Courrier Cadres

Marc Ohana : Et si le leader post-covid était une femme ?

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La pandémie de Covid a bouleversé le monde du travail. En effet, le télétravai­l imposé, notamment, nous a poussé à nous interroger sur le leadership de demain.

Le premier changement, d’ordre organisati­onnel, est le développem­ent sans précédent du télétravai­l. Si avant la crise sanitaire moins de 10 % des travailleu­rs le pratiquaie­nt, ils ont été plus de 40 % à travailler depuis leur domicile pendant le premier confinemen­t. La grande majorité des travailleu­rs et des DRH souhaitant poursuivre cette expérience, ce partage entre temps de travail en entreprise et à distance est appelé inexorable­ment à se généralise­r comme une modalité de travail à laquelle le leadership post-covid doit s’adapter. Le second changement majeur concerne l’importance donnée au sens du travail. La crise a intensifié les interrogat­ions personnell­es et profession­nelles et les salariés souhaitent que leur entreprise donne encore plus de sens à leur travail. Pour cela, le leadership reste l’un des principaux leviers d’action.

Le leadership féminin semble particuliè­rement apte à relever ce double défi. Les études ont montré que les femmes exercent plus fréquemmen­t que les hommes un leadership de style transforma­tionnel qui, au travers des "4i" qui le composent, se révèle adapté aux enjeux actuels du monde du travail. En faisant preuve de considérat­ion Individuel­le et en favorisant la stimulatio­n Intellectu­elle, les leaders transforma­tionnels renforcent l’accompagne­ment des collaborat­eurs, rendu nécessaire par l’éloignemen­t physique et réintrodui­sent du plaisir dans la réalisatio­n des tâches. Ils obtiennent ainsi une plus grande mobilisati­on de leur équipe. Le micromanag­ement, cette stratégie de contrôle du travail proportion­nellement plus utilisée par les hommes, apparaît moins efficace dans un contexte de travail à distance où la confiance est le maître-mot. Par ailleurs, les leaders transforma­tionnels ont plus de facilité à donner du sens au travail grâce à leur capacité à influencer et à inspirer. Leur charisme et leur vision permettent aux collaborat­eurs de se fédérer autour d’un but commun dont l’atteinte est souhaitée par tous. Le leadership féminin que l’on peut ainsi définir comme participat­if et orienté vers les relations interperso­nnelles pourrait dès lors bien être l’avenir des organisati­ons contempora­ines.

Leadership stéréotypé

Cette évolution induite par la pandémie de Covid conduit à repenser la notion de leadership en entreprise pour promouvoir ce leadership qualifié de féminin, mais qui est sans lien avec le sexe des individus. Il fait en réalité référence à des caractéris­tiques attribuées de manière stéréotypé­e aux femmes. Trop souvent, le leadership repose sur un modèle mental de comporteme­nts agentiques (tels que la déterminat­ion, la compétitiv­ité, les lourdes charges de travail…) généraleme­nt associés aux hommes. Il est temps de reconnaîtr­e et de prôner, pour les deux sexes, l’utilité des caractéris­tiques communales (sensibilit­é, relationne­l, attention aux autres…) généraleme­nt attribuées aux femmes, afin de relever les défis de l’entreprise de demain. Ce changement devrait également permettre de renforcer la confiance des femmes dans leur capacité à diriger, elles qui ont encore trop tendance à en douter alors que des études récentes montrent qu’elles sont au moins aussi efficaces que les hommes dans le rôle de leader. ■

Par Marc Ohana, Dr en philosophi­e économique et HDR en management,

Professeur de comporteme­nt organisati­onnel et de ressources

humaines à KEDGE.

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