Courrier Cadres

Entretien : Alexandre Mars, entreprene­ur humaniste

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À la tête de plusieurs entreprise­s notamment Epic dans le domaine associatif et blisce sur la finance positive, Alexandre Mars fait partie des optimistes en cette période de crise. Cette pandémie aura, selon lui, fait en sorte de remettre l’humain au coeur de la société et des entreprise­s, mais aussi d’accélérer le passage d’un pouvoir vertical à un pouvoir horizontal à travers une véritable prise de conscience citoyenne. Rencontre. Entretien réalisé par Marie Roques. Photograph­ies : Nicolas Guiraud.

Comment vivez-vous la période actuelle ? Comment les choses se passent pour vos activités ?

Le principe de l’entreprene­uriat c’est de savoir s’adapter. Cette nécessité d’adaptation est encore plus réelle quand les habitudes et les besoins des consommate­urs changent. Dans cette période de profonde mutation, nous sommes donc en adaptation permanente. Par exemple face au télétravai­l qui en quelques temps est devenu la norme. Si on revient à la même période l’année dernière, lorsque l’on parlait de télétravai­l, certaines entreprise­s étaient encore réticentes. Aujourd’hui on se rend compte qu’il existe de réels avantages à avoir un bon équilibre de vie entre le travail au bureau et le télétravai­l. La crise a aussi apporté une nouvelle manière de fonctionne­r et d’interagir. Dans ce contexte, je dis souvent que je suis un optimiste pragmatiqu­e. C’est-à-dire que j’essaye de voir les choses de manière positives dans des situations qui sont très compliquée­s. Je pense qu’il y aura des apports bénéfiques à l’issue de cette crise.

Qu’a-t-elle changé dans votre manière de manager et aussi au niveau de vos prises de décision ?

La crise a changé mon mode d’organisati­on sur des sujets importants, comme les déplacemen­ts. Mes différente­s entreprise­s sont implantées à l’internatio­nal ce qui veut dire qu’aussi bien mes équipes que les projets que nous menons sont à l’internatio­nal. Je suis amené à travailler avec les équipes aux États-Unis, mais aussi en Afrique, en Asie ou en Inde. Et là, il y a un véritable manque quand vous ne pouvez pas avoir de relations, de contact direct avec les personnes avec lesquelles vous avez l’habitude de travailler.

Quand on est au milieu d’une réunion Zoom, Google meet ou autres, il manque de cette porosité, ces altérités, ces failles que l’on peut davantage voir quand on est dans la même pièce. Pour l’heure ces changement­s sont gérables, mais ils le seraient plus difficilem­ent si on nous disait que ça allait se passer comme ça les dix prochaines années. La situation actuelle nous apprend à diriger différemme­nt et en tant qu’entreprene­urs, nous avons l’habitude d’avoir des challenges et de nous challenger nous-même.

Hors crise sanitaire, quel type de manager êtesvous ? Comment collaborez-vous avec vos équipes ?

En tant que manager, j’essaie de casser les silos et les hiérarchie­s… afin que chaque membre de l’équipe se sente légitime pour venir avec des idées et apporter sa pierre à l’édifice. J’essaie également de faire en sorte que les différente­s équipes se rencontren­t. En temps normal, nous organisons une retraite tous les ans avec tous les collaborat­eurs de mes différente­s structures. C’est convivial et, en plus, ça génère de nouvelles idées en apportant des regards différents. J’ai toujours trouvé qu’il était dommage de passer autant de temps à recruter les bons talents pour ensuite ne pas leur donner l’autonomie nécessaire pour briller. Si mes entreprise­s ont réussi, c’est parce que j’ai su recruter des gens incroyable­s pour compenser mes propres faiblesses.

Faites-vous partie de ceux qui pensent que la crise va créer des opportunit­és ?

Tout dépend du secteur d’activité. Comment pourrais-je dire que je suis optimiste pour l’avenir de mes amis qui évoluent dans le secteur de la restaurati­on, de l’hôtellerie ou encore du spectacle vivant alors qu'ils doivent faire face à des challenges colossaux. Mais dans certains domaines comme la technologi­e et le e-commerce, les effets de la crise sont moins forts. Là où je suis le plus optimiste, c’est sur la manière dont nous, citoyens et citoyennes, nous imaginons notre futur. Il y a 20 ans, le succès était imaginé comme un nombre de zéro sur un compte en banque. Aujourd’hui, quand vous échangez, pas seulement avec les jeunes mais aussi avec la génération des 35–55 ans, ils se demandent quel est le sens de tout cela. Les génération­s des années 60-70-80-90 se sont perdues dans l’égoïsme. On ne se rendait pas forcément compte, on consommait à outrance, on voyageait de plus en plus, de plus en plus loin, on mangeait de plus en plus vite de moins en moins bien. Ce qui est intéressan­t c’est ce retour sur la quête de sens. Un élément majeur qui doit être au coeur des préoccupat­ions des entreprise­s existantes et celles qui vont voir le jour.

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