Patrimoine : Préparer sa retraite, une course de fond
Le système de retraite auquel on cotise tant qu’on est actif permet rarement de satisfaire les besoins d’un retraité. Pour maintenir son niveau de vie, il est sage de se constituer en amont des sources de revenus complémentaires. Ce qui passe par la construction d’un patrimoine, dès que possible.
La réforme des retraites engagée par le gouvernement, qui visait à instaurer un système universel, aura entrainé une longue grève de la RATP et de la SNCF, jusqu’à ce que le projet de loi passe en force à l’Assemblée nationale, via le 49-3, en mars dernier. Mais c’est alors la crise du Covid-19 qui a donné un coup d’arrêt à la refonte du système. Pire, elle a creusé encore le déficit du régime actuel, et plus particulièrement dans les caisses des salariés du privé, en raison du recours au chômage partiel mis en place pour faire face à la crise sanitaire. Cette nouvelle donne complique ainsi encore un peu plus ce sujet épineux dont la discussion a été repoussée, pour l’heure, à 2021. Dans un tel contexte, les salariés ont plus que jamais intérêt à se constituer des sources de revenus complémentaires pour assurer leurs vieux jours. Et beaucoup en sont d’ailleurs conscients : selon le baromètre quadrimestriel BPCE L’Observatoire – Audirep publié en début d’année (enquête menée en décembre 2019 auprès de 2 054 individus), 52 % des Français "d’âge actif " déclaraient envisager d’épargner davantage pour leur retraite. Trois quarts des actifs considéraient en effet que leurs pensions futures ne seraient pas suffisantes pour vivre correctement à la retraite. L’allongement de la vie était par ailleurs une préoccupation largement partagée. "Quoi qu’il en soit, le système des retraites vise essentiellement à servir un minimum vital aux assurés, de manière à éviter que quiconque se retrouve à la rue une fois sorti du monde du travail", commente Emmanuel Narrat, gérant fondateur du cabinet de conseil en gestion de patrimoine Haussmann Patrimoine. Si l’on souhaite préserver son niveau de vie au moment de la retraite, il est ainsi nécessaire de se constituer des revenus complémentaires. En pratique, cela suppose de se construire un patrimoine au sens large. "Pour ce faire, poursuit-il, il existe diverses solutions. On peut miser sur l’immobilier, ou préférer investir sur les marchés boursiers, ou encore dans des produits d’épargne retraite, voire diversifier son patrimoine en mixant ces divers placements". Tout dépend du profil de l’épargnant, de son âge, de sa capacité d’épargne, de ses revenus, de sa situation familiale, professionnelle, mais aussi de son appétence au risque, ou encore de ses convictions. C’est une approche au cas par cas qui prévaut en la matière. Et bien sûr, plus tôt on commence à construire ce patrimoine, mieux ce sera.
Propriétaire, un bon départ
"Etre propriétaire de sa résidence principale est déjà un bon point, reprend le conseiller en gestion de patrimoine (CGP). Au moment de la retraite, les besoins diminuent généralement, les enfants sont partis, on peut alors décider de changer de lieu de résidence pour acheter plus petit, ou de vendre en viager". Cette dernière solution est intéressante puisqu’elle permet au vendeur de continuer d’occuper son logement tout en percevant une rente mensuelle, et ce jusqu'à son décès. "Si on a pu également développer un patrimoine
immobilier locatif tel que Pinel, par exemple, c’est encore mieux, reprend le professionnel. On bénéficie alors du cycle vertueux de l’immobilier: à la retraite, on aura fini de rembourser son prêt et on n’aura plus alors qu’à continuer de percevoir les loyers de ses immeubles."
