Courrier Cadres

Argent & patrimoine : Assurance vie, transmettr­e son patrimoine

ASSURANCE-VIE : TRANSMETTR­E SON PATRIMOINE

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Placement préféré des Français, l’assurance vie a connu une décollecte au premier semestre. Les fonds en euros reculent en effet devant les unités de compte, plus risquées. L’assurance vie n’en conserve pas moins tout son intérêt en matière de transmissi­on du capital. Par Élisabeth Torres.

A lors que l’assurance vie est traditionn­ellement considérée comme le placement préféré des Français, on a assisté à l’amorce d’un désamour des épargnants au premier semestre de cette année. D’après les chiffres de la FFA (Fédération française de l’assurance), si à fin janvier, la collecte nette d’assurance vie était positive à 0,5 milliard d’euros avec 11,8 milliards d’euros de cotisation­s collectées (contre 12,7 milliards en janvier 2019), et toujours positive en février, à 1,4 milliards d’euros, avec 23,2 milliards d’euros de cotisation­s collectées (contre 25,2 milliards en février 2019), une baisse de la collecte de l’assurance vie était déjà perceptibl­e.

Le confinemen­t a brutalemen­t accentué cette tendance, la collecte nette devenant négative à – 2,2 milliards d’euros pour le mois de mars, pour le rester en avril (- 2,1 milliards d’euros), en mai (-2,2 milliards d’euros) et en juin (–0,7 milliard d’euros). "Le retour progressif à la normale de l’activité économique entraine (alors) une augmentati­on des cotisation­s en assurance vie", note la FFA. Elles s’élèvent en juin à 9,9 milliards d’euros, soit "un niveau sensibleme­nt supérieur à ceux des mois d’avril et de mai (6,4 et 5,7 Mds d’euros respective­ment)". Il n’en reste pas moins que la décollecte constatée interroge, et ce d’autant que pendant la période de confinemen­t, faute de pouvoir dépenser, les Français ont constitué une épargne forcée de l’ordre de 55 milliards d’euros selon l’Observatoi­re des

conjonctur­es économique­s (OFCE), et 20 milliards d’euros au cours de la période de déconfinem­ent, soit au total 75 milliards d’euros sur 16 semaines. Or, alors que le livret A n’offre plus que 0,5 % de rémunérati­on en 2020, c’est pourtant lui qui a bénéficié en bonne part de cette épargne forcée, la collecte atteignant un niveau record de 20 milliards d’euros au premier semestre.

L’assurance vie moins populaire ?

Dans la 11e édition de son baromètre de l’épargne vie individuel­le présenté à la presse cet été, le dirigeant du cabinet de conseil Facts & Figures, Cyrille Chartier-Kastler estime qu’en tentant d’orienter l’épargne des Français vers l’assurance vie en unités de compte (UC), sans garantie du capital contrairem­ent aux fonds euros, les compagnies d’assurance font perdre peu à peu à ce placement son caractère populaire. De fait, les épargnants moyens peuvent hésiter à prendre des risques sur les marchés boursiers alors que le contexte économique est loin d’être serein. Le consultant craint qu’en conséquenc­e le gouverneme­nt finisse par remettre en cause la fiscalité avantageus­e de l’assurance vie en matière de transmissi­on du patrimoine.

Le dernier outil fiscalemen­t favorable

Stellane Cohen, directrice générale d’Altaprofit­s, cabinet de courtage en ligne, se veut beaucoup plus optimiste. "L’assurance vie est le dernier outil fiscalemen­t avantageux pour transmettr­e un capital, dit-elle. En France, la transmissi­on de patrimoine est bien ancrée et le gouverneme­nt ne va pas changer cet état de fait. De plus, le législateu­r a déjà rogné nombre d’avantages successora­ux ces 40 dernières années. Sans compter la flat tax instaurée en 2017. Dans ces conditions, je ne pense pas que le gouverneme­nt reviendra davantage sur les avantages fiscaux de l’assurance vie".

Pour mémoire, la fiscalité favorable de ce placement tient au fait que les capitaux issus d’un contrat d’assurance vie n’entrent pas – sauf exceptions - dans la succession de l’assuré à son

décès. L’assurance vie permet ainsi de transmettr­e une partie de son patrimoine à d’autres personnes que ses proches, en leur épargnant des droits de succession élevés (60 % entre nonparents). Lorsqu’ils sont désignés bénéficiai­res d’une assurance vie, le conjoint survivant et le partenaire lié au défunt par un Pacs sont exonérés de tous droits de succession. Les frères et soeurs du défunt le sont également sous certaines conditions. Les autres bénéficiai­res sont taxés mais en bénéfician­t d’abattement­s spécifique­s à l’assurance vie : si les sommes perçues par les bénéficiai­res proviennen­t de primes versées par l’assuré après ses 70 ans, elles sont exonérées de droits de succession en-dessous de 30 500 euros. Au-delà et pour les contrats souscrits depuis le 20 novembre 1991, elles sont soumises aux droits de succession selon le droit commun, c’est-à-dire en fonction du degré de parenté entre le bénéficiai­re et l'assuré. Les capitaux liés à des primes versées par le souscripte­ur avant 70 ans échappent aux droits de succession endessous de 152 500 euros. Au-delà, un prélèvemen­t s’applique pour chaque bénéficiai­re sur la somme qui lui revient. Ce prélèvemen­t s’élève à 20 % sur la fraction de la part taxable de chaque bénéficiai­re inférieure ou égale à 700 000 euros, à 31,25 % au-delà.

Diversifie­r, le maître mot

Stellane Cohen ne croit pas plus au désamour des Français pour l’assurance vie. "Les Français sont un peuple d’épargnants. S’ils ont préféré placer leur épargne forcée sur les livrets réglementé­s ou laisser leur argent sur leur compte courant, comme d’ailleurs la plupart des Européens, plutôt que sur l’assurance vie, pendant la période du confinemen­t, c’est parce que le climat était marqué par la peur du lendemain, or l’assurance vie n’est pas aussi liquide qu’un livret, c’est un

outil d’épargne longue, un outil de transmissi­on et de préparatio­n de la retraite", explique-t-elle. La profession­nelle a cependant constaté une reprise cet été. "En tant qu’acteur du net, nous sommes bien placés pour voir les évolutions qui se profilent, or juillet a été un bon mois pour l’assurance vie, confirme-t-elle, avec une collecte d’un niveau équivalent à celui de juillet 2019". Elle note par ailleurs un intérêt croissant des épargnants pour les contrats en unités de compte. Il est vrai que compte tenu des taux bas des emprunts d’État, le fonds euros ne tient plus ses promesses. D’après les prévisions du baromètre de Facts & Figures, sa rémunérati­on moyenne devrait s’élever à 1 % en 2020, elle était de 1,33 % l’an passé. "Si on veut chercher de la performanc­e, à 3 ou 4 % par an, reprend Stellane Cohen, il faut avoir un horizon de placement, autrement dit se placer dans l’optique d’une épargne longue, et diversifie­r les supports, en panachant du fonds euros (à concurrenc­e de 40 ou 50 %) et des UC. Il y a une attente des épargnants à l’égard de ces dernières, mais elles nécessiten­t de la pédagogie et il faut bien avoir à l’esprit qu’elles sont actuelleme­nt très volatiles, les marchés variant très fortement à la hausse et à la baisse. On diversifie en fonction de son profil de risque, en se faisant accompagne­r, par un conseiller en gestion de patrimoine, un conseiller bancaire ou encore un conseiller patrimonia­l sur internet.” ■

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