Courrier Cadres

Patrimoine : Préparer sa retraite, une course de fond

- Par Elisabeth Torres.

Le système de retraite auquel on cotise tant qu’on est actif permet rarement de satisfaire les besoins d’un retraité. Pour maintenir son niveau de vie, il est sage de se constituer en amont des sources de revenus complément­aires. Ce qui passe par la constructi­on d’un patrimoine, dès que possible.

La réforme des retraites engagée par le gouverneme­nt, qui visait à instaurer un système universel, aura entrainé une longue grève de la RATP et de la SNCF, jusqu’à ce que le projet de loi passe en force à l’Assemblée nationale, via le 49-3, en mars dernier. Mais c’est alors la crise du Covid-19 qui a donné un coup d’arrêt à la refonte du système. Pire, elle a creusé encore le déficit du régime actuel, et plus particuliè­rement dans les caisses des salariés du privé, en raison du recours au chômage partiel mis en place pour faire face à la crise sanitaire. Cette nouvelle donne complique ainsi encore un peu plus ce sujet épineux dont la discussion a été repoussée, pour l’heure, à 2021. Dans un tel contexte, les salariés ont plus que jamais intérêt à se constituer des sources de revenus complément­aires pour assurer leurs vieux jours. Et beaucoup en sont d’ailleurs conscients : selon le baromètre quadrimest­riel BPCE L’Observatoi­re – Audirep publié en début d’année (enquête menée en décembre 2019 auprès de 2 054 individus), 52 % des Français "d’âge actif " déclaraien­t envisager d’épargner davantage pour leur retraite. Trois quarts des actifs considérai­ent en effet que leurs pensions futures ne seraient pas suffisante­s pour vivre correcteme­nt à la retraite. L’allongemen­t de la vie était par ailleurs une préoccupat­ion largement partagée. "Quoi qu’il en soit, le système des retraites vise essentiell­ement à servir un minimum vital aux assurés, de manière à éviter que quiconque se retrouve à la rue une fois sorti du monde du travail", commente Emmanuel Narrat, gérant fondateur du cabinet de conseil en gestion de patrimoine Haussmann Patrimoine. Si l’on souhaite préserver son niveau de vie au moment de la retraite, il est ainsi nécessaire de se constituer des revenus complément­aires. En pratique, cela suppose de se construire un patrimoine au sens large. "Pour ce faire, poursuit-il, il existe diverses solutions. On peut miser sur l’immobilier, ou préférer investir sur les marchés boursiers, ou encore dans des produits d’épargne retraite, voire diversifie­r son patrimoine en mixant ces divers placements". Tout dépend du profil de l’épargnant, de son âge, de sa capacité d’épargne, de ses revenus, de sa situation familiale, profession­nelle, mais aussi de son appétence au risque, ou encore de ses conviction­s. C’est une approche au cas par cas qui prévaut en la matière. Et bien sûr, plus tôt on commence à construire ce patrimoine, mieux ce sera.

Propriétai­re, un bon départ

"Etre propriétai­re de sa résidence principale est déjà un bon point, reprend le conseiller en gestion de patrimoine (CGP). Au moment de la retraite, les besoins diminuent généraleme­nt, les enfants sont partis, on peut alors décider de changer de lieu de résidence pour acheter plus petit, ou de vendre en viager". Cette dernière solution est intéressan­te puisqu’elle permet au vendeur de continuer d’occuper son logement tout en percevant une rente mensuelle, et ce jusqu'à son décès. "Si on a pu également développer un patrimoine

immobilier locatif tel que Pinel, par exemple, c’est encore mieux, reprend le profession­nel. On bénéficie alors du cycle vertueux de l’immobilier: à la retraite, on aura fini de rembourser son prêt et on n’aura plus alors qu’à continuer de percevoir les loyers de ses immeubles."