L’immobilier sans les soucis
La pierre papier peut être un autre moyen de miser sur l’immobilier sans les soucis de gestion locative. "A un certain âge, on n’a plus forcément l’envie ni l’énergie de s’investir dans ce genre de contraintes, l’acquisition de parts de SCPI apporte cette tranquillité, souligne Emmanuel Narrat. Ce placement de long terme (10/15 à 20 ans) s’inscrit très bien dans le cadre d’une stratégie de préparation de la retraite. Les investisseurs qui n’ont pas besoin de revenus tout de suite peuvent même optimiser leur investissement en SCPI en achetant des parts en nue-propriété, ce qui présente un double avantage : le prix d’achat est décoté et on n’est pas fiscalisé (ni sur les revenus, ni à l’IFI). A terme, lorsque le démembrement prend fin, on devient pleinement propriétaire des parts et on perçoit les revenus". Le professionnel conseille toutefois d’être prudent dans le choix des SCPI. Les SCPI thématiques peuvent en effet avoir le vent en poupe au moment de la souscription des parts, mais sur 10, 15 ou 20 ans, le marché risque fort d’évoluer. Un tel choix est ainsi risqué. Le contexte actuel de la crise sanitaire illustre d’ailleurs cette problématique : "Compte tenu des exigences sanitaires liées à la pandémie, nombre de bureaux situés dans les tours de la Défense sont aujourd’hui inoccupés, ce qui a entrainé une baisse des loyers de l’ordre de 25 % et obère ainsi les revenus des SCPI investies dans ce type d’immeubles. De même les SCPI spécialisées dans l’hôtellerie souffrent en ce moment, tandis qu’à l’inverse, les thématiques orientées sur la santé sont sur un marché porteur." Pour pallier ces aléas, le CGP conseille de miser sur des SCPI plus généralistes, et/ou de diversifier son portefeuille.
Trop de souplesse nuit à l’épargne retraite
De manière générale, quelle que soit sa forme, l’épargne facilite la préparation de sa retraite. Mais cela nécessite un effort, en prévision d’une période de la vie plus ou moins éloignée selon le moment où on commence à s’en soucier. "A ce propos, précise Emmanuel Narrat, l’idéal est de construire cette épargne le plus en amont possible. En achetant sa résidence principale, on édifie les bases de son patrimoine ; quand on arrive à la quarantaine, il est bon de mettre en place sa stratégie patrimoniale en vue de la retraite, ce qui permet de le faire en douceur ". Mais sur la longueur, il peut être tentant de puiser dans son épargne dès que survient un coup dur ou qu’on a besoin de financer un projet.
"Le problème, souligne Emmanuel Narrat, c’est qu’en agissant ainsi, lorsqu’arrive le moment de la retraite, on risque d’avoir dilapidé une bonne part de cette épargne". C’est afin de limiter ce risque que les produits d’épargne retraite tels que Madelin ou le PERP privilégiaient jusqu’alors une sortie en rente à l’âge de la retraite, " cette contrainte aidait à respecter ses bonnes résolutions patrimoniales dans le temps ", commente Emmanuel Narrat.
En même temps, et la crise du Covid-19 vient de le démontrer, les épargnants ont besoin de savoir qu’ils pourront disposer de liquidités afin de faire face à l’adversité. C’est ce qui explique en partie l’accumulation de trésorerie sur les comptes courants et les livrets A pendant le confinement. La loi Pacte de mai 2019, en créant le PER, a offert un peu plus de souplesse en matière d’épargne retraite. "Ce produit a divers atouts”, souligne Emmanuel Narrat. Tout d’abord, il est intéressant pour les contribuables imposés dans les tranches élevées car il leur permet de baisser de tranche, mais aussi d’investir finalement plus compte tenu de la possibilité de déduire les sommes versées des revenus imposables de l’année du versement, dans la limite d'un plafond global fixé pour chaque membre du foyer fiscal. Par ailleurs, le PER offre la possibilité de sortir soit en capital, soit en rente, l’épargnant étant alors taxé. " Certains épargnants pensent qu’en fin de compte, dans ce type de produit, ils vont perdre à la sortie ce qu’ils auront gagné sur le plan fiscal à la souscription. C’est vrai lorsque la personne est toujours imposée dans une tranche élevée au moment de la retraite. Mais alors que pendant la vie active, les revenus du travail sont imposés de manière uniforme, au moment de la retraite, on peut plus facilement, grâce aux outils
de l’ingénierie patrimoniale et divers montages, limiter la taxation des revenus, si bien d’ailleurs qu’en pratique une personne retraitée pourra bénéficier d’une baisse d’impôt qui compensera l’éventuelle baisse de ses revenus, avec ainsi un niveau de vie identique. Par ailleurs, poursuitil, il ne faut pas oublier que dans l’intervalle on se sera enrichi car on aura investi dans le PER une somme plus importante grâce au coup de pouce fiscal de ce produit à la souscription.” La possibilité offerte par la loi Pacte de sortir en capital a par ailleurs un effet psychologique très important au regard de produits comme Madelin qui ne le permettaient pas.
