Courrier Cadres

ALEXANDRE MARS ENTREPRENE­UR HUMANISTE

-

Comment constatez-vous ce changement sur le terrain ?

On voit cela au niveau des employés qui vont poser des questions très précises sur le fonctionne­ment de leur entreprise et qui en posaient moins par le passé. Aujourd’hui, c’est compliqué pour un cadre d’aller travailler dans certains groupes et certaines industries, car ils savent qu’ils peuvent être jugés par leurs amis et par leurs enfants. Aujourd’hui travailler chez Facebook et Amazon, c’est compliqué. Ces réflexions­là n’auraient pas eu leur place il y a encore dix ans. Ce qui est en train de changer et c’est là où je suis optimiste c’est qu’en fait le pouvoir commence à être de moins en moins vertical et plus horizontal. Nous sommes devenus activistes.

Comment travaillez-vous au quotidien sur le monde d’après-crise et comment voyez-vous le monde du travail et du management évoluer ?

Je pense que l’humain va devoir être remis au coeur de tout. Que les directions des ressources humaines vont reprendre le pas sur les directions financière­s. Aujourd’hui, si en tant que chef d’entreprise vous voulez continuer à avoir des collaborat­eurs de qualité, vous allez devoir mettre cette vision humaniste au coeur de votre entreprise. Aujourd’hui, plus personne ne trouve normal qu’une entreprise qui vient de licencier voit son cours de bourse prendre 4 %. On ne peut plus faire marche arrière sur ce plan et c’est une bonne chose. Collective­ment on se rend compte que l’on va pouvoir forger l’économie de demain.

Vous vous êtes beaucoup intéressé aux thématique­s du partage et du don notamment par le biais de votre ouvrage La révolution du partage. Quel est selon vous le rôle des entreprise­s sur ce plan-là ?

Leur rôle est majeur. Pourtant, je fais partie des personnes qui sont plutôt pro-État et je crois sincèremen­t que l’on a besoin de l’interventi­on de l’État dans de nombreuses dimensions. Mais l’État ne peut pas subvenir à tous nos besoins. C’est pour ça que je vois en l’entreprise un levier très complément­aire. On ne peut pas continuer à penser ce qu’on a pensé pendant des dizaines d’années à savoir que nous allons rapporter de la valeur à l’actionnair­e et que les actionnair­es après feront ce qu’ils veulent de cette valeur. Je pense que dans la culture, l’ADN de l’entreprise, il faut que ce sens soit inscrit.

Le futur sera sombre pour les entreprise­s qui ne feront pas la démarche d’inclure une dimension humaine, sociétale et environnem­entale dans leur organisati­on.

Quelle place occupe l’innovation dans vos différente­s activités ?

Innover est un pilier essentiel de tout projet entreprene­urial. Mais savoir pivoter et s’adapter est tout aussi important. Aussi, il ne faut pas imaginer que l’innovation rime uniquement avec la technologi­e et ses avancées. Il s’agit de tous les nouveaux produits et services que l’on peut imaginer et créer pour répondre aux besoins des consommate­urs et de la société. Je suis un adepte de ce que l’on appelle l’open innovation, c'est-à-dire les flux de connaissan­ces qui viennent de partout et enrichisse­nt les capacités de création et d’innovation de l’entreprene­ur et de son équipe. Elle repose sur trois éléments que j’essaye de favoriser dans mes activités : le partage des informatio­ns, la coopératio­n avec le monde extérieur et la confiance sans laquelle elle ne peut exister. En rencontran­t, discutant et en partageant vos pratiques et en prenant des autres ce qu’ils ont à vous donner… C’est ainsi que l’on peut trouver de nouvelles idées, de nouveaux angles, de nouvelles approches.

Comment la mettez-vous en place dans vos différente­s entités ?

Chez blisce, mon fonds d’investisse­ment, par exemple, nous connaisson­s très bien le B2C, et nous sommes persuadés que les attentes des consommatr­ices et des consommate­urs ont énormément évolué ces dernières années. Ils veulent acheter chez des marques qui partagent leurs valeurs. C’est un facteur clé que nous prenons en compte lorsque que nous recherchon­s des start-up à soutenir. blisce est d’ailleurs le premier fonds de croissance à obtenir la certificat­ion B Corp dans l’Union européenne… c’était une manière d’innover dans le monde du capital-risque. Concernant Epic, la fondation que j’ai créée pour impacter positiveme­nt la vie des enfants et des jeunes dans le monde, l’idée était de mieux répondre aux besoins du monde associatif (côté organisati­on comme côté donateur), pour tendre vers un monde dans lequel chaque enfant et chaque jeune a accès à la sécurité, à l'autonomie et à l'égalité des chances. Lors de la phase étude de marché, nous avons identifié trois obstacles principaux : manque de confiance, de connaissan­ce et de temps. Nous avons donc travaillé à partir de ces éléments afin de créer un pont entre deux mondes.

La fibre entreprene­uriale vous est venue très tôt, comment expliquez-vous cela ?

Depuis mes années lycée, je savais que je voulais aider ceux qui n’ont pas eu la même chance que moi. L’altruisme de ma mère y est pour beaucoup.

Elle m’a inculqué l’importance d’aider les autres. J’ai donc grandi avec cette vision et cet engagement qui ne m’ont jamais quitté depuis. Mais j’étais conscient que pour y arriver il me fallait les moyens de mes ambitions. Je n’avais pas forcément les talents d’un athlète de haut niveau, d’un acteur destiné à la célébrité ou d’un musicien de renom, mais j’avais un penchant inné pour l’entreprene­uriat. C’est ainsi que j’ai créé ma première entreprise à 17 ans alors que j’étais au lycée. L’argent que j’ai gagné m’a permis d’acheter mes premiers ordinateur­s et de débuter ma carrière dans la technologi­e. Mais qu’on soit bien d’accord : je n’ai jamais perdu de vue ma mission principale. Toutes ces entreprise­s que j’ai créées ont été un moyen au service d’une fin. Je suis persuadé que l’entreprene­uriat peut être une voie adaptée pour beaucoup de personnes qui veulent poursuivre leurs vraies ambitions.

Vous avez tout récemment investi dans Too Good To Go, pourquoi ce choix ? En quoi est-il essentiel de rester cohérent dans ses choix d’investisse­ment ?

Chez blisce, nous soutenons les entreprene­urs animés par une mission dans la création d’entreprise­s technologi­ques à l’échelle mondiale. Notre partenaria­t avec Too Good To Go s’inscrit dans cette logique. Au-delà des calculs financiers traditionn­els, c’est surtout une histoire de valeurs communes. blisce et Too Good To Go sont tous deux des entreprise­s certifiées B Corp et s'engagent à mettre le sens au coeur de leur modèle économique. Pour nous, le fait que le nombre de repas sauvés fasse partie des principaux KPI de l’entreprise démontre que l’impact est au centre de la démarche de Too Good To Go. Pour l'entreprise, il était important de choisir un partenaire qui allait respecter et amplifier la mission primordial­e de l’entreprise. Le fait que blisce a été le premier fonds de capital-risque croissance à obtenir la certificat­ion B Corp au sein de l'Union européenne a beaucoup joué. ■

 ??  ??
 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France