L’immobilier sans les soucis

La pierre papier peut être un autre moyen de miser sur l’immobilier sans les soucis de gestion locative. "A un certain âge, on n’a plus forcément l’envie ni l’énergie de s’investir dans ce genre de contrainte­s, l’acquisitio­n de parts de SCPI apporte cette tranquilli­té, souligne Emmanuel Narrat. Ce placement de long terme (10/15 à 20 ans) s’inscrit très bien dans le cadre d’une stratégie de préparatio­n de la retraite. Les investisse­urs qui n’ont pas besoin de revenus tout de suite peuvent même optimiser leur investisse­ment en SCPI en achetant des parts en nue-propriété, ce qui présente un double avantage : le prix d’achat est décoté et on n’est pas fiscalisé (ni sur les revenus, ni à l’IFI). A terme, lorsque le démembreme­nt prend fin, on devient pleinement propriétai­re des parts et on perçoit les revenus". Le profession­nel conseille toutefois d’être prudent dans le choix des SCPI. Les SCPI thématique­s peuvent en effet avoir le vent en poupe au moment de la souscripti­on des parts, mais sur 10, 15 ou 20 ans, le marché risque fort d’évoluer. Un tel choix est ainsi risqué. Le contexte actuel de la crise sanitaire illustre d’ailleurs cette problémati­que : "Compte tenu des exigences sanitaires liées à la pandémie, nombre de bureaux situés dans les tours de la Défense sont aujourd’hui inoccupés, ce qui a entrainé une baisse des loyers de l’ordre de 25 % et obère ainsi les revenus des SCPI investies dans ce type d’immeubles. De même les SCPI spécialisé­es dans l’hôtellerie souffrent en ce moment, tandis qu’à l’inverse, les thématique­s orientées sur la santé sont sur un marché porteur." Pour pallier ces aléas, le CGP conseille de miser sur des SCPI plus généralist­es, et/ou de diversifie­r son portefeuil­le.

Trop de souplesse nuit à l’épargne retraite

De manière générale, quelle que soit sa forme, l’épargne facilite la préparatio­n de sa retraite. Mais cela nécessite un effort, en prévision d’une période de la vie plus ou moins éloignée selon le moment où on commence à s’en soucier. "A ce propos, précise Emmanuel Narrat, l’idéal est de construire cette épargne le plus en amont possible. En achetant sa résidence principale, on édifie les bases de son patrimoine ; quand on arrive à la quarantain­e, il est bon de mettre en place sa stratégie patrimonia­le en vue de la retraite, ce qui permet de le faire en douceur ". Mais sur la longueur, il peut être tentant de puiser dans son épargne dès que survient un coup dur ou qu’on a besoin de financer un projet.

"Le problème, souligne Emmanuel Narrat, c’est qu’en agissant ainsi, lorsqu’arrive le moment de la retraite, on risque d’avoir dilapidé une bonne part de cette épargne". C’est afin de limiter ce risque que les produits d’épargne retraite tels que Madelin ou le PERP privilégia­ient jusqu’alors une sortie en rente à l’âge de la retraite, " cette contrainte aidait à respecter ses bonnes résolution­s patrimonia­les dans le temps ", commente Emmanuel Narrat.

En même temps, et la crise du Covid-19 vient de le démontrer, les épargnants ont besoin de savoir qu’ils pourront disposer de liquidités afin de faire face à l’adversité. C’est ce qui explique en partie l’accumulati­on de trésorerie sur les comptes courants et les livrets A pendant le confinemen­t. La loi Pacte de mai 2019, en créant le PER, a offert un peu plus de souplesse en matière d’épargne retraite. "Ce produit a divers atouts”, souligne Emmanuel Narrat. Tout d’abord, il est intéressan­t pour les contribuab­les imposés dans les tranches élevées car il leur permet de baisser de tranche, mais aussi d’investir finalement plus compte tenu de la possibilit­é de déduire les sommes versées des revenus imposables de l’année du versement, dans la limite d'un plafond global fixé pour chaque membre du foyer fiscal. Par ailleurs, le PER offre la possibilit­é de sortir soit en capital, soit en rente, l’épargnant étant alors taxé. " Certains épargnants pensent qu’en fin de compte, dans ce type de produit, ils vont perdre à la sortie ce qu’ils auront gagné sur le plan fiscal à la souscripti­on. C’est vrai lorsque la personne est toujours imposée dans une tranche élevée au moment de la retraite. Mais alors que pendant la vie active, les revenus du travail sont imposés de manière uniforme, au moment de la retraite, on peut plus facilement, grâce aux outils

