Mice : Crise sanitaire, les séminaires à l’heure du Covid
Touchés par la crise mais pas coulés, les professionnels multiplient les protocoles sanitaires et adaptent leurs offres, en pariant notamment sur les solutions virtuelles, pour accompagner les entreprises en toute sécurité.
En ce 12 janvier, Philippe Knoche, le directeur général d’Orano (ex-Areva), a réinventé ses voeux. Pas d’embrassades, pas de petits fours. L’entreprise a remercié ses collaborateurs… virtuellement. Aux commandes de l’opération, l’agence événementielle S’Cape. Elle a organisé cette journée autour d’un site web sécurisé sur lequel chacun a pu se connecter, depuis chez lui. D’abord un "Green Game" à distance, jeu par équipe autour d’une thématique RSE, puis un temps de relaxation avec un "yoga des yeux". L’après-midi, place aux perspectives de l’année 2021 où chacun a pu poser des questions via la plate-forme Sparkup. Enfin, un challenge musical a clôturé cette journée pas comme les autres.
L’initiative est loin d’être isolée alors que la crise du Covid 19 a entraîné un plongeon de l’activité événementielle de 60 à 80 % en 2020. Et 2021 s’annonce toujours difficile. "Le recul pourrait encore atteindre 50 %", estime Frédéric Pitrou, secrétaire général de l’Union Française des Métiers de l’Evénement (Unimev), qui ne prévoit pas de retour à la normale avant 2022. Alors en attendant une reprise qui passe par la vaccination, les professionnels font preuve de résilience et se réinventent à marche forcée pour continuer à réunir les entreprises, en toute sécurité. Si le marché des gros congrès est à l’arrêt, sans doute pour encore plusieurs mois, celui des événements et réunions de quelques dizaines de participants pourrait retrouver une dynamique au second semestre. Et dans un premier temps, cette reprise passera par la France. "Le retour à des séminaires ou des voyages incentives à l’étranger est incertain tant, au-delà des règles sanitaires, les préoccupations environnementales sont devenues importantes", estime Jean François Geffrin, directeur de l’agence Compagnie Privée. Toute la chaîne de production fait preuve d’agilité pour s’adapter. La SNCF et les compagnies aériennes, à commencer par Air France, autorisent l’annulation et le remboursement des billets sans contrainte ni pénalité pour inciter les entreprises à réserver, sans risque financier. Les agences organisent des événements sécurisés, quitte à augmenter leurs coûts et sacrifier leurs marges : groupes réduits et espaces plus vastes pour favoriser la distanciation, parcours fléchés,
fourniture de masques et gels, éléments 100 % jetables pour les pauses-cafés ou encore portions individuelles pour éviter les contacts lors des repas; Mêmes engagements pour les spécialistes de l’accueil de séminaires. Ainsi Châteauform, qui organise 20 000 opérations par an dans des "maisons" (espaces atypiques dédiés aux entreprises) mais aussi des lieux événementiels plus conventionnels. En 2020, son chiffre d’affaires est tombé à 80 millions d'euros, contre 255 millions d'euros initialement espérés. Mais pas question de baisser les bras ! L’entreprise a mis en place une charte de sécurité Covid 19 en partenariat avec le groupe Socotec. Parallèlement, elle a ajusté son offre pour répondre à des clients encore frileux à l’idée de réunir physiquement leurs collaborateurs, à travers de nouvelles offres digitales ou hybrides. Dans l’air du temps depuis déjà quelques années, ces offres connaissent un fort coup d’accélérateur avec la crise. Elles associent une partie en présentiel (sur scène et en salle) et l’autre en virtuel, avec des participants sagement assis chez eux, derrière leurs ordinateurs. Ainsi, Châteauform propose une nouvelle solution sur-mesure de streaming événementiel dans l’ensemble de ses "maisons". Trois studios professionnels ont également été aménagés en Île-de-France, dont l’un dans le site du groupe situé sur la prestigieuse Avenue Georges V, à Paris. Mur de leds, régie professionnelle, espace scénique modulable équipé de caméras robotisées… les entreprises y trouvent une technologie de pointe, pour leurs conférences, tables rondes ou présentation de produits.
