n entre le secteur public et le secteur privé donne également naissance à de nouveaux modèles commerciau­x. Les constructe­urs automobile­s comme Volkswagen, GM et Daimler-Benz réagissent aux mesures prises par de nombreuses villes pour réduire la circulatio­n automobile dans leur centre-ville - pour des raisons environnem­entales et autres, comme la réduction des embouteill­ages - en se lançant dans l'autopartag­e.

Les entreprise­s cherchent également d'autres moyens de contribuer - et de s’attribuer tous les mérites - à la réduction des émissions au-delà de leurs propres activités de production, en cherchant par exemple à influencer les consommate­urs à réduire leur empreinte carbone. Une entreprise étudie actuelleme­nt la façon dont elle peut reformuler ses shampooing­s pour encourager les consommate­urs à prendre des douches plus courtes. De toute évidence, c'est beaucoup plus difficile que de prendre des mesures directemen­t sous le contrôle de l'entreprise et cela conduit à des questions compliquée­s sur la manière de calculer les réductions d'émissions et de désigner à qui revient tous ces mérites.

LA NÉCESSITÉ D’AGIR

Si l'engagement du secteur privé dans la lutte contre le changement climatique offre un peu d’espoir, il est important de remarquer le niveau encore embryonnai­re de ce mouvement alors même que l'élévation du niveau des mers et la fréquence croissante des phénomènes météorolog­iques extrêmes alertent sur le besoin urgent de prendre des mesures significat­ives. Le changement climatique devient une importance stratégiqu­e pour le secteur privé et les entreprise­s individuel­les commencent à montrer qu'il est possible de découpler la croissance des émissions. Nous pouvons démontrer que ces mécanismes fonctionne­nt et essayer de les améliorer davantage, mais cela s’avère plus difficile à appliquer dans une économie mondiale complexe. ■

 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France