Leadership : Une question de genre ?
Pour certains, il n’existe aucune différence dans les styles de leadership entre les hommes et les femmes, quand, pour d’autres, les femmes auraient un style de management plus interactif, plus orienté vers le relationnel ou l’empathie ! Question complexe s’il en est, témoignant de contradictions ici ou là nous le voyons ! Preuve que le débat est encore vif au sein même de la littérature académique sur ce sujet.
Sur la grande totalité des études qui sont consacrées aux différences dans les styles de leadership entre les hommes et les femmes, une tendance semble se dégager : in fine, les travaux montrent que le genre aurait un impact qui ferait du style au féminin quelque chose de plus démocratique, quand le masculin serait plus autoritaire. Finalement, ce constat est peut-être le plus petit dénominateur de cet enjeu. Mais, pour mieux comprendre, un détour par la notion de "genre" est utile bien qu’elle fasse débat, surtout en France ! D’aucuns, en effet, récusent ce concept, ce qui a provoqué des affrontements idéologiques passionnés, contribuant à sortir le "Genre et les Gender Studies" de leur tanière universitaire. Les études de genre ne sortent pas indemnes de cette politisation. Elles sont maintenant montrées du doigt ou conspuées, et sont devenues le jouet de militantismes croisés. Bref, revenons aux fondamentaux de la sociologie et établissons que si le sexe est biologique, le genre est lui un enchevêtrement d’éléments socio-historiques. Le genre est une construction, il est en devenir au regard des expériences et des socialisations. Donc, partant de ce principe, il n’existe pas de management au féminin au sens biologique du terme, de même qu’il n’y a pas de management au masculin. En revanche, il peut y avoir deux dimensions à prendre en compte. Premièrement, des attendus stéréotypés (la douceur généralement attribuée aux femmes par exemple) qui font que le management au féminin est plutôt mal accepté quand il se fait autoritaire. Ce qui induit de la part des femmes comme des hommes, des comportements répondant à ces attendus stéréotypés. Deuxièmement, des faits expériencés qui colorent ici ou là des types de management. Femmes et hommes ne sont pas sous les mêmes dynamiques en termes de socialisation. "Aux petits garçons les jouets de conquête, aux petites filles ceux du bien-être". Ces processus de socialisation peuvent ici ou là se répercuter dans un "style" managérial. Mais, cela ne nous autorise pas à généraliser, voire à caricaturer et à enfermer dans des stéréotypes.
Aplatissement des niveaux hiérarchiques
Au final, c’est plutôt, la diversité des parcours de vie qui va prévaloir. Sauf à penser que toutes les femmes ont eu des vies identiques. Certes, quelques tendances peuvent se dégager et par conséquent expliquer un management un peu plus démocratique quand il se décline au féminin, mais il serait un peu simpliste de concevoir le management des hommes comme uniforme et toujours autoritaire. C’est certainement la diversité qui domine dans toute cette nébuleuse.
Mais le plus important n’est peut-être plus là aujourd’hui. Au lieu de continuer à débattre sur le sexe idéal du management, il semble bien plus pertinent de questionner ses grands enjeux. Car en effet :
• Quand les objectifs assignés sont posés par des actionnaires n’ayant
qu’une seule vision, la maximisation du profit, comment être un homme ou une femme pourrait changer les choses.
• Quand les outils appliqués et les moyens mis en oeuvre ne répondent finalement qu’à ce pourquoi ils ont été créés, il est utopique de penser que parce que celui ou celle qui les utilise est d’un sexe différent alors leurs résultats seront différents !
• Quand une nouvelle génération arrive sur le marché, ce n’est pas sa féminité ou sa masculinité qui va importer mais bien le fait qu’elle sera juste nouvelle et donc porteuse d’autres valeurs, lui permettant de détourner des voies communes pour les mettre en place.
En ce début du 21ème siècle, les organisations et les salariés tendent plutôt vers moins de management, comme en témoigne l’engouement international pour les entreprises libérées, l’holacratie, les entreprises agiles, etc., soit une volonté globale d’aplatissement des niveaux hiérarchiques et de réponse à la crise des structures.
En effet, à cause de sa quête du toujours plus, avec toujours moins, mal importé de l’industrie et du Lean Management, et donc mal appliqué aux secteurs de l’Economie et de la Société dans son ensemble, le management est devenu une cause de souffrance pour les hommes et pour les femmes. C’est en ce sens que les chercheurs en Sciences Humaines et Sociales expliquent les désastres causés par le management. De leur côté, les Sciences de Gestion s’interrogent sur le rôle des managers, coincés entre leurs collaborateurs, les injonctions paradoxales liées aux délais et aux objectifs imposés par une hiérarchie déconnectée et les évolutions partielles perpétuelles.
Alors féminin, masculin, là n’est déjà plus la question ! L’enjeu de demain, et déjà d’aujourd’hui, est celui d’un management qui retrouve du sens et qui permette à chacun et à chacune de trouver sa place. ■ Par Virginie Martin, Professeure à KEDGE, Dr en sciences politiques, HDR en sciences de gestion, politiste et sociologue et Katia Richomme-Huet, Professeure associée à KEDGE, Dr HDR en sciences de gestion, responsable de la chaire Handicap et Management.