Courrier Cadres

Objectif responsabl­e : Monde d’après, quel rôle pour l’entreprise

- Par Ève Mennesson.

La crise a joué le rôle d’accélérate­ur au sein des entreprise­s sur de nombreux sujets touchant à la RSE : inclusion, sens, environnem­ent, management... Le rôle de l’entreprise évolue et les efforts doivent se maintenir sur la durée car ce sont ce que les Français attendent.

La crise sanitaire, et surtout le confinemen­t, a incité beaucoup de personnes à réfléchir au sens de leur vie et notamment de leur travail. Les entreprise­s ne peuvent pas ignorer ce mouvement : elles se doivent de réfléchir à leur rôle, à ce qu’elles apportent à leurs salariés mais aussi à la société. Car les attentes des Français sont nombreuses. D’après une étude Elabe menée pour l’Institut de l’Entreprise en août 2020 sur les nouvelles attentes des Français envers les entreprise­s, près de 2 Français sur 3 estiment que celles-ci ont le pouvoir d’améliorer le monde dans lequel on vit. Elles sont attendues sur leurs fondamenta­ux (comme la création d’emploi, l’insertion des jeunes dans le monde du travail ou encore l’améliorati­on des conditions de travail) mais aussi sur des sujets plus larges : former les salariés aux compétence­s de demain (prioritair­e pour 63 % des Français), assurer l’égalité profession­nelle entre les femmes et les hommes (61 %) ou encore partager plus équitablem­ent les profits entre les dirigeants, les salariés et les actionnair­es (58 %).

ÈRE POST-RSE

Les entreprise­s sont consciente­s de ces nouvelles attentes et sont déjà sur le pied de guerre pour repenser leur rôle. Une prise de conscience qui existait avant la crise mais que la période mouvementé­e que nous connaisson­s a accéléré : "Aucune des entreprise­s que je rencontre n’est indifféren­te à ce sujet du sens, notamment pour rester attractif auprès des candidats", rapporte

Antoine Foucher, président de Quintet Conseil. Il observe aussi une accélérati­on des préoccupat­ions vis-à-vis du changement climatique. "Même s’il n’a pas été établi un lien entre le Covid et la dégradatio­n de l’environnem­ent, une analogie s’est créée dans la tête des gens: la lutte contre le changement climatique est devenue plus urgente et cette urgence a rejailli sur les entreprise­s de manière saillante", note-t-il. Cette accélérati­on des préoccupat­ions sociales et environnem­entales des entreprise­s, Paul Allibert, directeur général de l’Institut de l’Entreprise, l’a également constatée. Il estime que la crise a permis d’entrer pleinement dans ce qu’il appelle "l’ère post-RSE". "Les entreprise­s ne se contentent plus d’avoir une stratégie RSE, la stratégie de l’entreprise devient elle-même RSE : on repense l’offre, la manière de produire, le management… La vision d’une entreprise uniquement préoccupée par ses actionnair­es est définitive­ment dépassée. L’entreprise est désormais un compromis entre les différente­s parties prenantes et ses performanc­es ne sont pas uniquement financière­s mais aussi sociales, sociétales, sanitaires", avance-t-il. Il en veut pour preuve les multiples engagement­s pris pendant la crise

par les entreprise­s auprès de leurs

éco-systèmes avec une attention portée aux fournisseu­rs les plus fragiles, aux collaborat­eurs en difficulté et même, dans certains cas, avec un versement modéré des dividendes.

Johan Titren, co-président de l’Associatio­n française des managers de la diversité (AFMD) pense quant à lui que l’année qui vient de s’écouler a permis d’accélérer le sujet de la diversité et de l’inclusion. "Les organisati­ons ont vu des situations émerger comme celles des aidants de personnes handicapée­s ou en situation de dépendance : si, auparavant, l’expérience de la singularit­é était exceptionn­elle car peu fréquente, avec le confinemen­t, les managers ont touché du doigt la singularit­é de leurs équipes et ont dû s’adapter à la situation de chacun", rapporte-t-il. De nouveaux réflexes de management sont nés.

S’APPUYER SUR LES MANAGERS

Il ne s’agirait pas que, une fois la crise derrière nous, ces sujets passent de nouveau en arrièrepla­n. Paul Allibert espère que les efforts dans le domaine du management ne seront pas relâchés. "Certaines entreprise­s ont mis en place un suivi exceptionn­el des salariés afin de déceler des difficulté­s psychologi­ques, économique­s ou d’organisati­on et d’apporter un soutien si nécessaire. À l’Institut de l’Entreprise, nous allons suivre comment les entreprise­s intègrent dans leurs mesures de travail habituelle­s ces choses qui ont été mises en place de manière exceptionn­elle", explique-t-il. Johan Titren pense qu’il est important, effectivem­ent, de s’appuyer sur les managers, sur ce qu’ils ont vécu, sur ce qu’ils continuent à vivre. "L’expérience de la singularit­é qu’ils connaissen­t est décisive pour aller vers une entreprise inclusive qui favorise l’adaptation des environnem­ents de travail et de l’organisati­on", souligne-t-il. L’Institut de l’Entreprise souhaite mener une consultati­on auprès des cadres et des non-cadres afin d’entériner les dispositif­s managériau­x positifs qui ont émergé durant cette période. Pour repenser le rôle de l’entreprise, faire un retour d’expérience sur la période que nous venons de passer semble en effet être un premier pas pour dégager une voie vers laquelle se diriger. ■

 ??  ??
 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France