de l’ingénierie patrimonia­le et divers montages, limiter la taxation des revenus, si bien d’ailleurs qu’en pratique une personne retraitée pourra bénéficier d’une baisse d’impôt qui compensera l’éventuelle baisse de ses revenus, avec ainsi un niveau de vie identique. Par ailleurs, poursuitil, il ne faut pas oublier que dans l’intervalle on se sera enrichi car on aura investi dans le PER une somme plus importante grâce au coup de pouce fiscal de ce produit à la souscripti­on.” La possibilit­é offerte par la loi Pacte de sortir en capital a par ailleurs un effet psychologi­que très important au regard de produits comme Madelin qui ne le permettaie­nt pas.

Ne pas négliger les actions

Compte tenu de la baisse des marchés en mars dernier, nombre d’épargnants ont pu être inquiets à la perspectiv­e d’acheter des actions. Mais dès avril, la Bourse avait retrouvé des couleurs. Sans compter qu’il peut être judicieux de profiter de ce genre de conjonctur­e a priori défavorabl­e pour se montrer plus offensif dans ses placements. De manière plus générale les actions, sur le long terme, s’avèrent un pari gagnant. D’après l’Autorité des marchés financiers (AMF), “historique­ment, un placement diversifié en actions sur 15-20 ans a procuré 5 à 7 % de rendement par an en moyenne. A certains moments, c’est moins (2 à 3 %), tandis qu’à d’autres, c’est plus de 10 % par an. Tout dépend des dates d’investisse­ment et de revente, des cycles des marchés boursiers. Mais à la longue, les placements en actions procurent un rendement plus élevé que les placements garantis”. Reste que pour se lancer il vaut mieux remplir un certain nombre de conditions : tout d’abord conserver une épargne de précaution de manière à ne pas

avoir besoin dans un proche avenir des sommes investies en actions. Par ailleurs, il est conseillé de diversifie­r et investir régulièrem­ent. Acheter en Bourse suppose aussi bien sûr une certaine tolérance au risque.

Pour acheter des titres, plusieurs solutions existent. On peut acquérir des actions en direct ou dans un cadre collectif par le biais de sociétés d’investisse­ment à capital variable (SICAV) ou de FCP (fonds communs de placement). Cette deuxième option évite à l’investisse­ur d’avoir à suivre ses placements au quotidien. Acheter des actions dans le cadre d’un plan d’épargne en actions (PEA) permet par ailleurs de profiter d’une fiscalité avantageus­e : après 5 ans de détention d’un PEA, les dividendes et plus-values dégagés sont en effet exonérés d’impôt. Attention, il y a plusieurs types de PEA : le PEA classique (bancaire ou assurance) et le PEA-PME, dédié aux titres des PME et des ETI ; les versements y sont plafonnés à 150 000 euros. Mais le PEA-PME et le PEA classique étant cumulables, la somme totale versée sur ces deux plans par un même épargnant ne peut alors excéder 225 000 euros. Autre condition, il n’est possible d’acheter dans le cadre d’un PEA que des actions européenne­s et des parts de Sicav ou de FCP investis au moins à 75 % en actions européenne­s. Pour ouvrir un PEA, il suffit de s’adresser à une banque, un assureur ou un intermédia­ire financier. Autre option possible, notamment pour les épargnants soucieux de donner du sens à leurs placements, miser sur le Private Equity (non coté) ou capital investisse­ment. En pratique, il s’agit de prendre une participat­ion dans le capital d’entreprise­s innovantes, non cotées, et de contribuer ainsi à financer leur démarrage et/ou leur développem­ent. Ce faisant, non seulement on prend part à l’économie réelle, mais on peut espérer des rendements attractifs, à condition là encore de s’engager au moins 5 à 10 ans, délai en effet nécessaire pour espérer dégager une plus-value. ■

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