HYBRIDATION
Fortement impactés par l’annulation des gros événements et les fermetures de frontières, les palais de congrès sont également actifs. Ils ont réorienté leur activité vers les PME, mettant en avant leurs vastes amphithéâtres et salles de réunion pour accueillir des réunions dans un strict respect des obligations sanitaires. Ils investissent également dans la technologie pour proposer - eux aussi - des solutions digitales, à travers des platesformes offrant divers degrés d’interactivité entre les participants sur scène et le public, derrière son écran. Ainsi le palais des congrès de Mandelieu-La Napoule, qui a inauguré un studio de streaming en juin. De son côté, VIParis, qui gère les plus grands sites de la capitale, a aménagé des studios TV au Palais des Congrès de la Porte Maillot, aux salles du Carrousel (Louvre) ou encore sur le toit d’un pavillon de Paris Expo, Porte de Versailles. Les prix démarrent à 3 500 euros la journée de
location, techniciens inclus. Cette hybridation des événements est également le leitmotiv des groupes hôteliers internationaux, avec la certitude que la formule sera déterminante à court terme. Selon une étude réalisée pour Accor en juillet, 69 % des clients interrogés en Europe envisageaient d’organiser des événements mi-virtuels mi-présentiels en 2021 pour contourner les contraintes de déplacement et sanitaires. Le groupe français (dont les hôtels sont désormais labellisés ALLSafe) a lancé une offre de solutions adaptées aux réunions hybrides, depuis la simple visioconférence jusqu’à des événements simultanés dans plusieurs hôtels en France ou en Europe. Le but n’est pas de remplacer les réunions physiques, mais d’offrir une solution alternative répondant aux besoins actuels. Environ 500 hôtels en Europe disposant des matériels indispensables - wifi de très haute qualité, caméras directionnelles pour suivre l’orateur, sécurisation des données - sont associés à l’initiative.
De son côté, le Groupe Lucien Barrière (qui accueille 4500 événements par an) vient de s’associer à TF1 Factory, l’agence de production audiovisuelle du groupe TF1, pour lancer son offre "Corporate broadcast". "Un événement digital doit être impactant. Pour cela, nous avons réuni la qualité de nos sites et le meilleur de l’expertise télévisuelle", précise Emmanuelle Anglade, directrice générale en charge du commercial et du marketing du Groupe Lucien Barrière. Les deux partenaires ont conçu trois offres clé en main, aménageables dans 10 hôtels et 14 casinos, et que les vedettes de TF1 peuvent animer : un plateau radio filmé adapté aux petites réunions ou Comex, un plateau débat (conférences, séminaires…) et un plateau magazine. Ces formules, à partir de 8 500 euros, sont déclinables en version hybride, avec la possibilité d’accueillir des participants dans le respect des gestes… barrières !
Pour autant, alors que le télétravail se généralise, les entreprises vont aussi avoir besoin de regrouper leurs salariés en "vrai" dans un futur proche, pour favoriser une cohésion d’équipe mise à mal depuis de longs mois. "Le présentiel sera plus que jamais essentiel. Après la crise, les gens vont avoir besoin de se retrouver, peut-être plus souvent mais aussi plus simplement", prédit Daniel Abittan, le président de Châteauform. Il estime qu’à moyen terme, les événements hybrides ou virtuels ne
représenteront pas plus de 20 % du marché. Parallèlement au développement de solutions digitales, les agences sont donc nombreuses à ajuster leurs offres avec des expériences au grand air, où distanciation et écoresponsabilité font bon ménage. Directrice de Biarritz For Events, Isabelle Mata vient de lancer la marque Ekko pour organiser des séminaires au vert dans le sud-ouest de la France qui répondent aux nouvelles contraintes sanitaires, avec des activités de team-building éco-responsables : expériences sensorielles, sylvothérapie dans la forêt ou encore réalisation d’oeuvres d’art à partir de déchets récupérés. À Nantes, l’agence Cravates & Sandalettes prépare elle aussi "l’après". Elle développe un concept de micro-aventures d’une demie journée à deux jours en pariant sur la proximité, sans renier sur l’originalité. Au menu, découvrir l’air doux de la Vendée, l’esprit tonique de la Bretagne, les couleurs de la Normandie ou les trésors cachés de la Loire. Réunions virtuelles pour partager chiffres et stratégie et team-building éco-responsables, et au plus près de chez soi, pour favoriser la cohésion d’entreprise… Et si c’était cela, le tourisme d’affaires de demain ? ■