Ne pas négliger les actions
Compte tenu de la baisse des marchés en mars dernier, nombre d’épargnants ont pu être inquiets à la perspective d’acheter des actions. Mais dès avril, la Bourse avait retrouvé des couleurs. Sans compter qu’il peut être judicieux de profiter de ce genre de conjoncture a priori défavorable pour se montrer plus offensif dans ses placements. De manière plus générale les actions, sur le long terme, s’avèrent un pari gagnant. D’après l’Autorité des marchés financiers (AMF), “historiquement, un placement diversifié en actions sur 15-20 ans a procuré 5 à 7 % de rendement par an en moyenne. A certains moments, c’est moins (2 à 3 %), tandis qu’à d’autres, c’est plus de 10 % par an. Tout dépend des dates d’investissement et de revente, des cycles des marchés boursiers. Mais à la longue, les placements en actions procurent un rendement plus élevé que les placements garantis”. Reste que pour se lancer il vaut mieux remplir un certain nombre de conditions : tout d’abord conserver une épargne de précaution de manière à ne pas
avoir besoin dans un proche avenir des sommes investies en actions. Par ailleurs, il est conseillé de diversifier et investir régulièrement. Acheter en Bourse suppose aussi bien sûr une certaine tolérance au risque.
Pour acheter des titres, plusieurs solutions existent. On peut acquérir des actions en direct ou dans un cadre collectif par le biais de sociétés d’investissement à capital variable (SICAV) ou de FCP (fonds communs de placement). Cette deuxième option évite à l’investisseur d’avoir à suivre ses placements au quotidien. Acheter des actions dans le cadre d’un plan d’épargne en actions (PEA) permet par ailleurs de profiter d’une fiscalité avantageuse : après 5 ans de détention d’un PEA, les dividendes et plus-values dégagés sont en effet exonérés d’impôt. Attention, il y a plusieurs types de PEA : le PEA classique (bancaire ou assurance) et le PEA-PME, dédié aux titres des PME et des ETI ; les versements y sont plafonnés à 150 000 euros. Mais le PEA-PME et le PEA classique étant cumulables, la somme totale versée sur ces deux plans par un même épargnant ne peut alors excéder 225 000 euros. Autre condition, il n’est possible d’acheter dans le cadre d’un PEA que des actions européennes et des parts de Sicav ou de FCP investis au moins à 75 % en actions européennes. Pour ouvrir un PEA, il suffit de s’adresser à une banque, un assureur ou un intermédiaire financier. Autre option possible, notamment pour les épargnants soucieux de donner du sens à leurs placements, miser sur le Private Equity (non coté) ou capital investissement. En pratique, il s’agit de prendre une participation dans le capital d’entreprises innovantes, non cotées, et de contribuer ainsi à financer leur démarrage et/ou leur développement. Ce faisant, non seulement on prend part à l’économie réelle, mais on peut espérer des rendements attractifs, à condition là encore de s’engager au moins 5 à 10 ans, délai en effet nécessaire pour espérer dégager une plus-value. ■