Courrier Cadres

Le monde d’après : Interview de Lucie Basch, fondatrice de Too Good To Go

- Propos recueillis par Marie Roques.

La jeune fondatrice de l’entreprise spécialisé­e dans la lutte contre le gaspillage alimentair­e, aborde la crise sanitaire comme une véritable opportunit­é. L’occasion, pour elle, de prendre conscience qu’il est essentiel de se réinstalle­r dans une nouvelle société au lieu de retourner dans l’ancienne le plus vite possible. Rencontre.

Quel regard portez-vous sur la crise que nous traversons actuelleme­nt ?

Nous avons tous le sentiment qu’elle s’étend dans la longueur. C’est en tout cas la première chose qui me vient à l’esprit. Pour autant, c’est la première fois que nous pouvons prendre le temps de nous poser les bonnes questions. Toutes ces interrogat­ions qui ne s’étaient jamais vraiment posées mais qui semblent aujourd’hui essentiell­es. J’ai le sentiment que nous avons pris le temps de réfléchir pour comprendre ce qu’il se passait réellement. L’enjeu est de prendre cette crise comme un moment de rupture. Il faut profiter de cette période pour mettre en place un plan de transition, comprendre qu’on allait droit dans le mur et s’installer dans une nouvelle société au lieu de réinstalle­r dans l’ancienne le plus vite possible.

Quelles sont ses conséquenc­es les plus visibles sur votre activité ?

Chez Too good to go, faire les choses ensemble et de manière collaborat­ive fait partie de l’ADN de l’entreprise. Aujourd’hui, nous travaillon­s de chez nous et il faut s’y adapter. Nos collègues ne sont plus ceux que l’on croisait quotidienn­ement au bureau mais les 850 salariés qui travaillen­t chez TGTG, implantés dans 15 pays. C’est une belle opportunit­é pour créer du lien avec nos collègues à l’internatio­nal. C’est aussi une manière pour nous de tester la culture d’entreprise. Nous sommes habitués à célébrer les succès et là du jour au lendemain, il a fallu faire face à l’adversité. En mars 2020, au moment du premier confinemen­t, nous avons vu le nombre de repas sauvés chuter de 70 %. Cela a été un véritable choc. La bonne nouvelle est que cette courbe que nous avons vu chuter si rapidement est remontée très vite à l’issue du premier confinemen­t. Dès que les commerçant­s ont pu rouvrir leurs portes, ils ont été très nombreux à nous solliciter. Cette période m’a aussi montré que dans l’adversité, l’équipe est vraiment très solide. Je suis encore plus sereine qu’avant la crise.

Qu’avez-vous mis en place en interne pour renforcer les liens ?

Nous avons appris à faire des team building en ligne, à compter les uns sur les autres. Nous soumettons aux équipes très régulièrem­ent des questionna­ires en ligne pour recueillir leurs impression­s et sentiments. C’est tout à fait essentiel dans une période où l’on ne se voit pas. Cela nous oblige à quantifier les choses par des faits, des données, cela nous a aussi permis de mettre en place de nouveaux process tout simplement pour s’assurer que tout le monde va bien. Je passe régulièrem­ent des petits appels téléphoniq­ues qui n’ont pas forcément d’objet mais cela me permet de prendre la températur­e, c’est important de rester auprès des équipes, c’est quelque chose qu’il faut absolument garder.Nous avons également compris que le monde de demain sera ‘remote’, même sans la Covid-19 et que nous pouvons être tout aussi efficace. Il est désormais exclu de s’installer dans un retour au bureau 5 jours par semaine. Encore une fois, l’idée n’est pas de se relancer mais de ‘transition­ner’.

Quelle place l’innovation a-t-elle au sein de Too good to go ?

Nous essayons de faire en sorte que chaque employé innove sur son domaine d’expertise et nous avons tout à construire, même si nous mesurons le chemin parcouru depuis notre création. Chacun doit connaître les sujets sur lesquels il est expert et avoir la liberté d’innover et de changer les choses. Cela nous prend beaucoup de temps mais nous innovons sans cesse sur chaque sujet. L’idée est d’aller toujours plus haut, toujours plus loin et de faire de l’améliorati­on continue. Au niveau de l’entreprise au global, notre objectif est de rester focus sur notre sujet de prédilecti­on, à savoir la réduction du gaspillage alimentair­e. Tout en innovant, il est important de se concentrer sur nos sujets et de ne pas nous éparpiller trop vite. Pour résumer, chez TGTG, l’innovation est à tous les étages et chacun y travaille à son niveau.

Comment travaillez-vous sur le monde d’après ?

Nous avons vocation à aller le plus loin possible le plus vite possible avec, je pense, un monde plus réaliste sur le fait qu’il est essentiel de changer les choses. La crise a eu le mérite de confirmer qu’il n’était plus possible de continuer comme avant. Les gens ont compris qu’ils pouvaient changer leurs habitudes et tout ce qu’on pensait impossible avant est devenu possible. L’idée est de se demander comment faire pour aborder cette pandémie comme une opportunit­é. Comme on dit, il ne faudrait pas gâcher une bonne crise !

Notre jeune âge avec une moyenne de moins de 30 ans chez TGTG nous permet d’avoir une certaine fraîcheur et d’évoluer dans cette idée que c’est à nous de créer le monde de demain plutôt que d’accepter le monde d’hier. Et ça, je peux dire que c’est un sacré moteur.

Quels sont les gros projets que vous avez actuelleme­nt dans les cartons ?

Aborder le gaspillage alimentair­e à toutes les étapes de la chaîne. Nous rassemblon­s aujourd’hui une communauté de 9 millions de personnes en France et nous voulons nous assurer que nous allons également faire progresser le volume d’invendus gérés avec un objectif de + 10 % des paniers mis en ligne avant la fin de l’année. ■

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